Grève aux urgences du CHU de Reims : "On aimerait travailler avec bienveillance, pas dans la maltraitance"

Depuis ce jeudi 20 juin, le personnel du service des urgences du CHU de Reims a rejoint le mouvement national de grève. Trois infirmières ont accepté de témoigner de leurs conditions de travail de plus en plus difficiles. Manque d'effectifs, de moyens et de reconnaissance, elles en ont "ras-le-bol".

"Expliquez-bien qu'on se met en grève avant tout pour nos patients", annonce d'emblée l'une des trois infirmières qui a accepté de témoigner sous couvert d'anonymat. "Ce sont eux qui souffrent en premier aux urgences." Toutes trois travaillent dans ce service en tension au CHU de Reims depuis plusieurs années. Avec leurs collègues, elles ont décidé de se rallier au mouvement de grève national entamé mi-mars dans les urgences hospitalières. "On en a ras-le-bol. Il faut que cela change."

Infirmiers, aide-soignants, brancardiers, secrétaires et agents de services, environ 90 % du personnel, selon les syndicats CGT et FO, sont grévistes. Mais le service sera assuré pour tous les patients. "Le personnel est réquisitionné, explique une soignante. Cela ne change rien car on est constamment en service minimum."
 

Plus de patients pour moins de soignants

Le manque d'effectifs est justement la première revendication exprimée par le collectif national Inter-urgences. Les urgences du CHU de Reims, qui comptent une centaine de salariés, ne font pas exception à la règle. Les grévistes rémois réclament l'embauche d'au moins cinq personnes supplémentaires. "On nous demande de faire plus avec moins", déplore l'une des trois infirmières. Chaque jour, ce service voit défiler en moyenne 140 patients. A l'année, 51.000 patients sont pris en charge. C'est 18% de plus qu'il y a sept ans. Sans renforts supplémentaires.

On nous inculque à l'école d'infirmières des valeurs comme le bien-être du patient et l'écoute qu'on ne peut pas respecter aux urgences.
- Une infirmière des urgences du CHU de Reims -

Au bout d'un moment, le service sature, les soignants aussi. "On aimerait travailler avec bienveillance, pas dans la maltraitance, explique cette professionnelle du soin qui décrit un travail quotidien intensif. "Certains jours, on arrive le matin et on a déjà 5-6 patients à prendre en charge qui attendent sur les brancards. On n'a déjà plus de places pour les autres."
 

"Le patient attend encore et encore"

Dans le service, 13 "box" sont disponibles pour les patients. Pour les soignants, c'est trop peu. Quand les lits sont pris, les malades sont allongés sur des brancards installés dans le couloir. Ils peuvent y rester 12 heures, voire plus. "Jusqu'à 26 heures, c'est déjà arrivé", assure cette infirmière. Les prises de sang se font souvent dans les couloirs. "La confidentialité des soins n'est pas garantie, regrettent les infirmières. L'intimité n'est pas toujours respectée."

 Vous rentrez chez vous, vous avez l'impression d'avoir mal fait votre travail
- Une infirmière des urgences du CHU de Reims -

"Si on résume, un patient va attendre un quart d'heure pour voir l'infirmière d'accueil, puis 2 heures pour être examiné par un médecin. Ensuite, il devra attendre 2h30 les résultats des prises de sang, puis 5-6 heures le résultat du scanner, 1h30 l'interprétation du médecin avant d'attendre 3 heures pour repartir en ambulances. Au total, il sera resté 15 heures en moyenne." 

En mars dernier, une dame de 73 ans est décédée aux urgences du CHU de Reims après deux heures d'attente. Un drame qui a marqué les esprits dans le service. "On s'était dit que, vu les conditions de travail, ça allait arriver. Il n'y avait plus qu'une seule infirmière d'accueil." La direction en a remis une deuxième depuis, sauf en soirée.
 
 

Faire face à l'agressivité

La prise en charge des patients s'allonge autant que leur patience diminue. Le soir ou le week-end, la situation se complique. De 21 heures à 7h30, il n'y a par exemple qu'une seule infirmière d'orientation et d'accueil chargée d'évaluer l'état du patient. "C'est trop peu, il faudrait qu'on soit deux en permanence, souhaitent-elles. Surtout que "la pression est forte" : il faut aller vite et ne pas se tromper.

Les insultes, les menaces, les crachats, c'est notre lot quotidien.
- Une infirmière des urgences du CHU de Reims -

Les esprits s'échauffent vite, les agressions verbales sont quotidiennes. "On ne les déclare pas toutes, sinon on passerait trop de temps à faire des déclarations d'agression au lieu de faire notre travail." Parfois, elles deviennent physiques. "Un de nos collègues s'est pris un coup de poing en novembre 2017, on avait eu très peur." Parmi leurs revendications, les soignants réclament un agent de sécurité ou un médiateur à temps plein.
 

Hausse de salaires

Elles se battent aussi pour obtenir davantage de matériel en bon état. "Des fois, on passe un quart d'heure à chercher un saturomètre, regrette-t-elle. On manque surtout de moniteurs de surveillance."

Le personnel soignant se plaint également d'un manque de reconnaissance et demande une hausse de salaire. Une infirmière aux urgences est payé 1800€ brut en début de carrière. L'évolution est faible ensuite malgré les nuit, les week-ends travaillés et les changements d'horaires.

Malgré tout, ces trois infirmières, épuisées, continuent d'aimer leur métier. "Sinon on ne pourrait pas tenir. On est une équipe soudée, on s'entraide."
 

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