Covid long : "tous sont stressés par la reprise, le fait de ressortir et surtout la peur d’attraper à nouveau le virus"

La direction générale de la Santé a souhaité que dans chaque territoire de santé, une équipe pluridisciplinaire puisse accueillir les personnes souffrant de Covid long. Le CHU de Reims est labellisé, établissement de réadaptation, référent, pour la prise en charge de ces patients.

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En mars 2021, Gilles Guillet, 50 ans, agent de maîtrise, à la mairie de Reims, par ailleurs sportif confirmé, qui parcourait jusqu’à 150 kilomètres à vélo le dimanche avec ses copains, a été contaminé par le virus du Covid-19. Quand les sapeurs-pompiers sont venus le chercher, chez lui, pour le conduire à l’hôpital, il a entendu une phrase, qu’il ne parvient pas à effacer de sa mémoire : "Attendez, sa femme va lui dire au revoir ! ".

Il a voulu que cet au revoir, ne soit pas un adieu, alors, il s’est battu, mais l’épreuve est rude. Cinq jours par semaine, pendant quatre semaines, il participe aux ateliers mis en place par l’équipe pluridisciplinaire de soignants du CHU de Reims. "Il faut des médecins transversaux, avec également un psychiatre", indique le chef de service, le Professeur François Boyer.

Tous sont stressés par la reprise, le fait de sortir, la peur d'attraper, à nouveau la Covid.

Ségolène Midelet, ergothérapeute et sophrologue.

Les symptômes sont en effet multiples. Gilles Guillet, qui n’a pas encore pu reprendre le travail, explique : "Pendant 21 jours, je n’ai pas dormi. J’avais des maux de tête, de ventre, violents. Ca touche au moral, mais je suis soutenu, par les médecins. Aujourd’hui, avec des médicaments, j’arrive à dormir cinq heures, entrecoupées, par nuit".

Une boule de feu à l’intérieur

Gilles Guillet, qui a toujours été très actif, est encore frappé par une grande fatigue, des brûlures, aux mains, aux pieds, surtout la nuit. Cela l’oblige à prendre des douches froides. "C’est comme une boule de feu, à l’intérieur, qui ne veut pas sortir". Le mal-être est difficile à gérer, et les gens ne comprennent pas que la fatigue persiste. "On entre dans le handicap invisible", indique le Docteur Amandine Rapin.

Au bord des larmes, mais animé par une énorme volonté, il annonce qu’il reviendra. "C’est ma bataille. Je me bat pour ça. Au moment, où je suis tombé malade, je préparais les championnats de France U.F.O.L.E.P., dans ma catégorie. Mon but est de revenir et de reprendre le travail, de retrouver mes collègues, de retravailler sereinement".

Les gens ne se reconnaissent plus, eux-mêmes, car ils n'arrivent plus à faire , ce qu'ils faisaient avant, d'où un malaise créé par la difficulté de reprendre l'activité antérieure.

Dr Amandine Rapin, docteur en médecine physique et réadaptation.

S’il n’a pas dormi une seconde, d’autres, comme c’est le cas d’un membre du groupe de réadaptation, Antoine Marasco, ont été littéralement submergé par le sommeil. Atteint par le virus du Covid-19 en mars 2020, le retraité souffre toujours de symptômes. "Je reviens de loin", dit-il. "J’ai été en réanimation, avec 89% d’oxygène. J’étais à la limite d’être intubé. J’ai perdu dix kilos".

Près d’un an et demi, après avoir contracté la Covid 19, il explique : "J’ai toujours des douleurs extraordinaires, dans les jambes. Je dors encore 14 heures par jour, plus les siestes. C’est très difficile", reconnaît celui qui, ancien chef d’entreprise, dans le bâtiment, était plutôt habitué à des horaires matinaux. Suivre le programme de suivi et de réadaptation, l’aide énormément. "Ca nous redonne le goût à la vie", déclare celui qui "se voyait allongé, pour toujours".

Manque de recul sur des séquelles

Dans le service de l’hôpital Sébastopol, où sont pris en charge les patients souffrant d’un Covid long, les soignants sont très attentifs à chaque situation, même si 90 à 95 % des personnes se plaignent très classiquement, d’une faiblesse musculaire, d’une fatigue très importante dans la vie quotidienne. "Cela s’accompagne d’un cortège de symptômes différents", explique le Docteur Amandine Rapin, spécialisée en médecine physique et réadaptation. "Les gens ne se reconnaissent plus. Ils sont mal. Ils ne se reconnaissent plus eux-mêmes, car ils n’arrivent plus à faire ce qu’ils faisaient avant, d’où un malaise créé par la difficulté à reprendre l’activité antérieure".

Je reviens de loin. J'ai été en réanimation, avec 89% d'oxygène. J'étais à la limite d'être intubé. J'ai perdu dix kilos.

Antoine Marasco, retraité.

Certaines problématiques nécessitent des prises en charge individuelles, avec l’intervention d’un nombre important de rééducateurs. La mémoire, les capacités d’attention peuvent être impactées. La vocalisation, la déglutition, des douleurs persistantes sont identifiées. Pour chacun, il faut coordonner les interventions afin de mettre en place un programme complet. Les soignants sont à l'écoute.

"Si nous avons assez de recul pour connaître les plaintes, toujours les mêmes, nous manquons encore de recul, pour savoir s’il y aura des séquelles, et de quelle importance. On avance avec eux, on s’adapte à eux", raconte le Docteur Rapin.

L’attention à la fatigue

Cinq minutes d’échauffement, puis trente minutes d’entraînement à l’effort, sur un vélo, enfin cinq minutes de récupération, le travail dans cet atelier est très étudié. Un malaise peut toutefois survenir, et l’équipe intervient immédiatement. D’ailleurs, des précautions sont prises. "On ne va pas les rééduquer tout de suite. La fatigue est trop importante. Il ne faut pas l’aggraver. Il faut un temps de récupération naturel, post-Covid, d’au moins trois mois, avant de commencer", déclare le Docteur Amandine Rapin.

Le but de l’équipe est d’améliorer le "capital effort", mais ensuite, il sera nécessaire d’organiser un suivi, sur plusieurs mois, avec le Réseau Sport Santé, notamment. Le professeur François Boyer, chef des unités de médecine physique et de réadaptation indique par ailleurs : "L’un des soucis est un brouillard cérébral, lié au stress ou syndrome post-traumatique, ou encore à l’inflammation portée par le virus". C’est l’une des questions auxquelles doivent faire face les médecins.

"Il y a des différences entre les patients qui ont juste été hospitalisés, en service de médecine, et ceux qui ont été admis en réanimation, où les traitements, à haute dose de corticoïdes peuvent avoir générer des problèmes. Certaines personnes atteintes de maladies chroniques, ont pu voir leur état s’aggraver. Il faut les restabiliser".

Impact sur l’activité professionnelle

Avoir perdu le goût et l’odorat est un problème, dans la vie quotidienne. Dans le travail, cela constitue une difficulté particulière. Béatrice Ducrocq est seconde de cuisine. Elle a attrapé la Covid en mars 2020. "J’ai du mal à respirer, à me concentrer, beaucoup de douleurs récurrentes, dans les jambes, et je ne reconnais les odeurs, que de très près". Lors d’un "training" olfactif, elle essaye de retrouver des odeurs familières. Concentrée, les yeux fermés, le masque baissé, l’ergothérapeute, Ségolène Midelet, l’accompagne dans ce travail particulier.

L’odeur du café du matin, celle de clous de girofle dans un plat qu’elle appréciait, la patiente doit essayer d’associer produit et odeur, en promenant, sous son nez, dans un mouvement de va-et-vient, des petits pots utilisés pour l’exercice. Les sensations reviennent, sur une narine. L’ergothérapeute explique que "ce sont des gens qui peuvent se sentir isolés, déprimés. C’est difficile de partager des souvenirs. On constate une  perte d’appétit ou au contraire, des gens qui vont grossir, car ils mangent sans se rendre compte".

Pendant 21 jours, je n'ai pas dormi. J'avais des maux de tête, de ventre violents. Ca touche au moral, mais je suis soutenu par les médecins.

Gilles Guillet, souffrant d'un Covid long.

Ségolène Midelet est également sophrologue. Une fois par semaine, elle accueille les patients, en groupe, dans un atelier, où avec des techniques de relaxation dynamique, des respirations spécifiques, l’équipe essaye de les aider à apprendre à gérer le stress, la fatigue, les douleurs, les troubles du sommeil. "Tous sont stressés par la reprise, le fait de ressortir, et surtout, la peur d’attraper à nouveau la Covid".

Certains de ces patients ont été infectés par le virus, lors de la première vague. Mais, d’une manière générale, nombreux sont ceux qui n’en n’ont pas fini avec les effets du virus. Actuellement, il faut attendre deux mois pour intégrer le programme de réadaptation, de l’hôpital Sébastopol.

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