Histoire alternative : après avoir téléporté Paris au Moyen Âge ou anticipé une Humanité privée de naissances, le vidéaste Alterhis va sortir une BD

Alterhis est un vidéaste qui publie sur Youtube des uchronies, des vidéos où l'histoire est modifiée. Une manière originale de se documenter sur les faits du passé. Après un livre sorti sur la téléportation de Paris au Moyen Âge et des vidéos d'anticipation imaginant un futur peu reluisant pour l'Humanité privée d'enfants, il compte se lancer dans une bande-dessinée (BD) centrée sur une civilisation cachée qui vivrait sous la surface de la Terre.

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La rentrée ne concerne pas que les élèves ou les parlementaires. Sur Youtube, les vidéastes aussi ont repris leurs activités.

Parmi eux, Alterhis, qui traite d'histoire alternative. Il imagine des uchronies, par exemple imaginer les conséquences de la modification d'un évènement historique : tel personnage historique ne meurt pas tout de suite (comme Alexandre le Grand), ou telle bataille n'est pas perdue (les Gaulois qui triomphent finalement de Jules César). Une manière originale d'apprendre l'histoire en passant, bien que le vidéaste veille à ne pas se prétendre historien.

Si France 3 Champagne-Ardenne le présente parfois, c'est à cause de son arbre généalogique. Si on le remonte assez tortueusement, on peut le rattacher à Nicolas Ruinart, fondateur de la fameuse maison de champagne. Mais depuis le jeudi 12 septembre 2024, il existe un lien plus récent avec le vidéaste Alterhis. Liées aux nombreuses illustrations de sa vidéo d'anticipation (là, c'est imaginer le futur au lieu de réinventer le passé) où il imagine l'Humanité ne plus pouvoir avoir d'enfants (voir ce sujet très joyeux dans la vidéo ci-dessous).

À la septième minute, pendant quelques secondes, on voit un extrait - de quelques secondes - d'un reportage de France 3 Champagne-Ardenne sur le don de spermatozoïdes et l'infertilité humaine grandissante. De quoi lui faire remarquer, et lui redemander des nouvelles au passage.

Le chef-d’œuvre dramatique d'Alfonso Cuaron

"C'est une coïncidence", s'amuse Alterhis, que nous avons contacté. Avant de perdre le sourire en détaillant le thème de sa vidéo. "La baisse démographique mondiale, c'est un sujet qui m'intéresse. Je fais beaucoup d'anticipations sur des sujets" assez portés sur la catastrophe, "devenus en quelque sorte la signature de la chaîne". On n'oubliera jamais la pandémie mondiale "prédite" deux ans avant celle bien réelle du covid, et on espère que sa Seconde Guerre civile américaine restera bien fictive. 

L'inspiration lui vient du cultissime Les Fils de l'homme de Alfonso Cuaron (Petite Princesse, Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban, Gravity), lui-même tiré du roman de P.D. James. "Je l'ai vu il y a très longtemps, c'est l'un de mes films préférés. Et c'est à l'origine de mon intérêt pour le sujet." (voir la toute aussi joyeuse bande-annonce dans la vidéo ci-dessous).

"Ça se passe dans le futur, en 2030, quand l'Humanité ne peut plus avoir d'enfants." De quoi rendre hommage à ce film, et avoir une base pour expliquer son histoire à ses internautes. "J'ai tourné le scénario à ma sauce." 

Des chiffres réels pour une histoire fictive

Il y a un lien avec l'actualité. La France, longtemps vue comme un modèle en la matière, voit son nombre de naissances baisser d'année en année. Aujourd'hui, les chiffres se rapprochent de ceux de ses voisins européens.

"Son taux de natalité a été une exception pendant longtemps en Europe de l'Ouest. Mais maintenant, il y a une dégringolade. Au niveau mondial, on voit venir un pic plus tôt que ce qu'on pensait. On risque moins d'avoir un problème de surpopulation, que de dépopulation. En Europe, mais aussi en Asie, au Maghreb..."

De là, "c'est une menace pour tout le système économique. Notre modèle repose sur la croissance. Sans croissance de la population, sans hausse de la productivité pour soutenir les systèmes de l'État-providence, comme la retraite..." Bref, il cite ce qu'on verrait déjà à l'oeuvre "en Allemagne, en Corée, au Japon", et s'y montre pessimiste. Sa vidéo est du même ton.

D'un autre côté, on associe parfois surpopulation et pollution. Mais l'idée serait biaisée, voire connotée, et plutôt que de vouloir réduire la population, il est plutôt recommandé de mieux répartir les richesses et moins consommer. En tout cas, la fin de la vidéo ne prédit pas une fin joyeuse à une population diminuée, au contraire.

Rares sont celles à proposer une fin ouvertement optimiste : on peut toutefois citer celle décrivant l'effet papillon qu'aurait eu l'échec de la Révolution islamique iranienne : pas de Ronald Reagan président américain, des politiques mondiales plus sociales et pacifiques, etc. Il s'agit toutefois d'une uchronie, pas d'une anticipation.

Inventer de nouveaux formats et contenus

"J'essaye parfois d'introduire un peu plus d'espoir et de joie dans les vidéos... Mais ça dépend de l'inspiration du moment. C'est variable. Mes scénarios, je les vois plus souvent pessimistes, mais ça ne veut pas dire que ceux optimistes sont hors de portée, loin de là."

La part d'anticipations (imaginer l'histoire du futur) et d'uchronies (réinventer l'histoire passée) tend à s'équilibrer ces dernières années. "Il y a aussi les nouveaux formats. Concernant les uchronies je me rends compte que j'en ai fait pas mal. J'ai pas mal traité les gros sujets. Je pense avoir fait le tour de certaines périodes."

"Ça fait partie de mon métier de devoir se réinventer en permanence, de proposer des choses nouvelles à son audience. Cet équilibrage fait partie du processus. On aura toujours des uchronies, mais aussi des scénarios d'anticipation."

J'essaye de mixer les genres, proposer du contenu original.

Alterhis, vidéaste passionné d'histoires réelles et fictives, passées et futures

Il laissera aussi de la place à "la science-fiction, la fantasy, pour explorer autrement. Mêler l'histoire et le fantastique, par exemple." Il fait référence à sa vidéo sur l'épidémie de peste remplacée par une pandémie zombie en plein Moyen Âge (non, ça ne finit évidemment pas bien). "J'essaye de mixer les genres, proposer du contenu original."

Il a aussi fait pas mal de tops/flops dernièrement, pas mal concentrés sur des univers fictifs mais aussi parfois l'histoire réelle, comme les pires dirigeants de l'histoire française. "Cela marche bien. Ou plutôt cela a bien marché pendant un moment, car j'ai l'impression que je commence à en avoir fait le tour."

Il va se concentrer maintenant sur des présentations "de personnages originaux, truculents, ou scandaleux de l'histoire. De raconter leur vie, et les évènements qui se sont passés" à leur époque. "D'une manière plus détendue, rigolote, pour intéresser les gens à ces périodes historiques. Je trouve que ça manque un peu sur le Youtube français."

En avant-première, il présente le futur personnage (vidéo) qui va étrenner ce nouveau format : "le philosophe Diogène de Sinope. Il se baladait tout nu, il se masturbait en public... Je vais essayer de ne pas me faire censurer par l'algorithme de Youtube..." Qui est très puritain; ce serait synonyme de démonétisation : aucun revenu perçu pour cette vidéo, et des semaines de travail mises à la poubelle. "Mais ça va, je commence à avoir l'habitude." Diogène a aussi donné son nom au fameux syndrome d'accumulation compulsive, conduisant parfois à des drames.

Des miroirs démoniaques à la Terre creuse

Parfois, Alterhis travaille longuement sur des histoires originales développant ses propres univers au lieu de s'inspirer de ceux des autres (comme Astérix ou Harry Potter). Un bon exemple est l'histoire des démons vivant dans les miroirs. Qui "n'a pas trop marché. D'accord, ça a connu un succès d'estime : 100 000 vues, c'est quand même beaucoup. Mais ce n'est pas un énorme succès. Je ne crois pas que ça a trouvé son public... Je verrai si je refais ce genre de scénarios, que moi j'aime beaucoup faire ou si je reste sur des formats classiques." 

Cette vidéo lui avait pris "pas mal de temps". À l'origine, il avait été contacté par une grande maison d'édition pour écrire "un recueil de nouvelles. J'en avais écrit une dizaine, qui mélangeait l'historique et le fantastique. Le projet ne s'est pas fait pour plusieurs raisons. C'est devenu trop compliqué pour moi de devoir gérer en même temps mon futur projet, et aussi Paris 1328." Sa série au long cours, dont on a longuement parlé, imaginant la téléportation du Paris contemporain à l'aube de la Guerre de cent ans et de la Peste noire.

Mon contact avec le milieu de l'édition a été plutôt positif, mais ne m'a pas trop donné envie d'en vivre ou d'en faire mon métier principal.

Alterhis, vidéaste qui s'est essayé à l'écriture

Ce projet de recueil abandonné, il a donc repris l'une des nouvelles pour en faire cette vidéo. "De plus, mon contact avec le milieu de l'édition a été plutôt positif, mais ne m'a pas trop donné envie d'en vivre ou d'en faire mon métier principal. Qui sait, dans le futur, il y aura peut-être un autre projet d'écriture. La suite de Paris 1328, par exemple. J'ai aussi un autre projet qui arrive, dans un mois."

Il révèle qu'il s'agira d'une bande dessinée (BD), un nouveau format avec lequel il va se confronter. La maison d'édition Kamiti l'a contacté au mois de mars. "Comme mes deux précédents projets, on va lancer ça via un crowdfunding [une campagne de financement participatif; NDLR]."

"Il s'agira d'une extension de mon scénario sur la Terre creuse, où des explorateurs trouvent une civilisation abandonnée au fond d'une énorme caverne, une civilisation qui descend des Atlantes : la civilisation d'Agartha." Comme souvent dans les histoires d'Alterhis (oui, même la base secrète nazie en Antarctique), il y a une origine véridique. Ici, des thèses circulant depuis l'Antiquité (voir la vidéo sur la Terre creuse ci-dessous).

"Je ne travaillerai pas tout seul dessus. Je serai le scénariste principal, un coscénariste va m'aider à retranscrire mon idée, il y aura un dessinateur et un coloriste, en plus de l'éditeur... On verra avec la levée de fonds. On a déjà fait quelques planches, la couverture est en cours de création."

Il tient à préciser que la BD se basera sur la fin primaire de sa vidéo, se limitant au contact avec cette civilisation. Dans sa version finale (attention, spoiler), l'Humanité creuse tant pour s'accaparer les richesses minières de ces contrées cachées qu'elle finit par percer le toit... des Enfers. Encore une fois, ça ne finit pas très bien...

Le fond compte, la forme aussi

Pendant l'été, il s'est aussi essayé aux formats courts, appelés shorts sur Youtube. Trente secondes au lieu de vingt minutes. "Ils ont plutôt bien marché." Mais ça ne deviendra pas son activité principale, et même si c'est "bien plus rapide", cela demande quand même du travail : sélection, écriture, montage, passage au logiciel de sous-titrage...

Et ce n'est pas tant rémunérateur. "À moins de ne faire que ça, les revenus sont très faibles : vingt euros pour un million de vues... En plus, 95% des personnes qui regardent les contenus courts ne vont pas aller voir les contenus longs. Il n'y a pas de conversion : ce sont deux audiences différentes. J'avais eu des retours de collègues qui m'avaient dit que ce n'était pas un bon plan pour gagner des abonnés fidèles."

95% des personnes qui regardent les contenus courts ne vont pas aller voir les contenus longs.

Alterhis, vidéaste qui a expérimenté le "short" sur Youtube

Parmi les autres changements, un nouveau graphiste. "Hirish a déménagé assez loin, il n'a plus trop le temps, il a acquis une autre envergure." Alterhis travaille maintenant avec le Studio AQ. Toutefois, il a lui-même réalisé les dernières miniatures de ses vidéos. 

Plusieurs d'entre elles contiennent d'ailleurs des images réalisées par intelligence artificielle, laquelle n'a guère bonne presse et se trouve vouée aux gémonies par les illustrateurs et illustratrices, qui organisent la riposte.

"Je comprends les problématiques. Dans mes vidéos, il y a énormément d'images. Si jamais je veux, par exemple, un zombi portant un casque médiéval, si je demande à un artiste, le budget sera intenable sur le long terme. J'ai une grosse chaîne, mais pas non plus des moyens démesurés. Et les délais d'attente seraient trop longs. Dans mes vidéos avec des centaines d'images, ça m'est vraiment utile. C'est surtout pour illustrer des choses qui ne peuvent pas l'être autrement."

Suite de "Paris 1328" : il faudra attendre

Concernant son magnum opus (chef-d’œuvre en latin), sa série Paris 1328, pas de bonne nouvelle, mais pas non plus de mauvaise. "C'est en pause pour le moment. Pas mal de gens attendent le tome 2. Mais c'est assez lourd à faire." Et il a déjà sa BD en gestation. "On a d'autres priorités. Mais je compte bien finir ma série un jour. Que ce soit en vidéo, ou en livre, a priori, ce sera terminé." Mais on ne sait pas quand. "Je n'ai pas encore décidé des délais. Le projet 2024-2025, ce sera la BD."

Son livre a "trouvé son public"... Mais "parmi mes abonnés. En librairie, pas trop..." Il évoque 3 500 exemplaires vendus, et un ratio de "70% de commentaires positifs". Il n'a jamais caché que l'écriture n'était pas son premier médium et que le résultat pourrait susciter la critique. Il regrette toutefois la mise en page. "Mon éditeur ne m'a pas trop laissé le choix. Mais globalement, ce fut positif." Il n'y a eu qu'une unique séance de dédicaces, à Versailles (Yvelines). "J'y retournerai peut-être si le salon Histoire de lire m'invite à nouveau." A priori, il n'y en aura pas dans d'autres villes.

Il ne révélera pas le sujet de sa prochaine uchronie. "Mais côté science-fiction, d'ici novembre ou décembre, j'aimerais bien clore un triptyque de sujets que j'avais fait sur l'Univers. S'il était une simulation, s'il se trouvait dans un atome, et là, j'aimerais que ce soit s'il était composé de dimensions parallèles. Un sujet devenu somme toutes assez classique dans la littérature de science-fiction." Et dont on peut supposer d'intéressantes ramifications historiques.

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