Nicolas Smith, professeur de guitare et président de l'école de musique d'Epernay, lance un cri d'alarme pour que son école puisse rouvrir. Ce deuxième confinement sonne la fin, d'années d'investissement et de travail collectif.
"C'est injuste ! Nous attendions le 15 décembre avec impatience et nous voilà encore contraint d'attendre un prochain discours le 07 janvier pour savoir quand nous pourrons rouvrir notre école de musique " dénonce Nicolas Smith professeur de guitare et président de l'école de musique d'Epernay. On nous refuse la réouverture quand on autorise celle des auto-écoles. On a l'impression que le gouvernement a mis dans la terminologie culture, tout le monde dans le même sac enchaîne-t-il scandalisé. Nous ne sommes ni un zoo, ni un casino, ni un cinéma, nous sommes des professeurs de musique et nous avons des locaux qui nous permettent d'accueillir nos élèves dans de bonnes conditions sanitaires, en cohérence avec le protocole mis en place dans les écoles ajoute-t-il.
Nicolas Smith est toujours tout seul dans sa salle avec un élève. Pour lui, le port du masque et les gestes barrières, déjà maîtrisés et connus de tous, suffisent à ce qu'on autorise l'accueil des élèves sur site. " On autorise les élèves à rester dans une voiture qui fait 1 m3 pendant une heure pour apprendre à conduire, et moi qui suit tout seul avec mon élève dans une grande pièce aérée on me refuse ça " s'interroge Nicolas.
Avec ce second confinement, les écoles de musique ont du de nouveau s'organiser pour assurer les cours à distance regrette Nicolas. Pour lui, l'enseignement à distance n'est pas conseillé pour apprendre un instrument ou le solfège qui est un enseignement théorique compliqué.
Le secteur privé oublié
Le professeur a bien vu qu'avec le premier confinement, beaucoup d'élèves avaient décroché. En septembre, le nombre d'inscrits à baisser. Il sait que sa situation est identique à celle des autres conservatoires et écoles de musique. Comme le Conservatoire de Reims à rayonnement régional qui a vu pour cette rentrée, une baisse des inscriptions, qui a permis à ceux inscrits sur liste d'attente, d'être appelés plus rapidement que prévu.
Depuis la mi-octobre, Nicolas enseigne la guitare à distance, de chez lui, à Cormontreuil. " La vidéo ne résout pas tout, j'arrive à expliquer à distance, mais certains des élèves ont du mal à assimiler à distance. Le piano ou les instruments à vents ça reste très compliqué en vidéo " explique le professeur qui a vu parfois des élèves décrochés. Et, les élèves qui décrochent ne sont pas que des enfants", souligne Nicolas qui compte parmi ces effectifs 50 % d'adultes.
Nicolas a le sentiment que personne au niveau des élus et de l'Etat ne se rend compte de la précarité dans laquelle lui et ses collègues vont bientôt se trouver. Nicolas n'a pas eu une aide de l'Etat importante : " Je ne suis pas un fonctionnaire de l'Etat contrairement à mes collègues des conservatoires publics, en tant professeur de musique je n'ai pas pu garder mon salaire".
Pour son activité à Epernay, il a pu bénéficier d'une aide, mais à peine de quoi payer ses factures, Nicolas doit toujours payer le bail et les charges de sa salle de cours : " Nous sommes inscrits comme auto-entrepreneurs, car nous avons créé ce lieu en tant qu'associatifs, du coup nous devons payer, la cotisation foncière des entreprises et l'Etat pas n'a parlé de ces frais qui restent à notre charge" constate Nicolas. Le professeur et président de l'école a pu obtenir un échéancier pour payer ses charges, mais cela lui semble dérisoire par rapport à la perte subie.
À la rentrée en septembre, l'école de musique a perdu la moitié de ses élèves, notamment des jeunes, s'inquiète le professeur qui estime que l'Etat a amplifié la situation en confinant une seconde fois. La rentrée des écoles de musique à peine bouclées, il a déjà fallu se reconfiner et on nous laisse mourir s'indigne Nicolas qui ne sait plus vers qui se tourner.
Depuis le début de la semaine, il tente de joindre des élus de la Marne, des agents au ministre de la Culture, des médias aussi. "Au ministère de la Culture, on m'a renvoyé sur un lien pour savoir à quelles aides j'aurais le droit " se désole Nicolas qui s'est donc rendu sur le site. " Je remplis tous les formulaires sans savoir si j'aurais droit à une aide, personne n'est capable de nous expliquer ou de nous accompagner" regrette-t-il.
"Nous, on fait marcher l'Etat comme auto-entrepreneur et comme aide on nous donne le minimum. C'est simple, je suis à 3 mille euros de baisse de mon chiffre d'affaire et je n'ai obtenu que 400 € d'aide" énonce-t-il.
Ce professeur de guitare, âgé de 38 ans, a mis qunze ans à faire de l'école de musique d'Epernay, un vrai lieu d'apprentissage. Cette école, qui fait partie de l'histoire de la commune, n'est pas une école publique. Elle ne bénéficie pas des mêmes aides alloués au conservatoire public.
Eviter le décrochage des élèves
À cette incohérence, s'ajoute celle des conservatoires de toute la France qui ont pu accueillir les élèves en classe CHAM ( les CHAM - Classes à horaires aménagés musique) et les élèves qui préparent les examens de 3 e cycle. "Qu'en est-il des autres qui doivent préparer les examens de 1ers et 2e cycles et qui suivent leurs cours à distance, se désole Nicolas Smith. Et ceux qui voudraient poursuivre un enseignement tout juste débuté. Notre site nous permet de rester en lien mais cela n'est pas suffisant " reconnait le professeur.
Une problématique que partage le Conservatoire à Rayonnement Départemental Marcel-Landowskile de Troyes qui a décidé de prêter 106 carillons aux élèves débutants. Fermé au public depuis le début de ce 2e confinement, la ville de Troyes a continué d'adapter son fonctionnement. " Pour rappel, seuls les élèves des Classes à Horaires Aménagés (CHAM) et les élèves de 3e cycle (cycle à Orientation Amateur ou Cycle à Orientation Professionnelle) peuvent s’y rendre. Pour tous les autres élèves, quand l’activité le permet, les cours se poursuivent en distanciel". C’est le cas, notamment des jeunes élèves (âgés de 4 à 7 ans) inscrits en éveil musical (1 et 2) et en initiation musicale (2), qui dès cette semaine, pourront venir chercher un carillon qui leur sera prêté jusqu’à la fin de l’année scolaire. Afin de préserver leur intérêt pour la pratique artistique, mais aussi de maintenir le suivi pédagogique.
Les interventions en milieu scolaire sont quant à elles maintenues, ce qui ulcère vraiment Nicolas Smith qui lui a du interrompre les cours de guitare qu'il donnait au centre culturel et sportif de Saint-Thierry dans la Marne et poursuivre son enseignement à distance pour l'école La Roseraie de Rilly-la-Montagne. Pour l'arrêt de ses cours à Saint-Thierry, il n'a pas pu bénéficier des indemnités chômages, car il ne rentrait dans aucune catégorie avec son statut de vacataire pour 10 mois.
"Je veux être dans la bonne case"
Pour Nicolas Smith, "il y a un vrai oubli des écoles de musique qui ne sont pas prises en compte. Le statut associatif fait basculer notre mode de fonctionnement dans le privé, seulement, nous préparons nos élèves aux mêmes examens départementaux que les conservatoires, s'indigne le professeur. Qui pense à nos élèves, personne, Quid des aides financières pour nous ?". Des questions toujours sans réponse pour l'enseignant et directeur de l'école de musique. "Finalement, on nous a mis dans la case loisirs et nous voilà contraints de survivre à distance " conclut-il.
Pour la prochaine annonce attendue le 07 janvier, Nicolas n'est guère optimiste. Il souhaite que les écoles de musique rentrent dans la même catégorie que les coiffeurs. "Les distances des 8 m2 sont largement respectées dans nos salles et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas bénéficier de ce même dispositif " espère-t-il.
Pour l'heure, il continue à alerter et tente de se rapprocher des mouvements collectifs. Il vient de signer une pétition mise en ligne par le Conservatoire de Toulouse pour une réouverture prochaine.
La musique adoucit les moeurs, pourvu que cela soit entendu par le gouvernement.