Elle quitte son boulot de prof afin d'écrire un livre sur les monuments de Reims, "pour les enfants de 5 à 102 ans"

Ancienne professeure de musique en collège, Aurélie Pattier a décidé de voler de ses propres ailes en écrivant, illustrant, et auto-éditant "Mes yeux pétillent" (sous-titré "Suis-moi, regarde"). Un financement participatif achevé le dimanche 17 avril lui a permis de créer ce livre sur le patrimoine religieux rémois.

"Fais de ta vie un rêve, et de ce rêve une réalité." Aurélie Pattier a appliqué à la lettre cette célèbre maxime d'Antoine de Saint-Exupéry.

Jusqu'à la rentrée 2021, elle enseignait la musique au collège. Mais elle a voulu faire autre chose après ces vingt années : écrire et illustrer un livre, Mes yeux pétillent (sous-titré Suis-moi, regarde). Il sera publié grâce au succès d'une cagnotte Ulule, dont l'achèvement le dimanche 17 avril 2022 a rapporté la bagatelle de 6.200 euros.

L'ouvrage d'une trentaine de pages est dédié "aux enfants de 5 à 102 ans". Un petit parcours permet d'apprendre une foule d'informations sur les édifices religieux de Reims (Marne), de la chapelle Foujita à la basilique Saint-Rémi, sans oublier la Grande mosquée et la synagogue (voir le parcours qu'il est possible de réaliser en ville sur la carte ci-dessous).


France 3 Champagne-Ardenne a donné la parole à cette autrice qui déborde d'idées et d'énergie : les 1.200 exemplaires de son ouvrage à 17 euros figureront d'ici début mai sur les étals des librairies et de l'office de tourisme rémois. Le titre était tout trouvé. "Mes yeux pétillent face à toutes les belles choses qui nous entourent dans notre ville de Reims : c'est super beau, ce qui nous entoure, et il faut absolument en parler à nos enfants. Le sous-titre, suis-moi et regarde, indique qu'on va faire dans ce livre une promenade dans un musée avec une petite fille." Qui est d'ailleurs sa cadette, visible sur la couverture de "ce joli livre sur de jolies choses", qui présente "un musée poétique, à la fois par les illustrations et les textes. Je trouve qu'on n'a pas beaucoup de livres sur les belles choses qui nous entourent, encore moins avec des jolis mots, qui riment et sonnent de manière musicale."

Parler de ce qui est beau

La Cité des sacres est ainsi honorée (et a tapé dans l'oeil du journal L'Union qui lui a consacré une page enthousiaste"car on a des édifices magnifiques à tous les coins de rue. Je ne peux pas passer devant nos églises et monuments sans tourner la tête et regarder. Je me suis dit que c'était quand même bête de ne pas pouvoir en parler à nos enfants, car nous-mêmes, on ne connaît pas grand-chose sur ça. Mon manque de culture à ce sujet me frustrait." 

Le sujet n'a rien de barbant, même pour de jeunes enfants qui ignorent tout de l'histoire de ces endroits ou des concepts inhérents aux religions (à noter que le livre n'est pas prosélyte et ne cite jamais Dieu). "Ça ne l'est que quand on n'y connaît rien. Il y a l'histoire, l'architecture, les messages cachés derrière les statues ou les vitraux... Les enfants sont capables, sans aucun problème, de s'intéresser à tout ça. C'est juste qu'il y a très peu de bouquins qui vont leur en parler. Je pense que mettre un enfant face à ça et lui en parler de manière sensible et sensée, avec beaucoup de conviction et d'émotion, de joie : ça le mettra au taquet."


Il y a là de quoi "nourrir le potentiel des enfants, avec des vraies choses de la vraie vie", elle en est persuadée. De quoi aussi entretenir leur regard sur ce qui les entoure : de nombreuses confessions religieuses sont représentées dans ce bouquin. À l'origine, des monuments plus séculaires ou laïcs étaient aussi prévus, mais l'autrice a préféré "se recentrer pour éviter de partir dans tous les sens. Je voulais ouvrir l'émerveillement, mais pas aux seuls trucs qu'on connaît déjà. Par exemple, pas seulement la cathédrale. Je voulais aussi faire savoir que la Grande mosquée existe, qu'il y a des personnes d'autres confessions dans notre pays, et qu'elles sont respectables. Je pense que certains enfants [et adultes assurément, ndlr] ne savent absolument pas qu'il y a un temple ou une synagogue à Reims. Je pense que si on ne leur parle pas de tout ce qui existe, on n'en fera pas des enfants tolérants, qui risquent de se dire : 'on ne m'en a jamais parlé, donc c'est nul'." 

À noter qu'on parle d'enfants, mais que le public visé est âgé de 5 à 102 ans. Plutôt large, cet ensemble "de niveaux de lecture possible" qui font la fierté de l'autrice, mais il y a une bonne raison à cela à cette dimension intergénérationnelle (très prégnante à Reims). Parce que tout le monde peut lire à son rythme. "Un gamin de cinq ans voudra peut-être tout lire, quand un autre voudra juste regarder les illustrations : il aura quand même tiré quelque chose du bouquin. Son message caché, c'est qu'on arrête de dire qu'un bouquin est fait pour tel âge : la littérature jeunesse qui fonctionne par classe d'âge, c'est assez stupide."


"C'est vrai qu'on s'adresse plutôt à des enfants de tel ou tel âge, mais les adultes qui m'ont relue pour la relecture finale m'ont dit qu'ils avaient appris plein de trucs, qu'ils trouvaient que c'était vachement bien pour eux aussi. Je sais aussi que [des personnes âgées] n'attendent que ça de pouvoir lire sur des églises où ils se sont mariés ou qu'ils affectionnent particulièrement. Pareil pour un gamin de trois ans qui reconnaîtra le bâtiment du coin de sa rue ou celui où son cousin a été baptisé." Et dans le cas où ces édifices n'intéresseraient pas tant que ça une partie du lectorat, celle qui est aussi illustratrice a dissimulé des colombes dans chacun de ses dessins, "car les petits détails fascinent" toujours.

Exit le collège

L'ancienne enseignante de 43 ans s'est mise en disponibilité de l'Éducation nationale (ce n'est pas une démission pleine et entière, mais elle n'est plus payée). Elle trouvait le système "routinier, rigide et pas adapté aux besoins et aux intelligences multiples de nos enfants [elle est très Montessori-compatible; ndlr]. Je suis beaucoup trop hypersensible pour laisser des gamins en difficulté dans des classes qui en comportent 30." Le désir était présent de trouver quelque chose qui "ne la stresse pas", qui lui permette de rentrer chez elle en se consacrant pleinement à sa famille et ses envies (les professeurs ont énormément de travail à la maison, de tâches administratives à gérer, de réunions et formations auxquelles participer).

Des envies de rechercher (sur Internet ou à la bibliothèque Carnegie), de rencontrer (des architectes, des ecclésiastiques, etc.), et de créer. L'écriture, ça lui plaît et ça constitue "la liberté suprême". La volonté est aussi présente de se prouver qu'elle "pouvait ne pas qu'être prof jusqu'à 65 balais". Les confinements, puis un emploi à mi-temps en boulangerie (son énergie et son bagou ont compensé son manque total d'expérience), lui ont permis de s'atteler pleinement à ce projet (quand d'autres ont ouvert des librairies). "On était privé de tout, de concerts ou de se balader dans les rues, et toute cette culture, cette architecture, ces spectacle, ça nous a manqués. Je me suis dit à ce moment-là que c'était intéressant, qu'avant de vouloir aller à l'autre bout du monde - car on ne pouvait plus non plus aller au bout de notre rue - est-ce qu'on irait découvrir ce qu'il y a en bas de chez nous."


Elle n'imaginait pas ce "soutien improbable" de plus d'une centaine de personnes qui lui a permis d'aller au bout de son projet. "Au début, j'étais un peu mal à l'aise avec ça. Je n'ai pas pour habitude de demander de l'aide pour faire ce que je veux faire, encore moins de l'aide financière. Et en fait, plusieurs personnes m'ont parlé de ça, et je me suis dit que ce que j'allais faire pendant un an, je le faisais pour le partage. Et qu'alors, si ça parlait aux gens, ils seraient ok pour aider. Mais je ne pensais sincèrement pas qu'il y aurait d'aussi gros dons."

Aurélie Pattier ne s'interdit pas d'écrire de futurs livres sur d'autres thématiques rémoises, qu'elle garde secrètes pour le moment. Car pour elle, "pour que l'Humanité s'apaise, on doit parler de tout, et du beau à nos enfants. Avec passion."  Elle conclut en citant le père Guy Gilbert, qui a écrit "être ébahi devant les paysages autant que devant la beauté de l'intelligence humaine. Cette intelligence qui a su construire Notre-Dame de Paris, la cathédrale de Reims, la mosquée d'Istanbul; qui a peint les fresques de la cathédrale d'Albi... Car la beauté suscite la bonté." De quoi donner envie d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure, et pas qu'aux enfants.

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