Pour faciliter l'accès aux munitions de chasse à l'heure où certains chasseurs doivent faire des dizaines de kilomètres pour trouver un armurier, les bureaux de tabac pourront vendre des munitions à compter du 1er janvier 2024. Une mesure qui divise, tant chez les buralistes que chez les chasseurs.
La nouvelle vient de tomber, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle divise. À compter du 1er janvier 2024, les bureaux de tabac pourront commercialiser des munitions destinées à la chasse. Pour ce faire, les buralistes devront passer une formation de deux jours et un examen.
La mesure aspire à faciliter l’accès aux munitions, à l’heure où certains chasseurs doivent faire des kilomètres pour trouver une armurerie. Cependant, elle soulève quelques questions et fait difficilement l'unanimité, à commencer par chez les buralistes eux-mêmes.
"Ce ne sera jamais une solution aux problèmes des buralistes"
“Ça ne m’intéresse pas. On nous en parle comme d’un moyen de diversifier nos revenus, mais l’impact de ces ventes sera minime dans la plupart des bureaux de tabac. Puis, cela nous demande des mesures sécuritaires en plus, une formation… Ce n’est pas notre rôle, tout simplement. Il y a des gens qualifiés dont c’est le métier”, assène le propriétaire d’un bar-tabac non loin de la cathédrale de Reims, qui tient à rester anonyme “pour ne pas s’attirer d’ennuis”.
"Les munitions de chasse, ça ne sera jamais une solution aux problèmes des buralistes. Qu'on commence par européaniser le prix des cigarettes, cela évitera aux fumeurs de constamment trouver des combines pour acheter moins cher aux frontières", conclut-il.
À quelques centaines de mètres, dans un tabac aux alentours de la place d’Erlon, le discours est différent : "Pour ma part, j'en vendrai. Si cela peut faciliter l'accès au matériel aux chasseurs du coin, c'est une bonne chose. Tout cela relève de choix personnels. Dans le quartier, je crois que je suis la seule à ne pas vendre de CBD. D’ici quelques mois, je serai peut-être la seule à vendre des munitions de chasse, chacun ses choix”, s’amuse la buraliste, elle aussi anonymisée pour éviter de se faire “juger ou taper sur les doigts”.
"On ne nous a pas encore informés de comment et quand se déroulera la formation"
Sauf que, pour l’instant, tout reste flou : “Je viens de l’apprendre ce matin. On ne nous a pas encore informés de comment et quand se déroulera la formation”, précise la buraliste. Qu’en est-il des mesures sécuritaires ? Il faut aussi préciser que les munitions ne pourront pas être vendues sans la présentation, entre autres, d'un permis de chasse. “Ça ne changera rien pour nous. On doit déjà être extrêmement vigilants à cause des jeux d’argent ou de la marchandise”, assure-t-elle en montrant ses tickets de jeux à gratter.
Une réponse qui ne va pas dans le sens de Thomas Corvasce, président de la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Marne. “On est dans le non-sens. D’un côté, on resserre la réglementation, l’accès aux armes, et les chasseurs doivent faire toujours plus de déclarations… De l’autre, on élargit encore l’accès aux munitions. C’est grotesque”, se désole-t-il.
“Armurier, c’est un métier qui nécessite une formation et ce n’est pas pour rien. On parle de munitions là, bien sûr que c’est dangereux. C’est comme si les buralistes se mettaient à vendre des médicaments à la place des pharmaciens”, poursuit-il catégoriquement. De leur côté, ce ne sont sûrement pas les armuriers qui se réjouiront de l'arrivée de cette nouvelle concurrence.