Le mouvement de contestation du projet de réforme des retraites connaît un nouvel épisode ce jeudi 23 mars 2023. À Reims (Marne), le cortège a réuni plus de 4.000 personnes selon le décompte de la police, 10.000 selon les syndicats.
Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites ne faiblit pas, ce jeudi 23 mars 2023. Surtout au lendemain d'un discours présidentiel qui a peu convaincu.
À Reims (Marne), les premières remontées du terrain semblent indiquer une mobilisation en hausse. Isabelle Griffon et Marie-Line Fournier, journalistes de France 3 Champagne-Ardenne, sont allées prendre le pouls de la manifestation.
On dénombrait 6.000 personnes à Reims le mardi 31 janvier. Et dans les 2.000 plus récemment, le samedi 11 mars (c'était un week-end de mobilisation). Ce 23 mars, 4 200 personnes ont été comptées par la police, 10 000 pour les syndicats.
Le cortège est parti à 10h00 de son habituel lieu de départ : la maison des syndicats. Les traditionnelles pancartes sont de sortie.
Ce sont plusieurs milliers de personnes qui sont présentes, 4.000 selon la police et au moins 6.000 à 7.000 selon un comptage partiel des syndicats (rehaussé plus tard à 9.000).
Démocratie "en danger"
Sur place, on retrouve un homme grimé en Napoléon. Florent, 41 ans, est ouvrier viticole. "Macron a un mépris total du peuple. Il est au-dessus, on ne peut rien faire de cet homme-là. Quand la majorité des gens ne sont pas d’accord, quand les syndicats ne sont pas d’accord, il faut écouter le peuple." Il reproche notamment le passage au 49.3 de la réforme.
La même idée se retrouve aussi sur la pancarte de Pierre, un professeur de 38 ans. "La démocratie en a pris un sacré coup, c’est insupportable. On a élu des députés pour nous représenter et là on n’est pas entendu, le président est passé au-dessus de l’Assemblée. Pas envie qu’on bascule dans un autre régime." Ce qu'il craint, c'est la dictature : le mot, lourd de sens, est lâché.
Le cortège a rallié la place Royale. Le trafic des tramways a été interrompu, la foule empruntant les rails pour occuper toute la largeur des rues, près de la cathédrale. Un spectacle de plus en plus habituel.
Les jeunes dans la rue
On les entend beaucoup et on les voit de loin. Les jeunes sont aussi présents en masse, 300 au moins.
Juste derrière la banderole, Erwan, 23 ans. "Je suis énervé. Quand le pays s’exprime, le gouvernement doit l’écouter. L'argent, on sait où il est."
S’il n’entend pas nos voix, il nous entendra avec nos actions.
Erwan, 23 ans
"Pour nous, les jeunes, il y a encore beaucoup de chômage. Alors la retraite à 64 ans, on n’en veut pas. Nous on est en colère. S’il n’entend pas nos voix, il nous entendra avec nos actions. Il va falloir taper au porte-monnaie, intensifier les blocages."
Le passage à des actions plus directes est donc souhaité. Il ne semble pas être le seul à le désirer, tant le discours présidentiel et la stratégie du gouvernement semblent avoir échaudé les esprits.
Et les jeunes suivent la politique. Et le prouvent, parfois avec humour. Deux élèves de lycée de 17 ans, Natty et Finn, brandissent une pancarte appelant à une retraite à 49.3... ans. Les slogans tranchent. "De l’argent, il y en a dans les caisses du patronat."
Pour Natty, "c’est ma premier manif' contre la réforme des retraites. Mais là il fallait y aller. On a besoin des jeunes. Là, c’est plus possible, c’est déplorable, on ne peut pas laisser passer ça." Finn fustige le discours présidentiel. "Il faut qu’il arrête de nous parler comme à des enfants de 8 ans."
Le cortège est passé par la place d'Erlon (les jeunes ont encore voulu s'asseoir). De la fontaine à la rue de Vesle, la rue était noire de monde.
Le cortège se scinde, débordements
À l'arrivée au niveau du square Colbert, un moment inattendu. Une partie du cortège, plusieurs centaines de personnes, part vers la gare, défendue par les CRS, puis remontent vers le commissariat pour avoir accès à l'autoroute. Une vingtaine de membres des forces de l'ordre ont dispersé ce cortège à l'aide de grenades lacrymogènes.
Le restant du cortège, plusieurs milliers de personnes, a continué vers la droite, remontant les boulevards pour la suite du parcours devant le ramener à la maison des syndicats.
Nouveaux jets de lacrymogènes, notamment sur des jeunes semble-t-il, à hauteur des promenades puis du boulevard du Général Leclerc. Des pancartes sont tombées dans la cohue (voir une vidéo ci-dessous).
Des poubelles et barrières ont été renversées. La situation est redevenue calme peu après midi, avec la dispersion du cortège qui n'avait pas suivi le parcours.
Mais ce cortège secondaire ne s'était dispersé que pour se reformer un peu plus loin, au niveau du Boulingrin, scandant "Reims debout, soulève-toi". Des ébauches de barricades ont été dressées. Le second cortège souhaitait avancer vers la mairie, devant laquelle de nouveaux tirs de lacrymogène ont lieu.
À 12h25, une nouvelle dispersion avait lieu. Les débordements constatés ont rarement lieu en centre-ville, preuve qu'il règne une certaine tension.
"Les lacrymo', je n'ai jamais vu ça sur les manif' à Reims", a confié à France 3 Champagne-Ardenne Thomas Rose, militant du parti Force ouvrière (FO) et du syndicat de la Confédération générale des travailleurs (CGT). Un habitué de toutes les luttes sociales à Reims depuis des années, qui ajoute qu'"avec son intervention d’hier, Macron a ecoeuré un peu plus les travailleurs".
Fin de manifestation à 12h30
Du côté du cortège principal, qui a poursuivi dans le calme aurait rassemblé jusqu'à 9.000 personnes selon les syndicats, on parle d'une grosse journée de mobilisation, dans la lignée des 11 janvier et 7 mars. Celle de ce jeudi 23 mars s'est achevée à 12h30, paisiblement, à la maison des syndicats comme prévu. La mobilisation devrait se poursuivre les prochaines semaines.