En raison du confinement lié au coronavirus, la ferme pédagogique de Cormontreuil (Marne) demeure fermée. Le manque à gagner a poussé l'association à lancer un appel aux dons. L'objectif est double : garantir le bien-être et la santé des animaux, et assurer, à long terme, la survie du parc.
Tous les ingrédients étaient réunis. La lumière des beaux jours, une pâture verdoyante, des animaux peu farouches, et même la naissance, histoire de parfaire le tableau, d'un chevreau noir et blanc. « C'est une femelle. Elle a deux semaines. C'est un peu notre peluche », sourit l'une des salariées. À la ferme pédagogique de Cormontreuil, près de Reims, le personnel attendait le printemps avec impatience. Le lundi 13 mai devait marquer la réouverture au public. Le confinement, conjugué à l'interdiction des rassemblements publics jusqu'à mi-juillet, est venu éteindre l'enthousiasme ambiant. Sans visiteurs, l'argent manque. L'association du Moulin l'Abbesse, responsable du site, a lancé un appel aux dons. L'objectif de cette collecte est clair : prendre soin des bêtes et, au-delà, garantir la survie du parc.
Chaque matin, elle répond présente. Équipée de sa pelle et de sa brouette, elle court d'un enclos à l'autre. De l'entretien des lieux au nourrissage des bêtes, Jacqueline, retraitée et bénévole, représente l'un des piliers de la ferme. Selon elle, l'appel aux dons va permettre d'assurer le bien-être des animaux : « Il faut s'occuper d'eux tous les jours. On a besoin de légumes, de paille, de granulés, mais aussi de matériel, beaucoup de matériel ! Le nettoyage demande du temps ! Et puis, il y a tous les produits vétérinaires, pour les soigner, qu'il ne faut pas oublier ! » La ferme pédagogique compte deux ânes, quatre poneys, une vache, cinq chats, une trentaine de lapins et de cochons d'Inde, une quinzaine de poules, un cochon, trois brebis ou encore deux béliers. « J'ai découvert le parc l'été dernier, avec mes petits-enfants, et je suis tombée amoureuse, poursuit Jacqueline. Les gens peuvent venir caresser les animaux, pique-niquer et se balader dans la forêt. C'est un endroit formidable qu'il faut soutenir ! »
Tous les événements du printemps annulés
Ce havre de six hectares, dont la quiétude est tout juste perturbée par le bourdonnement de la rocade, a ouvert en mai 2019. En dehors de la douzaine de bénévoles, l'association emploie deux salariées. L'une d'elles, Sophie Barher, raconte : « L'an passé, nous avons accueilli environ 4 000 personnes, en ne faisant presque aucune publicité. Cette année, nous avions énormément communiqué, notamment sur Facebook, et le bouche-à-oreille fonctionnait. Même si nous savons qu'il y a des métiers encore plus en difficulté, nous sommes très tristes. » À l'aube de cette saison 2020, l'emploi du temps de la ferme débordait. « Tous les créneaux étaient pleins jusqu'à l'été, soupire Marie Delreux, la seconde employée. Nous avions programmée énormément d'événements, comme la chasse aux œufs. Nous avions des dizaines d'animations prévues avec des écoles, des centres de loisirs, des crèches... Tout cela tombe vraiment mal. »À long terme, c'est l'existence même du site qui est en danger. « Il est évident que nous ne nous pourrons pas tenir comme cela pendant des mois », déplorent Sophie et Marie. Toutes les deux sont devenues salariées de l'association en 2020, et ont touché leur premier salaire en février dernier. Sophie est aujourd'hui au chômage partiel. Quant à Marie, son poste est suspendu. Elle a repris son métier d'infirmière, en espérant revenir le plus tôt possible au parc : « C'est rageant. Mais nous n'avons demandé aucune aide aux collectivités locales. On se dit qu'en ce moment, elles ont d'autres chats à fouetter. »
L'autre coup porté à l'association concerne les « Zanibulons ». Derrière ce nom farfelu, se cache une ferme itinérante se rendant dans différents EHPAD, foyers ou centres d'accueil pour enfants atteints de handicap mental. « Ce sont des moments d'échange, explique Sophie. La ferme se déplace le temps d'une journée ou d'une demi-journée. On réalise des ateliers. Les gens tissent des liens avec les vaches, les poules, les cochons d'Inde. » L'arrêt de cette activité, outre le manque à gagner qu'il engendre, atteint le moral du personnel : « On appelle ça de la médiation animale. C'est très vivant, très stimulant socialement. Donc ça manque à beaucoup de gens. »
La réouverture des écoles comme espoir
Dans ce contexte difficile, un maigre espoir subsiste : la réouverture progressive des écoles, annoncée pour le 11 mai. L'association a informé le préfecture et plusieurs municipalités de l'agglomération rémoise qu'elle était prête à accueillir jusqu'à trois classes par jour. « La ferme présente énormément d'espace, souligne Marie. Nous pourrons largement accueillir les enfants en toute sécurité, en respectant les mesures d'hygiène et les distanciations sociales. Il y aurait même plus de place que dans une salle de classe... »Pour l'instant, cette demande demeure sans réponse. Tout le contraire de l'appel aux dons. L'association du Moulin l'Abbesse étant reconnue d'intérêt général, toutes les sommes versées sont déductibles des impôts. En une semaine, 1.200 euros ont été récoltés, pour une trentaine de donateurs. « Ça nous touche beaucoup, témoignent Sophie et Marie. Nous sommes super contents. Espérons que cela dure. »