Alors que Michel Barnier fait du déficit public sa priorité, un rapport de la Cour des comptes inquiète les collectivités. Il suggère de supprimer 100 000 postes d’agents publics. De quoi économiser 4,1 milliards d’euros par an. Le Directeur Général des services du conseil départemental de la Marne a lancé un coup de gueule sur les réseaux sociaux en reprenant une célèbre chanson de Francis Cabrel. Un message entendu par le président de la Cour des comptes qui l'a contacté.
C'est une rengaine que Jean-Luc Boeuf ne veut plus entendre. Lorsqu'il a appris la proposition de la Cour des comptes de réaliser des économies sur les emplois des collectivités locales, le directeur général des services du conseil départemental de la Marne a lancé un coup de gueule sur son profil LinkedIn, en reprenant les paroles d'une chanson de Francis Cabrel.
"Et ça continue encore et encore" écrit-il : "La Cour des comptes "suggère" dans un rapport publié ce jour de supprimer 100 000 emplois dans les collectivités territoriales. Pourquoi pas 1 million ?( ...) on en fait quoi des 100 000 ? On ne les paie plus et on les renvoie dans leurs foyers avec zéro allocation. Zéro indemnité. Zéro RSA. Zéro CAF. Allez Mmes et MM de la rue Cambon, atterrissez un peu !".
Interrogé par France 3 Champagne-Ardenne, Jean-Luc Boeuf explique que cette proposition de la Cour des comptes lui apparaît tout d'abord incohérente: "il faudra indemniser ces personnes qui vont se retrouver au chômage ou à la retraite donc c'est une économie officielle, mais ce n'est pas une économie réelle."
Ce n'est pas raisonnable de dire des choses pareilles
Jean-Marc Roze, Président du Conseil départemental de la Marne
Le président du conseil départemental de la Marne, Jean-Marc Roze se montre également stupéfait: "Je suis surpris que M. Moscovici, aujourd’hui président de la Cour des comptes, puisse dire des choses pareilles. La Cour des comptes nous a habitués à un comportement plus sage et plus mesuré." Cette mesure selon lui, n'est pas applicable - "on ne peut pas licencier un fonctionnaire" - et particulièrement injuste: "Les collectivités locales sont les seules à avoir fait beaucoup d’effort sur leurs coûts de fonctionnement et à se désendetter, contrairement à l'Etat qui vit à crédit".
Les dépenses augmentent, les recettes baissent
"90% des dépenses des conseils départementaux sont contraintes" explique le président du conseil départemental de la Marne. "Nous devons prendre en charge les personnes âgées, l’insertion, le RSA, le handicap et l’aide à l’enfance, qui coûtent de plus en plus cher, avec de moins en moins d'aide compensatoire de la part de l'Etat". Il donne l'exemple des enfants en danger et des mineurs non accompagnés, de plus en plus nombreux à gérer par le Département d'après lui, sans moyens financiers supplémentaires. "On nous en demande de plus en plus, mais on nous donne de moins en moins" assure Jean-Luc Boeuf.
D'autres recettes baissent également en raison du contexte économique. Le budget des Départements dépend en grande partie des DMTO (Droits de Mutation à Titre Onérieux). "Lorsqu'une maison ou un appartement est vendu, une partie des frais de notaire revient au Conseil départemental. Or la chute des ventes dans l'immobilier a provoqué une chute de ces recettes" explique Jean-Marc Roze. "Dans la Marne, on est passés de 103 millions à 83 millions. 20 millions de moins dans un département comme la Marne c’est important."
Leur logiciel est resté bloqué dans les années 90
Jean-Luc Boeuf, Directeur général des services du Conseil départemental de la Marne
Plus de missions, et moins de moyens. Pour Jean-Marc Roze, "ce n'est pas dans les collectivités locales qu'il y a des agents inutiles". Jean-Luc Boeuf, de son côté, invite Pierre Moscovici à venir voir le travail effectué par le conseil départemental de la Marne: "qu'il vienne au bord des routes avec nos agents ou dans un foyer pour enfants en difficulté".
Selon le DGS du Département de la Marne, les agents territoriaux sont victimes d'un stéréotype auquel ils ne correspondent plus depuis de nombreuses années : "Je pense qu'ils sont restés bloqués dans un logiciel datant des années 90, époque à laquelle il y avait peut-être des doublons de postes, ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui".
Plus de 10% des effectifs
Jean-Luc Boeuf et Jean-Marc Roze ont réalisé le même calcul. Sachant que les 100 cépartements français représentent un quart des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, ils devraient, au total, se séparer de 25 000 agents. "Pour le conseil départemental de la Marne, ça fait 250 salariés sur 2200... Plus de 10% de nos effectifs. C’est colossal, on ne pourrait plus assurer nos services publics!" s'insurge Jean-Marc Roze.
Le cirecteur cénéral des services au conseil départemental de la Marne assure que de nombreuses économies sont déjà réalisées au quotidien par les agents: "Au mois de juin, nous avons mené des groupes de travaux pour que les agents proposent des mesures d'économie". Plusieurs suggestions ont selon lui été retenues, notamment le choix de ne prendre l'autoroute qu'en cas d'urgence ou de se séparer de certains équipements hivernaux, en prenant en compte le réchauffement climatique.
Suite à notre article, Pierre Moscovici, le président de la Cour des compte n'est pas resté sans réaction. Il a contacté hier Jean-Luc Boeuf et lui a donné un rendez-vous téléphonique lundi 7 octobre pour discuter de cette question.