Des cochons nains de Nouvelle-Zélande mieux que les moutons pour désherber les vignes ? Test grandeur nature en Champagne

Une expérimentation animale a lieu depuis mi-janvier dans une parcelle de vignes en Champagne avec des cochons nains de Nouvelle-Zélande. Leur atout, ils sont légers et plus efficaces que les moutons pour désherber.

Toute la basse-cour, ou presque, aura été mise à contribution dans le vignoble. Le cheval qui déplace des caisses de raisin, puis des moutons pour désherber sans herbicides, ni machines polluantes, mais avec un succès mitigé et même des oies ! Voici maintenant que des cochons font leur apparition aux pieds des ceps de vignes. Attention, pas n'importe lesquels. Il s'agit de sympathiques cochons, nains, au pelage crème voire marron clair, originaires de Nouvelle-Zélande. Deux spécimens s'ébrouent dans une parcelle de vignes en Champagne, dans la Marne, depuis la mi-janvier 2023. 

Tout est parti d'un constat dressé par des professionnels de la vigne et du sol. Trouver la meilleure méthode, écologique et économique, pour juguler les chardons et autres "mauvaises herbes" dans les rangs n'est pas simple. Loin de là. D'autant qu'il ne faut pas abîmer le sol des coteaux champenois. Les engins mécaniques étant trop lourds, certains vignerons ont testé les moutons. Avec parfois de bonnes surprises et des sols redynamisés. Mais les moutons sont capricieux et surtout, ils peuvent s'attaquer aux jeunes pousses de vignes. 

Race Kunekune

Face à cette situation, Olivier Zebic, un consultant agricole et vinicole innovant installé dans la Marne, au milieu de l'AOC Champagne, a eu connaissance d'une race de cochons particulières. Des porcs domestiques mahoris, qu'on appelle 'Kunekune'. "Je me suis dit, s’ils font comme les moutons, mais toute l’année, c'est mieux. En plus, ils mangent les racines, ils préfèrent ça aux parties aériennes de la vigne. C’est génial pour enlever des chardons ou des mauvaises herbes. Surtout, vu leur taille, ils ne retournent pas la terre comme un sanglier, en surface. C’est très impressionnant". Expert depuis 20 ans, originaire d’Avize (Marne), cet ingénieur agronome formé à l'Inra à Montpellier sait aussi que chaque expérience d'éco-pâturage est très observée. Revenu en Champagne depuis quelques années, il mesure les enjeux écologiques, constate les effets de la pollution de toute sorte dans la nature. Et veut apporter sa pierre à l'édifice. 

L'expert a posté cette expérimentation en lien avec une maison de champagne sur les réseaux sociaux et a été submergé par les appels de professionnels. Débordé par le succès. "J’ai d'abord commencé à Bordeaux en 2022. On a vu de très bons résultats". Il compare encore avec les moutons. "Un mouton ça tond, mais pas toujours de manière efficace. Et pas 100% d’une parcelle. Le problème, c’est que quand la vigne pousse, ils préfèrent les jeunes pousses, il faut donc les enlever". En Nouvelle Zélande, raconte-t-il, "on leur met des colliers électriques, on n'est pas loin de la maltraitance animale…Certains ont même des muselières. C’est horrible, tout ça pour qu’ils ne mangent pas la vigne". 

Mieux que les moutons ? 

Ingénieur agronome, de formation oenologue, l'homme de sciences et de terroir est en relation avec un campus agricole innovant, Hectar (cofondé par Xavier Niel) c'est là qu'il a eu vent de ces animaux et de leur potentiel. En participant à des jurys d’innovation. "J’ai vu qu’ils étaient petits, nains, avec une particularité : ils ne peuvent pas lever la tête. Et ne s'attaquent donc pas aux vignes en hauteur". Olivier Zebic en fait donc venir quelques-uns de l'autre côté de la planète pour tester leur talent dans le bordelais. "Je me suis dit, il faut faire quelque chose, je suis basé à Reims, alors évidemment j’ai commencé à en parler, dans des conférences. Au salon Viti vinicole d'Epernay. Beaucoup de vignerons étaient intéressés et même amusés". 

Parmi eux, le champagne Bonnaire, situé à Cramant, dans la Côte des blancs, un secteur prisé du vignoble. "Première session de pâturage en Champagne pour les cochons Kunekune sur notre parcelle 'Les Terres des Buissons' à Cramant. De par leur morphologie singulière, ces cochons permettent une alternative possible au désherbage mécanique. Affaire à suivre", écrit la maison sur Facebook. Le vigneron en question, Jean-Etienne Bonnaire confirme qu'il s'agit d'une expérience qui méritera du recul. Mais elle suscite l'intérêt et la curiosité.

 

"J’aimerais que ce soit concluant, nous dit-il, car c’est une alternative au tassement des sols, bien mieux que l’enjambeur mécanique. C’est plus écologique. Même s’il faut nourrir les cochons et les transporter. C’est intéressant, car le travail peut être précis, sans abîmer les pieds de vigne. Avec les tracteurs, on peut faire des dégâts, alors que le cochon Kunekune ne va pas descendre en profondeur dans le sol. Ces animaux cherchent les racines des chiendents. Mais on va les retirer dès que les bourgeons sortent. On ne prendra pas de risques. On ira jusqu'à la fin mars. Il faudra ensuite voir l’efficacité du travail. Cette technique n'a jamais été essayé en Champagne. Il faudra voir aussi s’ils ne vont pas abîmer les installations, les rachets (ce qui reste du pied de vigne, après l'arrachage). On a beaucoup de collègues intéressés. Un voisin m’a même demandé si on en avait à vendre, mais non, c’est expérimental. Avec les moutons, il y a une impasse technique. Même si c’est mieux que de désherber avec une machine". 

Un test grandeur nature dont les résultats sont attendus, car ils pourraient faire école. "Je pense qu’il faut arrêter les herbicides, continue Olivier Zebic. Mais l’alternative, c’est le travail du sol, une catastrophe écologique, car ça le détruit. On a des couverts végétaux, mais il faut maitriser cette herbe. Donc ces cochons nains peuvent être une solution d’avenir. Plus ça avance, plus je pense que c’est une solution, les moutons, c’est moyen, ça coûte cher… C’est bien pour Instagram mais ça ne suffit pas". 

Je veux mettre en place une filière de cochons nains en Champagne, pour apporter une solution, si ça fonctionne.

Olivier Zebic

Consultant agricole

Pour l'instant seuls deux cochons Kunekune sont en pâturage à Cramant, non loin d'Epernay. Six autres doivent arriver le 8 février de Bordeaux. "On organise la reproduction. Je veux mettre en place une filière en champagne, pour apporter une solution, si ça fonctionne". Conscient que ce n'est qu'une étape, Olivier Zebic estime qu'il vaut mieux mettre dix cochons d’un coup que deux. Avec un effet possible sur le mildiou. "Car cette maladie parasitaire se conserve l’hiver dans les feuilles mortes et le cochon les mange ! C’est une hypothèse personnelle. Il y a aussi un vrai intérêt des vignerons. Si on travaille le sol, on risque de l’éroder et dans le contexte de changement climatique, il ne va pas rester grand chose". 

Question coût, ce sytème de désherbage avec des porcs nains se veut compétitif. Il ne coûterait pas plus cher qu'un autre, mais pas moins. Il faudra malgré tout attendre quelques temps avant d'en tirer des conclusions scientifiques claires. L'assemblée des vignerons de champagne, (AVC) a évoqué récemment des points à travailler à moyen terme, et le travail du sol en fait partie. Le dossier reste ouvert, il y aura une suite. Cochon qui s'en dédit. 

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