Alexis Lévrier, maître de conférences à l'université de Reims, a reçu des menaces par courrier après une intervention sur franceinfo consacrée à l'empire médiatique de Vincent Bolloré et la reprise en main du JDD. Il compte déposer plainte.
Alexis Lévrier est maître de conférences à l'université de Reims, spécialiste de l'histoire de la presse et des médias. Le 24 octobre 2023, il a partagé sur les réseaux sociaux la photo d'un courrier de menaces.
Celui-ci fait référence à un passage de l'universitaire sur l'antenne de franceinfo télé, à la fin du mois de juillet. Alexis Lévrier y est intervenu au moment de la reprise en main de la rédaction du Journal du Dimanche par Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, marqué à l'extrême droite.
"Des courriers agressifs, insultants, j'en ai déjà reçus. Des menaces, c'est autre chose."
Alexis Lévrier, maître de conférences à l'université de Reims
Nombre d'observateurs voyaient dans son arrivée la main de Vincent Bolloré, milliardaire aux opinions réputées ultra-conservatrices. Vivendi, groupe de Vincent Bolloré détenant Canal+ et ses chaînes (dont CNews et C8), est en effet en train d'absorber Lagardère, propriétaire du JDD, de Paris Match et d'Europe 1.
"J'ai fait plusieurs tribunes et entretiens et quelques passages radio ou télé pour soutenir cette rédaction, et intégrer ça dans la structuration d'une extrême droite médiatique autour de l'empire Bolloré", explique Alexis Lévrier, avec qui nous avons échangé ce 25 octobre.
2 mois après une intervention sur France Info TV, ce courrier trouvé ce matin dans mon casier à la fac. J'apprends que ce "comité 732" a déjà menacé de mort plusieurs députés. Nous voilà revenus au temps des ligues fascistes - et elles ont un empire médiatique à leur service. pic.twitter.com/yTVHQZXN01
— Alexis Lévrier (@Alexlevrier) October 24, 2023
Le courrier, envoyé par la poste, est daté du 19 juillet. Alexis Lévrier l'a découvert en cette fin octobre dans son casier, qu'il ne consulte pas fréquemment.
Une plainte bientôt déposée
Entre plusieurs insultes, la lettre menace directement l'universitaire. Elle s'achève sur cette phrase : "Numérote tes abattis, sale CON !".
"On peut la comprendre de différentes manières. Est-ce que ce sont des menaces de mort ? Je n'en sais rien, nous indique l'universitaire . Ce qui est sûr, c'est que des députés ont reçu des menaces de mort beaucoup plus explicites."
En effet, dès 2018, des parlementaires avaient fait état de lettres de menaces, déjà signées du même "Collectif 732". Des plaintes avaient été déposées, sans suite connue à ce jour. "Ils s'attaquent vraiment à beaucoup de gens. C'est ça qui m'a donné envie de mettre ce courrier en ligne pour alerter", ajoute Alexis Lévrier.
Il compte lui aussi déposer plainte dans les prochains jours. En attendant, il a reçu de nombreuses marques de soutien de ses collègues, de sa direction, mais aussi d'élus ou encore de journalistes. Le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, lui a par exemple fait part de sa "totale solidarité", dans un message diffusé sur X.
"Cette haine accumulée sur les plateaux de CNEWS se déverse ensuite sur les réseaux sociaux. Et parfois aussi par le biais de courriers."
Alexis Lévrier, maître de conférences à l'université de Reims
L'universitaire est bien conscient que l'exposition médiatique suscite toujours des réactions, qui peuvent être virulentes. " Les courriers que je recevais pour l'instant à la fac, c'était des gens de l'extrême-droite, de la droite réactionnaire, qui voulaient argumenter. Parfois, j'avais des insultes, surtout des gens qui m'expliquaient à quel point j'étais ignare, pourquoi pas. Mais ce n'était jamais allé jusqu'à des menaces physiques."
Si ces menaces n'ont d'autre but que de "faire taire les gens", il ne compte pas un instant limiter son expression. "Je ne vais pas céder à la terreur. Je ne vois pas pourquoi je me tairais".