ENTRETIEN. Bas-Rhin : la librairie indépendante La Lisette, à Schirmeck, fête son deuxième anniversaire

La Lisette est une librairie indépendante située à Schirmeck (Bas-Rhin). Sa propriétaire, Lisa Pfister, l'a ouverte il y a pile deux ans, le 14 août. France 3 Alsace revient avec elle sur cette expérience riche d'enseignements, de culture, et d'échanges humains.

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En Alsace, tout le monde connaît la grande librairie Kléber de Strasbourg (Bas-Rhin). Mais il existe 41 librairies indépendantes dans la région.

Plus confidentielle, La Lisette gagne pourtant à être connue. Conçue comme un "cocon cosy", la petite enseigne fait aussi salon de thé (du moins quand il n'y a pas le covid...), et accueille les chiens comme les humains. 

Un vrai lieu de vie, qui vient de fêter son deuxième anniversaire le samedi 14 août 2021. Lisa Pfister a ouvert La Lisette au 94 de la place du 17 novembre, à Schirmeck (Bas-Rhin). Une petite ville de l'est de l'Alsace, peuplée par 2.000 âmes (à voir sur la carte ci-dessous).
 


France 3 Alsace a pu s'entrenir avec la gérante des lieux, qui a célébré l'évènement "de manière pas très spectaculaire, avec un petit gâteau et un verre avec quelques proches". Sans oublier quelques bons voeux d'une partie de la clientèle, qui avait noté la date dans son agenda.

"C'est assez fou de se dire que deux ans sont déjà passés. Et en même temps, j'ai l'impression que j'ai toujours fait ça, c'est un peu étrange. Je suis super fière que ça fonctionne." Le 14 août 2019 (c'était un mercredi), Lisa Pfister appréhendait, se posait beaucoup de questions. "J'avais très très mal dormi - chez mes parents qui habitent à côté - la veille. J'étais une vraie boule de stress." Depuis, l'eau a coulé sous les ponts (voir la publication Facebook ci-dessous). 
 


Ce jour-là, il y avait eu beaucoup de monde (il y avait eu beaucoup de bouche à oreille sur les réseaux sociaux, dont Lisa Pfister est adepte). "Pas forcément pour acheter. Mais pour me montrer qu'ils étaient présents, et qu'ils allaient l'être tout au long de mon aventure." Car oui, c'en est une.
 

Histoire collective

Pendant une vingtaine d'années, la - regrettée - librairie Bouquins Bouquine fut la seule à exister dans la vallée de la Bruche. Sa fermeture en 2013, faute de repreneur, a directement donné naissance au rêve de Lisa Pfister. Elle avait 17 ans, mais désirait reprendre le flambeau. Un jour... Depuis, Bouquins Bouquine a laissé la place à une agence d'intérim. La Lisette est plus spacieuse, plus lumineuse, et est dotée d'une grande réserve.

"Je suis originaire du village de Plaine, pas loin de Schirmeck. C'était assez triste de perdre ce lieu culturel. Il fallait sinon aller à Obernai, ou Saint-Dié : ça fait quand même trente minutes de route pour trouver une librairie. Il y a eu une ouverture à Dorlisheim après quelques années, mais ça restait quand même vachement loin. Pour les bibliothèques, les écoles, c'est important d'avoir une librairie dans un village." 

Elle a beau habiter Strasbourg, la vallée de la Bruche "reste l'endroit de coeur" de Lisa Pfister. Jamais elle n'aurait ouvert de librairie ailleurs. Laquelle a pu naître grâce à un financement participatif : 9.000 euros avaient été collectés en 2018. Le reportage réalisé par France 3 Alsace en 2018 permet de réaliser le chemin parcouru (à revoir dans la vidéo ci-dessous).
 


"J'ai eu la chance d'avoir des parents qui m'ont fait lire depuis que je suis bébé. C'est quelque chose de très important pour moi." Au collège, la future libraire fait des stages pour découvrir le métier... justement à Bouquins Bouquine, "où j'avais déjà passé beaucoup de temps étant petite". Après avoir passé son baccalauréat littéraire au lycée Henri Meck de Molsheim (Bas-Rhin), elle est tour à tour chargée de projet culturel dans diverses associations strasbourgeoises, ou accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH) dans les écoles. 

Mais l'idée de la librairie lui trotte quand même dans la tête. Jusqu'à ce que le baisser de rideau d'une librairie en décembre 2013 entraîne, quelques années après (elle était encore "un peu jeune"), l'ouverture d'une autre en août 2019. Le projet d'une vie. "Il était temps que je fasse quelque chose que j'avais vraiment envie de faire." C'est vrai que Saint-Exupéry a dit de faire de sa vie un rêve, et de ce rêve une réalité...
 

Thé, canidés, et gérante attentionnée

Quand on entre à La Lisette, on se sent à l'aise. Les couleurs chatoyantes, les essences de bois : la gérante et ses proches (dont ses parents vivement remerciés) ont tout fait à la main. Et ça se sent : c'est authentique, du sur mesure. Attention au "voyage dans le temps", une petite ambiance années 70 pourrait se faire sentir. 

"Il fallait éviter de dépenser de l'argent inutilement, dans des meubles tout faits. C'était mieux d'en récupérer. Ou d'en fabriquer : c'est encore plus gratifiant." Certains éléments viennent de sa maison familiale. Et la vaisselle, les fauteuils du salon de thé... ont été chinés.
 


La Lisette vend "toutes sortes de livres" (à peu près 4.000 livres reposent sur les étagères, et ce qui manque est évidemment rapidement commandable). Mangas compris : l'achat des livres illustrés venus du Japon s'est démultiplié avec le pass culture, permettant aux libraires de suggérer aux jeunes des lectures connexes, parfois des mangas, et parfois d'autres livres. De quoi élargir les horizons littéraires.

Quand il n'y a pas de crise sanitaire, le salon de thé fait le plein (les familles adorent s'y rendre le mercredi après-midi). Lisa Pfister se fournit localement. "Je propose de l'Elsass Café qui vient d'une manufacture à Strasbourg, des thés qui viennent de Metz, des petits sablés de la biscuiterie de Saales, des jus de fruits strasbourgeois... J'essaye de travailler avec des gens d'ici, en circuits courts." La dimension écologique n'est pas oubliée. 
 

L'objectif était de créer un espace de rencontres, d'échanges.

Lisa Pfister, gérante de la librairie La Lisette


Le public est "très varié, avec plein de gens différents". Lisa Pfister travaille avec les "médiathèques du coin et les écoles". Et la boutique tourne bien, "de nombreux partenariats se mettent en place". L'objectif du lieu est rempli : à savoir "créer un espace de rencontres, d'échanges". Bien plus qu'un simple commerce. Il y a des séances de dédicaces, des ateliers pour enfants, des sessions d'art-thérapie... 

Le lieu est si accueillant que même les chiens y ont droit de cité. Pour preuve, le chien de la gérante est tellement présent qu'on pourrait presque le considérer comme un employé à part entière. "Je travaille avec mon chien, c'est un peu la mascotte de la librairie. Et j'ai pas mal de clients qui viennent avec le leur aussi. Ils sont très contents."
 

Une libraire multi-fonctions

Lisa Pfister a plusieurs casquettes. Parmi elles, celle d'autrice. Elle décline sur plusieurs tomes les excursions de Mentalo, une petite grenouille, dans les châteaux alsaciens.
 


Profitons du thème pour vous suggérer aussi d'autres oeuvres d'autrices alsaciennes. La fantasy à l'honneur avec Charlotte Abécassis, la magie illustrée par Anne-Sophie Schlick, les animaux fantastiques mis en lumière par Marylin Weyl, les dessins engagés d'Ariane Pinel... Et pourquoi pas Harry Potter : J.K. Rowling est alsacienne par son arrière-arrière-grand-mère, originaire de Brumath (Bas-Rhin). La libraire peut vous commander tout ça...

Retour à Lisa Pfister, qui a bien d'autres talents. La gestion, par exemple, grâce à ses anciens boulots. Et, depuis l'ouverture il y a deux ans, une certaine endurance. "C'est un travail très physique. On me l'avait dit, mais je n'en imaginais pas tant : il y a beaucoup de manutention à faire."
 


Sans oublier de bien utiles compétences de recherches "pour se dépatouiller" quand on lui demande une référence inconnue (non, les libraires ne sont pas des Hermione Granger en puissance qui ont lu et connaissent tous les livres de leur boutique voire du monde). Car paradoxalement, "étant libraire, je n'ai pas beaucoup de temps pour lire. J'ai énormément de travail à côté." Elle ne peut donc pas tout connaître. 

"On m'a demandé plusieurs fois : 'j'ai vu un livre à la télé il y a deux semaines, je ne sais plus trop dans quelle chaîne ni quelle émission, et sur le livre on voit une femme' ou encore... Les gens qui n'ont retenu qu'un mot dans le titre, et encore, c'est parfois un synonyme." Dans ces cas-là, demander de l'aide aux 15.000 collègues de la page Facebook des Perles de la librairie est salutaire : être libraire, c'est faire partie d'un réseau de qualité.

Il lui faut aussi savoir s'adapter. "C'est marrant quand une personne vient et qu'elle dit vouloir acheter un livre... pour quelqu'un que je ne connais pas, dont je ne sais pas ce qu'elle lit... C'est toujours un bon challenge. On arrive toujours à trouver quelque chose."
 

Du rêve à la réalité

"Ce n'était pas facile... surtout que j'ai une petite phobie administrative", confie Lisa Pfister. "J'ai eu la chance d'être bien entourée." Enchaîner les rendez-vous avec les banques et assurances, prendre contact avec des institutions comme la direction régionale des affaires culturelles (Drac), gérer papiers et coups de fil... ne fut pas de tout repos. La libraire trouvait plus agréable de décorer son futur commerce... mais il fallait en passer par là. Et elle n'a pas lâché. "Les banquiers me regardaient avec de grands yeux quand je disais vouloir ouvrir une librairie à Schirmeck." Surtout à 22 ans.
 

J'ai très vite découvert les retards des fournisseurs...

Lisa Pfister, gérante de la librairie La Lisette


Sans formation de libraire (elle comptait faire des études de médiation culturelle), ses différents stages ont été déterminants pour assurer le succès de son activité. Mais ça n'apprend pas tout, même si tout s'est globalement très bien passé pour la nouvelle libraire. "J'ai très vite découvert les retards des fournisseurs. J'attendais une commande pour l'inauguration de la librairie. Agnès Ledig était venue faire la dédicace. Et j'ai tout reçu la veille, à 18h30 : grosse panique à bord." Sans oublier les lourds cartons chargés de livres. "Comme tous les libraires, je suis abonnée aux séances d'osthéo et de kiné..."

Et dans le lot des (rares) mauvaises surprises, la crise du coronavirus. Survenue six mois après son ouverture, Lisa Pfister est parvenue à la surmonter. Elle a su garder le contact avec sa clientèle, assurer leurs commandes à distance, et renflouer ses caisses après le déconfinement où s'est jouée la survie de son projet. "On a eu une très bonne reprise d'activité, ça a permis aux librairies de tenir bon." Ces fameux commerces reconnus essentiels...
 


Bien loin de passer ses journées à lire accoudée au comptoir, Lisa Pfister fait aussi pas mal de comptabilité et paperasse, consulte régulièrement les catalogues des fournisseurs (qui sont nombreux et cela prend donc du temps)... Et surveille les évènements culturels (à l'image de la rentrée littéraire), les remises de prix (comme le Renaudot), et les livres mis en avant dans telle émission radiophonique ou télévisée (style Grande librairie ou Quotidien). Sans oublier de bien ranger ses étagères de livres, au risque de ne plus s'y retrouver : cela peut être fâcheux.

Elle a rencontré "des gens super intéressants, qui sont dans le partage. Ma relation d'échanges avec les clients, c'est génial : c'est ce que j'aime le plus dans ce métier. Hier encore, quelqu'un est venu, qui avait demandé conseil il y a quelques semaines... juste pour me dire que ça lui avait beaucoup plu. Ce genre de choses, ça me fait ma journée." Le tout dans un cadre apaisé, loin du stress d'un grand magasin. Justement, parlons de ces géants.
 

Petite librairie contre Gafa géant

Bien évidemment, cette libraire indépendante n'encourage pas à commander chez Amazon, entreprise constitutive des géants du Net, aussi appelés Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon). Pour de multiples raisons. "Je ne peux forcer personne à acheter chez moi... Mais préfère-t-on enrichir Jeff Bezos, un homme qui gagne en une seconde le salaire de toute une vie d'une personne normale ?"

"Enrichir des entreprises qui maltraitent leurs employés, qui ont des méthodes de travail archaïques ? Qui cachent leur argent dans des paradis fiscaux, qui ne paient pas leur impôts ? Ou alors est-ce qu'on a plutôt envie d'aider des personnes qui se jettent corps et âme là-dedans, qui ont galéré pendant des années pour ouvrir leur librairie ? Certes, le délai de commande sera un peu supérieur à celui d'Amazon, c'est impossible de les combattre là-dessus. Mais en allant chez votre libraire, vous aurez un échange, des conseils, des suggestions qu'Amazon ne pourra pas vous donner."


Quant aux "grandes surfaces spécialisées comme la Fnac ou Cultura, c'est un peu moins pire que Amazon. Mais je trouve vachement plus enrichissant d'aller acheter chez son libraire de proximité. C'est toujours mieux d'avoir un échange."
 


Se lancer dans les métiers du livre n'est pas chose aisée (même quand, comme Lisa Pfister, on reçoit le soutien de la Confédération de l'illustration et du livre (Cil) et de la Drac). Le milieu est assez encombré : il n'est pas vraiment le premier vers lequel des parents veulent voir leur progéniture se tourner. "Mais il faut oser se lancer. Tout en étant conscient qu'il ne s'agit pas de lire au comptoir, qu'il y a beaucoup de travail à côté... que c'est fatiguant. Il faut savoir que c'est au début précaire..." 

Et les clichés n'aident pas. "On nous dit que les jeunes ne lisent plus, sont tout le temps sur leurs écrans... C'est complètement faux, j'ai beaucoup de jeunes lecteurs." Quand la "jeune génération" vient "clouer le bec" aux précédentes... Le métier est tout simplement "génial. Je suis contente de l'avoir fait, car même si ça n'avait pas abouti, je pourrais me dire que j'ai essayé, que je ne suis pas passée à côté de ma passion. Quand on a un rêve, il faut tout faire pour le réaliser."
 

Les suggestions pour finir

Libraire de son métier (c'est un peu l'objet de cet article), Lisa Pfister recommande finalement :


De quoi terminer l'été en bouquinant, ou anticiper sa rentrée littéraire. Vous savez maintenant où vous fournir...
 

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