L'histoire de Vincent Lambert est devenue une affaire. Celle d'un homme en état végétatif depuis un accident de la route en 2008. Celle d'une famille qui se déchire autour de son sort. Au-delà de la bataille judiciaire, notre grand format s'intéresse à cet homme si discret, épris de liberté.
Vincent Lambert, un prénom et un nom connus dans toute la France. Depuis septembre 2008, date de son accident de la route, l'ancien infirmier en psychiatrie vit dans une chambre d'hôpital, handicapé à vie.
Vincent Lambert vit depuis sept ans au sein de l'unité de soins palliatifs de l'hôpital Sébastopol de Reims. Ce lundi 20 mai 2019, le personnel soignant a débuté l'arrêt de ses soins.
Un homme "discret, en retrait"
Vincent Lambert, malgré lui, est devenu une affaire, l'affaire Lambert. Un homme dont l'identité est devenue publique par la force des choses. Une situation qu'il aurait détestée, lui le "grand discret", "pudique et en retrait" comme sa famille le décrit. "C'était un être généreux qui se donnait beaucoup aux personnes vulnérables. Très sensible, très introverti aussi", témoigne sa petite soeur Anne.Quand Vincent voit le jour, son père et sa mère ne vivent pas ensemble. Avant lui, cinq enfants, ses demi-frères et soeurs, sont nés. Vincent, lui, est le grand frère d'Anne, Marie et Joseph. Une famille très nombreuse où il faut trouver sa place.
"Vincent a vécu jusqu'à l'âge de six ans en nommant papa deux personnes, se souvient Marie-Geneviève, sa grande soeur. Il est allé vivre avec mon père quand il avait six ans mais sans qu'il y ait d'affection très grande, il a beaucoup souffert de ça. Je pense que pour papa, ce combat (pour maintenir Vincent en vie, ndlr) est très certainement une sorte de rattrapage d'un raté dans sa relation avec son fils. Là-dedans, il y a quelque chose de sincère."
À l'âge de 12 ans, Vincent entre en pensionnat dans une école gérée par la Fraternité Saint-Pie X, hors cadre de l'Education nationale. Une mouvance intégriste, non reconnue par l'église catholique. Entre amour et idéologie, Vincent acquiert son indépendance discrètement. Pour François Lambert, son neveu, "il essayait d'obtenir sa liberté sans déranger personne, sans avoir à demander l'autorisation".
Cette liberté éclate au grand jour, dans le petit village de Vadenay, dans la Marne. Un havre de paix où il s'installe avec celle qui est devenue sa femme. Tous les deux infirmiers, Rachel et Vincent se ressemblent : ils ont le même humour, le même amour discret. En juillet 2008, une petite fille naît de cette union. Deux mois plus tard, leur vie bascule.
Victime de la route près de Châlons-en-Champagne ce 29 septembre 2008, Vincent est très vite plongé dans un coma artificiel. Lorsqu'il en sort, c'est une autre vie qui débute.
Vincent a ouvert les yeux, on s'est dit 'ça y est il revient à nous' mais on s'est aperçu que sa présence n'était pas là, raconte David Philippon, le demi-frère de Vincent Lambert.
Tout tenter pour Vincent
Pendant trois ans, Rachel Lambert et la famille de Vincent mettent tout en œuvre, avec le corps médical, pour le ramener à la vie. Malgré la rééducation physique et mentale, le diagnostic est sans appel : Vincent restera dans un état de conscience minimale sans espoir d'amélioration.Rachel Lambert accepte alors d'entendre parler de protocole de fin de vie. Elle acte l'arrêt des soins avec l'équipe du docteur Eric Kariger. Son ancien médecin en a "la certitude" :
Vincent Lambert n'aurait pas souhaité vivre dans cet état, Dr Eric Kariger.
La promesse de son épouse et l'intime conviction du médecin résonnent comme un arrêt de mort pour Viviane et Pierre Lambert, les parents de Vincent, ainsi que pour David et Anne, son frère et sa soeur.
En 2013, l'affaire Lambert démarre
En 2013, la décision est portée devant les tribunaux. La vie de Vincent appartient désormais à la justice, aux médias. La famille se déchire.Face à la justice, Eric Kariger fait front, seul. Les décisions de son équipe médicale sont jugées. La loi Léonetti, encadrant la fin de vie, montre ses limites. "Sur le plan juridique, on n'a pas encore admis la notion d'un médecin qui donnerait la mort", analyse Gérard Chemla, l'avocat de François Lambert. La seule seule chose que permet la loi Léonetti au médecin, c'est de ne plus soigner, pas de donner la mort."
Le Conseil d'Etat puis la Cour Européenne des Droits de l'homme jugent finalement conforme à la loi le protocole de fin de vie mis en place pour Vincent Lambert. Au nom de l'homme qu'ils aiment, la famille continue de se battre pour lui.