Le docteur Sanchez supervise les soins de Vincent Lambert au CHU de Reims depuis 2017. Et comme la décision d'arrêt ou non des traitements de l'homme tétraplégique, sa personnalité divise la famille Lambert.
Vincent Sanchez, chef du service des soins palliatifs et de l'unité des cérébrolésés qui a décidé d'arrêter les traitements de Vincent Lambert, est un homme très discret mais déterminé qui, comme l'affaire Lambert, divise la famille.
Sollicité par l'AFP, le médecin, dont le nom n'apparaît pas sur le site du CHU de Reims, a refusé de répondre. C'est lui qui a conclu en avril 2018, après concertation collégiale, à l'arrêt des traitements et annoncé à la famille, déchirée depuis 2013, qu'il aurait lieu la semaine du 20 mai.
"C'est quelqu'un de très secret, il a tout caché à son équipe médicale, sur l'horaire de l'arrêt des traitements par exemple […] Je le sens très déterminé, depuis le début", juge François Lambert, opposé à un acharnement thérapeutique pour son oncle, un ancien infirmier psychiatrique en état végétatif et tétraplégique depuis un accident de la route en 2008.
Il voit en lui un homme "très 'médecin old school', assez paternaliste dans un sens, dans ce contexte-là, plutôt très positif : il a fermé toutes les écoutilles, il a décidé d'y aller et il y va, peu importe ce qu'il entend à droite et à gauche".
Âgé de 50 ans, le Dr Sanchez est arrivé à Reims en 2017, succédant à Daniéla Simon, qui a jeté l'éponge, elle-même ayant remplacé Éric Kariger. "Lors de notre rencontre début 2018, je lui ai demandé 'est-ce que vous saviez ce qui vous attendait en venant ici (à Reims) ?' Il m'a répondu, avec un petit sourire 'À votre avis ? En tout cas, (être confronté à l'affaire Lambert) n'a pas été la raison de mon choix de venir ici'", se souvient Marie-Geneviève Lambert, demi-soeur de Vincent et mère de François.
Diplômé de médecine générale et de gérontologie, titulaire d'un diplôme interuniversitaire en soins palliatifs, Vincent Sanchez, inscrit à l'ordre des médecins de Moselle de 2002 à 2017, exerçait à l'hôpital Robert-Pax de Sarreguemines comme gériatre.
"Il veut aller au bout d'une décision validée par les juges"
"C'est un homme très pondéré, très rationnel, équilibré, légaliste, il veut aller au bout d'une décision validée par les juges", rapporte Marie Lambert, soeur cadette de Vincent, présente dans sa chambre lorsqu'ils ont appris l'injonction surprise de la cour d'appel de Paris. "Le docteur Sanchez est arrivé quelques minutes après. Il était abasourdi, comme nous. Il a dit 'c'est cruel'."Au sein de la famille favorable à l'arrêt des traitements, on décrit "un homme qui ne paie pas de mine", "qui parle très doucement", "presqu'effacé, qui ne travaille pas son image", "courageux".
Du côté des parents, farouchement opposés à l'arrêt des traitements de leur fils qu'ils considèrent handicapé, la perception de "ce docteur Sanchez" - adhérent de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs depuis 2016 - est forcément tout autre.
"Il s'est permis de nous envoyer un email, froidement" annonçant le début du protocole, dénonçait lundi matin Viviane Lambert, la mère, mimant un geste de dédain de la main. Leurs avocats avaient promis la veille une "plainte disciplinaire aux fins de radiation ainsi que de poursuites pénales à son encontre". À son sujet, Me Jérôme Triomphe préfère "s'abstenir pour ne pas être désagréable".
"C'est un très bon gériatre et un très bon médecin de soins palliatifs mais il est habitué à accompagner des fins de vie, il n'est pas habitué à aider à reprendre vie à des personnes en état de conscience altérée", estime Edwige Richer, neurologue et médecin de physique et de réadaptation fonctionnelle retraitée. Elle l'a rencontré pendant l'expertise médicale de l'automne 2018, à la demande des parents, et parle d'un médecin "très courtois mais pas du tout ouvert à la discussion".
En 2015, Vincent Sanchez avait reçu à Sarreguemines Jean Leonetti, artisan de la loi de 2005 sur la fin de vie, ex-député LR. Il suivait 150 patients, dont une partie atteints d'Alzheimer, selon Le Républicain Lorrain à qui il déclarait : "chacun devrait préparer ses directives anticipées. Très peu de personnes le font. Or, quand ils ne sont plus en capacité de les formuler, c'est la famille qui s'exprime. Sans forcément suivre les souhaits du malade…"