Ce lundi 2 septembre, les écoliers d'Avenay-Val-d'Or (Marne) faisaient leur rentrée dans l'école de la commune. A la suite du tragique accident survenu le 15 juillet, certains d'entre eux auront des questions. Thierry Delcourt, pédopsychiatre à Reims, donne quelques clés pour leur répondre.
Comme plus de 12 millions d'écoliers français, ce lundi 2 septembre, les élèves de l'école primaire d'Avenay-Val-d'Or dans la Marne, faisaient leur rentrée. Seulement, cette rentrée était un peu particulière pour les Avenaysiens, avec deux petits camarades qui manquaient à l'appel. L'accident au passage à niveau en juillet dernier a laissé de nombreuses séquelles dans la commune. Certains enfants auront forcément des questions, et Thierry Delcourt, pédopsychiatre à Reims, aide à y répondre.
Que faut-il répondre à un enfant qui pose des questions sur cet accident ?
"Tout dépend de la question qu'il pose. S'il veut à tout prix en parler, les parents doivent expliquer simplement ce qui a eu lieu, attendre ses réactions et être attentifs à son émotion."Quelles peuvent être ses réactions et à quoi faut-il être vigilant ?
"Le plus souvent, il y a trois cas de figure. Le plus gênant, c'est quand il n'y a aucune réaction. Quand l'enfant reste froid par rapport à un événement tragique comme celui-ci. Là, cela mérite d'être particulièrement attentif.""Deuxième cas, quand il ressent le besoin d'en parler. Ce n'est pas forcément un drame, mais les parents doivent répondre simplement par rapport à ce qu'il s'est passé, au drame que cela représente et rassurer l'enfant. Il faut surtout lui offrir la possibilité d'en reparler s'il se sent fragilisé."
"Troisième cas, ce sont les enfants qui explosent, qui ressentent une grande souffrance. Il faut alors être attentif et éventuellement demander à voir un spécialiste."
Quel serait le risque dans le cas d'un enfant qui se renferme ?
"Le risque, c'est l'angoisse qui viendrait dans un second temps. Souvent, cela va passer, puis dans l'après-coup, cet enfant-là va avoir des manifestations d'angoisses ou de phobies, ce qui est assez fréquent. C'est souvent comme ça que les enfants réagissent : c'est-à-dire qu'à un moment donné, il va avoir la phobie d'aller à l'école ou de monter en voiture... des choses toutes simples mais qui témoignent de leur angoisse."En règle générale, comment les enfants réagissent-ils après de tels événements ?
"Quand c'est sous le moment -dans le cas d'Avenay-Val-d'Or, une équipe psychologique s'est rendue sur place -, certains enfants vont être sidérés, comme dans le cas de situations traumatiques. Ils ne vont rien dire, mais ils vont pleurer (et c'est déjà s'exprimer que de pleurer). D'autres enfants vont avoir besoin de raconter et de poser mille questions et d'autres vont fuir et éviter tout contact. Ça c'est sur le coup. Si on ne saisit pas ce moment-là, tout cela revient dans une espèce de crypte, d'enfermement et puis on ne sait pas ce que cela devient. Mais cela va se réveiller.""La question est : où était-on au moment de l'événement ? Si on était sur place, il y aura forcément un élément traumatique et un suivi. En revanche, si on ne l'était pas et qu'on a entendu parler ou que le copain ne revient pas à l'école parce qu'il est mort, il y a également une dimension traumatique, mais qui sera différente."
Ce n'est pas le même type de choc, en revanche cela ne veut pas dire qu'il faut le sous-estimer...
"Exactement. Le critère d'assister directement à l'accident ou pas est important pour les professionnels de santé mais pour les parents et enseignants, ce n'est pas le seul critère. Le critère pour un enfant, ce peut être de voir que d'un coup, la table est vide à côté de lui. Cela va provoquer un vide et peut-être des angoisses et des insomnies, ou des cauchemars. Il faut donc s'y attarder soigneusement.""Soigneusement veut dire qu'assez régulièrement, on peut poser des questions, à l'occasion d'information par exemple. On peut s'enquérir de : 'Tu y repenses encore à tout ça toi ?' Lui reposer la question, ce n'est pas réveiller tout ça. C'est lui permettre, s'il a besoin d'en reparler à ce moment-là, de se saisir de cette occasion."
Pour les parents qui pourraient être mal à l'aise avec la question, auriez-vous des astuces pour en parler simplement ?
"Tout dépend de l'âge et des croyances. Souvent, si la famille est croyante, on va lui présenter les choses d'une manière adoucie. On va évoquer la mort en disant qu'on le retrouvera plus tard. En revanche, si les parents ont décidé de dire toute la vérité, et je crois que c'est mieux, ils doivent lui faire saisir que c'est fini, qu'on ne le reverra plus. On ne met pas l'enfant face à des propos violents, comme certains parents ou professionnels de santé qui choisissent de dire : 'Dans trois mois c'est fini, un point c'est tout.' Non, il faut forcément quelque chose d'enrobé qui permet un dialogue.""En fonction de l'âge de l'enfant (6, 7 ou 8 ans), on peut se servir des histoires du soir. On ne se contente pas de lire les histoires, mais on en profite pour faire une histoire interactive. On demande : 'Toi, qu'est-ce que tu ferais à la place de cet enfant qui est malade ou dont la maman est malade?' Cette interactivité va permettre à l'enfant d'extérioriser tout ce qu'il ressent à ce moment-là. Lors de l'histoire du soir, il sera détendu, ou s'il est angoissé, il est dans les conditions idéales pour parler."
Pensez-vous à certains titres en particuliers?
"Je ne pense pas qu'il y ait de livres spécifiques. Je pense qu'il faut une histoire bien écrite. Le livre qui voudrait à tout prix évoquer un problème et le traiter, ce n'est pas la bonne chose. Il faut que ce soit un livre qui raconte une histoire, qui porte de l'imaginaire et qui permette, dans cet imaginaire, d'intégrer les éléments de la vie. C'est un peu comme des gens qui divorceraient et qui achèteraient le livre Papa et maman divorcent, boum, c'est un peu violent. Cela ne va rien adoucir, ni rien faciliter, à moins que les parents soient très habiles à ce moment-là.""Si les parents sont moins à l'aise, il ne faut pas y aller comme ça. Il vaut mieux passer par les grandes histoires, voire celles qu'ils ont aimées en étant enfants."