Placé en redressement judiciaire depuis le 13 mai, le magasin Alinéa situé dans la zone commerciale de Cormontreuil, près de Reims n'a pas trouvé de repreneur. L'entreprise spécialisée dans la décoration et l'ameublement doit fermer prochainement. 43 salariés vont perdre leur emploi.
9h50, ce vendredi 10 juillet, le magasin Alinéa de Cormontreuil, près de Reims, n'est pas encore ouvert et pourtant des clients attendent déjà sur le parking. Dix minutes plus tard, les portes s'ouvrent. Derrière les visages masqués des employés, des sourires mais aussi beaucoup d'inquiétude quant à leur avenir professionnel. Et pour cause, les salariés d'Alinéa ont appris jeudi 2 juillet que leur magasin allait prochainement fermer.
"C'est un coup de massue", confie un vendeur. Salarié depuis dix ans, il est arrivé peu de temps après l'installation de l'enseigne dans la zone commerciale de Cormontreuil. Comme lui, les 43 salariés du spécialiste de la décoration et d'ameublement tentent de digérer la nouvelle. "Je suis triste et déçue", poursuit sa collègue. La jeune femme originaire de Château-Thierry a été embauchée il y a six mois. "Je venais de finir mon BTS. Je cherchais du travail et ici on m'a proposé un CDI. J'ai signé direct et j'ai déménagée pour venir à Reims. Aujourd'hui, je me retrouve dans la même situation qu'il y a six mois".
Silence de la direction
Une situation que certains craignaient après l'annonce le 13 mai dernier de la cessation de paiement puis du placement en redressement judiciaire de l'enseigne de la famille Mulliez. Les propriétaires du groupe français (Auchan, Boulanger et Cultura) attendaient une offre de reprise pour la trentaine de magasins Alinéa qu'ils possèdent en France. Le site de Reims se sentait menacé car en difficulté financière depuis déjà trois ans. "C'est vrai qu'on ne fait pas assez de trafic par rapport à d'autres magasins. Cela fait deux années consécutives qu'on a une perte de 30% de notre chiffre d'affaire mais depuis le déconfinement, c'était un peu reparti", explique le directeur du site, Stéphane Dunaigre. Il y a quelques semaines, le magasin a même été autorisé à passer des commandes. Une cadre dénonce la stratégie commerciale du groupe qui selon elle, n'était pas adaptée à la clientèle champardennaise.Du côté de la direction du groupe, on évoque la crise des gilets jaunes, les manifestations contre la réforme des retraites et puis la crise sanitaire pour expliquer les pertes financières du groupe. Le 30 juin, date limite fixée par le tribunal de commerce de Marseille pour permettre aux potentiels repreneurs de se manifester, seules six offres ont été déposées. Aucune pour Reims. La nouvelle est dure à encaisser mais pour les salariés c'est le silence de leur direction qui passe mal.
On aurait souhaité un petit mail du PDG Mulliez. Un petit mot juste pour nous dire qu'il est désolé pour nous. Mais non. Rien.
Employés de vente, de caisse, agents de logistique et responsables, tous sont en colère contre leur direction et l'affichent. Chacun porte un badge sur lequel il est écrit "avec toute ma détermination, je suis en colère". "On est dans le flou, on n'a pas d'infos", s'inquiète un vendeur. "On aurait souhaité un petit mail du PDG Mulliez. Un petit mot juste pour nous dire qu'il est désolé pour nous. Mais non. Rien", ajoute son collègue.
"On a le sentiment d'avoir été abandonné, d'avoir été complètement lâché par le siège, on est rien", renchérit une cadre, employée depuis 17 années dans l'enseigne. "J'ai suivi pour l'ouverture du magasin et depuis, je suis venue tous les jours travailler ici. Forcément on crée des liens et on s'attache aux collègues, à l'ambiance. Il y a eu des hauts et des bas, mais on a toujours fait face ensemble comme aujourd'hui. Et heureusement qu'on est là les uns pour les autres", raconte t-elle.
Soudés et dignes
Aucune information officielle n'a été donnée concernant la date de fermeture du magasin de Cormontreuil mais tous s'attendent à recevoir leurs lettres de licenciement d'ici la fin de l'été. Et personne ne croit à des propositions de reclassement. C'est pourquoi le directeur a activé ses réseaux pour permettre à certains de ne pas se retrouver au chômage à la rentrée. "J'essaie de les accompagner du mieux que je peux. On les aide à faire des CV ou à obtenir des entretiens dans d'autres enseignes". L'équipe encadrante ne veut pas laisser sur le carreau ces mères célibataires aux contrats précaires, ces étudiants ni même ceux qui confiant en l'avenir ont décidé récemment d'acheter une maison.Soudé et digne, c'est ainsi que le personnel souhaite continuer à avancer. Pas de grève ni de manifestation, juste ce badge orange et une pancarte à l'entrée du magasin qui annonce "avec émotion la fermeture prochaine du magasin". Une pancarte qui interpelle les clients dont certains se disent étonnés et surpris de voir leur boutique préférée fermer ses portes. Une vendeuse raconte cette scène de pleurs avec une habituée. "Elle a fondu en larmes dans les bras d'une responsable et en la voyant, on a tous pleuré". Les clients le reconnaissent. Les prix sont un peu plus élevés qu'ailleurs mais "je préfère venir ici plutôt que d'aller chez Ikéa, surtout pour la qualité", affirme une maman venue acheter des abats jours. "C'est bien dommage. Moi je commande sur internet mais avant d'acheter, je viens toujours voir à quoi ça ressemble en vrai", déclare une autre.
Au service client, on s'attends d'ailleurs à voir les clients qui ont commandé en ligne, annuler leurs commandes faute de service après-vente dans quelques semaines. Mais pour ce client venu acheter ce jour-là un meuble pour enfant "ce n'est pas un problème". Il a confiance en la qualité. Et il le faudra bien car dans un quelques semaines, le commerce de 6.000m2 n'accueillera plus personne.