Le président du groupe Tereos, Gérard Clay, était en réunion à la préfecture de la Marne, ce jeudi 17 août, pour évoquer l'avenir de l'usine de fabrication d'amidon d'Haussimont. Un représentant des producteurs de pommes de terre, le maire de la commune concernée et les représentants de l'Etat, n'ont apporté aucune information supplémentaire. Peu rassurant pour les 67 salariés et la quarantaine de saisonniers de la féculerie marnaise.
"Nous continuons notre chemin dans la réflexion". Les quelques mots prononcés par Gérard Clay, président du groupe Tereos, à la sortie de la réunion en préfecture ce jeudi 17 août, laisse un goût amer aux élus du CSE de la féculerie d'Haussimont dans la Marne. Ils n'étaient pas conviés à parler de leur avenir avec leur patron. Ils ont attendu devant la préfecture pour tenter d'avoir quelques nouvelles. En vain.
"Nous, depuis le mois de mars, nous avons les mêmes infos que les médias et les coopérateurs, explique Fabien Protat, élu au CSE de la féculerie d'Haussimont. Ils ne nous en disent pas plus. On s'attendait à ce type de réponse encore aujourd'hui. Ils ne sont pas transparents. Il y a très très peu d'informations qui filtrent. On a juste un calendrier avec ce qui peut se passer s'il y a un repreneur ou pas". La prochaine échéance est déjà connue. Le 29 août prochain, se tiendra un CSE central au siège social de Tereos à Moussy-le-Vieux en Seine et Marne. "Le 30 août, il y a une autre réunion sur le site d'Haussimont avec les élus locaux, reprend Fabien Protat. Toutes les réponses, nous ne les aurons pas encore à ce moment-là car, après la réunion du 29 août, il y aura encore un mois pour trouver un repreneur. C'est seulement après qu'un plan social pourrait s'engager. Si aucun repreneur ne se manifeste."
L'inquiétude des salariés
Le 8 mars dernier, le groupe Tereos, 2e groupe sucrier mondial, annonçait la réorganisation de son activité industrielle en France. La fermeture de l'usine d'Escaudoeuvres dans le Nord a été rapidement mise en œuvre suivie par celle de la distillerie de Morains dans la Marne. L'usine de fabrication d'amidon à Haussimont dans le même département, étant, elle, mise en vente. Mais depuis 6 mois, l'entreprise de 67 salariés tarde à trouver un repreneur. "Nous sommes quand même inquiets, car nous sommes censés démarrer la campagne de pommes de terre mi-septembre et on voudrait avoir des réponses avant, précise encore Fabien Protat élu au CSE. On est tout de même dans un climat de travail compliqué. Cela va être très difficile de démarrer l'usine et avec les réponses que l'on a aujourd'hui, nous ne sommes pas sûrs de la démarrer. Je travaille là depuis 2010 et ça me fait mal au cœur que l'usine ferme comme cela, si elle ferme".
Tereos a enregistré un chiffre d'affaires et des bénéfices records, c'est un peu incompréhensible, leur décision. Ils n'ont qu'un mot à la bouche : rentabilité.
Fabien Protat, élu du CSE de l'usine d'Haussimont
La féculerie d'Haussimont fonctionne à plein régime au moment des campagnes d'arrachage de pommes de terre. "Il y a quelques années, il y a eu un changement de gouvernance chez Tereos et avant cela, la politique c'était d'investir à Haussimont sur le long terme, explique Fabien Protat. L'usine n'était pas rentable mais les dirigeants voyaient à long terme. Là, depuis le changement de présidence, ils ont décidé de fermer toutes les usines qui n'étaient pas rentables. Ils ont fermé Morains en mars, la distillerie d'Escaudoeuvre, et nous sommes les prochains. Tout ce qui n'est pas rentable, cela ne les intéresse plus, ils s'en débarrassent. Cette année, Tereos a enregistré un chiffre d'affaires et des bénéfices records, c'est un peu incompréhensible leurs décisions. Ils n'ont qu'un mot à la bouche : rentabilité".
Un goût amer et une incompréhension totale pour les élus du CSE et les salariés de l'usine d'Haussimont qui ont touché, il y a quelques semaines, une prime d'intéressement à 5 chiffres. Le groupe Tereos a, en effet, réalisé une saison 2022-2023 de tous les records... "Notre performance financière 2022/23 affiche un nouveau record et nous pouvons collectivement envisager l’avenir avec confiance et audace", dit le groupe sur son site internet. Affichant les 6,6 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Quant au premier trimestre 2023-2024, il est encore meilleur indique le groupe dans un communiqué de presse. "Sur les 3 premiers mois de l'exercice, le chiffre d’affaires s’élève à 1 687 millions d’euros, en hausse de 23% par rapport au premier trimestre 2022/23, lié à l’évolution des prix sur l’ensemble des segments".
La commune pense déjà à la suite
Le maire d'Haussimont, Bruno Roulot, était, lui, présent à la réunion en préfecture. Ses paroles ne sont guère rassurantes même s'il espère encore le maintien de l'activité. "Les conséquences pour la commune sont importantes, explique-t-il. Il y a quelques années 30% des salariés résidaient dans la commune, aujourd'hui, il n'y en a que neuf, mais beaucoup habitent autour. En pleine campagne, c'est difficile de retrouver un travail identique. Les gens étant dans la convention collective de la chimie, l'aéroport pas loin, ce n'est pas le même travail, ni la même rémunération. Donc il y a une vraie inquiétude de la part des salariés s'il n'y a pas de repreneur pour travailler l'amidon". Et puis, évidemment la communauté d'agglomération encaisse des recettes non négligeables liées à l'activité de l'entreprise. "Elles disparaîtront petit à petit en fonction du devenir du site, précise encore Bruno Roulot. C'est pour cela que nous essayons d'anticiper sur d'autres choses. Il y a des projets solaires, photovoltaïques, il peut y avoir d'autres projets sur le site de la féculerie. Moi, ce que je souhaite, c'est plutôt que cela reste dans l'amidon, mais on n'en saura plus le 29 août lorsqu'il y aura eu la réunion avec les salariés. Le seul truc qui est sûr, c'est qu'on ne laissera pas une friche industrielle de 15-20 hectares. Mais là, je crois que tout le monde est d'accord dans le groupe Tereos, le maximum sera fait pour que cela perdure mais je n'ai pas tous les éléments pour vous répondre plus en détail. Le 29 août il y aura davantage d'informations".
Les 67 salariés, la quarantaine de saisonniers, "sans compter les entreprises extérieures qui travaillent en sous-traitance, précise les élus du CSE dans un communiqué, c'est plus de 200 familles dans un secteur déjà gravement touché par la désindustrialisation" qui seront touchées si la féculerie d'Haussimont ferme. "On ne nous rasera pas gratis !" précisent encore les élus du CSE.