Enceinte de 9 mois à travailler dans les vignes : l'appel de Mathilde Savoye émeut les réseaux sociaux

Près d'Epernay dans la Marne, Mathilde Savoye, vigneronne, enceinte de neuf mois n'avait plus de salarié pour tailler ses vignes. Après son appel sur les réseaux, le dossier avance, mais elle veut sensibiliser sur la pénurie de main d'oeuvre agricole et la place des femmes dans le secteur.

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Sa vidéo publiée sur Instagram fin janvier a fait le tour des réseaux et son appel a enfin été entendu. Sollicitée de toutes parts depuis son post en forme de bouteille à la mer, il y a quelques jours, Mathilde Savoye, une jeune vigneronne de 27 ans près d'Epernay dans la Marne a fait bouger les choses, mais ce n'était pas gagné. Elle attend son premier enfant début février 2022. Enceinte de neuf mois, elle ne pouvait plus assumer seule le travail de la taille dans ses vignes en champagne. Or, son employé a abandonné son poste du jour au lendemain. Injoignable. La tuile. 

Dans son message vidéo, où on la voit sous la pluie, au milieu de ses vignes, elle s'interrogeait sur la situation qu'elle vit. "Je suis vigneronne, j’étais en train de tailler et je suis enceinte. Mon terme est cette semaine et je vais devoir cesser toute activité, j’ai fait appel au service de remplacement qui a embauché un salarié qui ne vient pas. Or, il était impensable de mettre mon activité à l’arrêt, car la nature va se réveiller et il va falloir que les travaux soient terminés".

"Je me demandais si c’était possible qu’en 2022 en France, une femme ait pour projet de devenir maman et la gérance d’un entreprise, seule, de façon indépendante, ni avec un père pour l'aider, ni un mari disponible pour ce travail. Je me rend compte que demain mon activité sera arrêtée. Cette situation est problématique, si quelqu'un a une solution, qu’il me la partage. En attendant, j’y retourne, bonne journée".

Ses messages ont suscité d'innombrables réaction, de personnes dans des situations similaires, ou de propositions d'aide.

Contactée par France 3 Champagne-Ardenne ce mardi 1er février, Mathilde explique que la situation a évolué en quelques jours. "Aujourd'hui, ça va mieux, la situation se débloque, je vais avoir quelqu'un dans les vignes dès demain mercredi, mais ça n’empêche pas que la procédure pour abandon de poste va être longue. La MSA (Mutualité Sociale Agricole) m'a précisé qu'on ne peut pas passer au travers de certaines procédures, mais elle a pris le problème en main."

Des procédures administratives trop longues

Cette histoire, largement relayée, pose la question des procédures de recrutement dans le milieu agricole. "Un mois de procédure dans la viticulture ou l’élevage, pour embaucher à nouveau, c’est trop long", dit-elle. Les procédures ne sont pas en accord avec le milieu et la réalité du terrain. "On a une vraie pénurie de main d’oeuvre, je fais partie du Syndicat général des vignerons, je vais parfois dans les lycées agricoles, mais il n'y a  pas assez d’élèves, sont-ils mal orientés, peut-être que le métier n’attire pas ? Il y a plusieurs problèmes", conclut-la future maman et cheffe d'entreprise. 

Dans un nouveau post Instagram, Mathilde Savoye a tenu à remercier ses soutiens. "Mille mercis, pour tous vos messages et tous vos soutiens. Il existe et existera toujours une grande chaîne de solidarité, j’en suis persuadée. Je souhaitais repréciser que je ne cherche pas à embaucher directement, j’ai adhéré à un service qui propose d’aider des agriculteurs/trices et viticulteurs/trices exploitants pendant un arrêt maladie ou bien un congé maternité comme dans mon cas par exemple".

"Et quand nous rencontrons des difficultés comme l’abandon de poste du salarié embauché, c’est alors toute une procédure juridique et une charge administrative qui se met en place et qui bloque complètement l’agriculteur ou le viticulteur qui se trouve sans solution."

Double charge

"C’est aussi ce qui fait la France cette charge administrative. Bien sûr, il existe des droits du travail et des règles à respecter et nous comprenons aussi cela mais alors certaines de ces institutions devraient mieux communiquer sur ces sujets. Puisque oui nous avons choisi d’être indépendants et de faire des enfants et bien à notre charge de trouver des solutions si nous pensions pouvoir compter sur un service, qui finalement n’en n’est plus un."

La force des réseaux sociaux a parfois du bon. "Même si voir mon visage partout ce n’était pas ce que je cherchais, si ça pouvait aider, ce serait top. Je serai ravie, je ne suis pas féministe, mais j'aimerais faire changer les mentalités". Certains commentaires disant qu'elle n'aurait pas dû avoir d’enfant, l'ont blessé. Elle regrette que certaines mentalités n’évoluent pas sur ce sujet et souhaite une prise de conscience. "On n’est pas obligée de choisir entre devenir mère et rester vigneronne, ce serait une bonne chose si les esprits changeaient là-dessus."

Mathilde nous explique qu'elle ne s'est jamais arrêtée de travailler, restant en bonne santé pendant toute sa grossesse, qui s'est déroulée sans pépin de santé. "Je ne suis pas contrainte, je l’ai toujours fait. C’est une chance de lier son travail et sa grossesse qui se passe bien. Ma famille ne m’a pas dit, il faut que tu arrêtes. Mais j’étais seule, sans collègue autour de moi, il faisait froid, je me disais : ça va durer combien de temps ? J’accouche la semaine prochaine… Il fallait faire quelque chose ! Je ne déprime jamais, mais là, ça m’a mis un coup au moral, et je n’avançais pas". 

L'intérêt d'échanger dans la profession 

L'idée de la vidéo, elle l'a eu en pensant à des amis qui la suivent sur les réseaux. "Je me suis dit, ça va me réconforter. Je me posais ces questions, est ce que je suis la seule dans ce cas ? Non, d’autres femmes se posent les mêmes questions. Cela peut être une bonne chose d'en parler de manière publique." Mathilde fait aussi partie d'une association de femmes vigneronnes. "On se comprend mieux, c’est toujours intéressant, d'échanger."

La vidéo totalise plus de 160.000 vues le 1er février. Relayée par des influenceurs sur des réseaux professionnels comme Linkedin. Son entourage l'a félicité pour l'initiative. Tous dans le métier, ils rencontrent également des difficultés pour trouver des employés toute l’année dans les vignes. Pour Mathilde Savoye, il faudrait pouvoir réduire le délai de procédure pour constater un abandon de poste. "Dans mon cas, il aurait fallu attendre fin février pour que ce contrat soit clôturé et qu’on puisse embaucher." Trop long, quand on travaille avec la nature. 

"Dans mon cas, il aurait fallu attendre fin février, pour que ce contrat soit clôturé et qu’on puisse embaucher à nouveau, c'est trop long."

Mathilde Savoye, vigneronne

Le compagnon de Mathilde, et père de son enfant à venir, est aussi du milieu et il possède son exploitation viticole, le triple de la sienne. La charge de travail actuelle de Mathilde, il la connaît bien, car elle est identiquepour lui. "Il va faire les travaux mécaniques dans mes parcelles, en attendant que je puisse travailler à nouveau, après l'accouchement. Me dépanner serait déplacer le problème. Moi, je veux rester indépendante aussi, précise la jeune femme. L’idée, ce n’est pas de travailler ensemble totalement, on est dans une génération où ça se fait moins".

Quant à l'embauche d'un nouveau salarié, elle reste à la main de la MSA qui paye cet employé. Le bénévolat n'était pas possible. Le régime agricole ne l’accepte pas, car il faut une assurance. Le monde du travail n'est pas un long fleuve tranquille.

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