Lorsque nous les avions rencontrés en avril dernier ils s'étaient donnés comme objectif de courir les 10KM en moins de 55 minutes, pari réussi ! Ce samedi 10 août 2024, Aurore Sohier, malvoyante, et Emmanuel Robin, son guide, ont couru en 54 minutes les 10KM du Marathon pour Tous, à Paris. Ils nous racontent.
Aurore Sohier, Rémoise de 37 ans, a une anomalie génétique du cristallin. Elle ne voit pas les reliefs ni les dénivelés. Et pourtant, ce samedi 10 août 2024, avec son guide Emmanuel Robin, ils ont couru 10KM, liés par un fil à leurs poignets.
"Le moment plus émouvant c'était dans le sas de départ, juste avant le décompte. Ils ont mis la chanson officiel des JO. Je me suis dit -ah ouais je suis là-, c'est là que je me suis rendue compte que je faisais un truc incroyable." sourit Aurore Sohier.
"Un truc incroyable" d'autant que le binôme a dû faire face à de nombreux obstacles. Première difficulté au départ, Aurore s'est trompée de sas, il a fallu doubler tout le monde. "Avec ma vue je ne sais pas calculer les distances, je ne sais pas si une personne est à un mètre de moi ou à 50 centimètres."
Un challenge d'autant plus difficile à relever qu'il a fallu le faire dans le noir. "On ne s’était jamais entraîné la nuit avec mon guide."
"À un moment il faisait tellement noir, il faisait sombre, je commence à ralentir, je sens le lien qui se tend mais non, je me dis, j’ai pas à ralentir, je lui fais confiance."
Une confiance totale, qui a permis à ce rêve des JO de devenir réalité.
"Dans la course j'étais hyper concentrée mais après quand on a eu la médaille autour du cou, on avait le grand sourire, c’était magique. On s’est dit purée on l’a fait. C’était une fierté de pouvoir aller dans les rues de paris, sans personne, sans voitures, c’était un privilège."
Une réussite due en partie aux encouragements du public. Ce qui a porté Aurore, c'est l'ambiance sonore.
"Le public présent pour encourager des inconnus, j'ai trouvé ça fou. Ils nous ont aidés à réaliser l’impossible. Les gens scandaient mon prénom, me tapaient dans la main, il y avait des groupes de musiques, des tambours. Tout ça m'a boosté."
Pour Aurore, l'aventure Paris 2024 a commencé, un peu par hasard, il y a deux ans déjà.
"J'ai participé à une course pendant la journée olympique organisée par la ville de Reims il y a deux ans. 2024 mètres pour tenter de gagner un dossard. Cent dossards a gagné sur toute la France. Deux semaines après on nous a dit qu’on avait un dossard, j’en revenais pas, je me suis dit, il faut que je me prépare."
S'en suit un entraînement rigoureux, seule la semaine, accompagnée par ses deux guides Emmanuel et Frédéric, le weekend.
"C'est plus que des guides, c'est des coachs pour moi. Ils croyaient vachement en moi, ils m’ont poussé. Sans Manu là pour les JO j’aurai paniqué, je n'aurai pas couru aussi vite, je n'aurai pas osé doubler."
Pour Aurore, participer à cette course c'était aussi un moyen de faire passer un message.
"Ça montre que les personnes en handicap visuel on aime le sport, mais en fait on a besoin de quelqu’un. Il y a plein de gens qui courent et qui ne savent pas qu’ils peuvent être utiles à d’autres."
C'est d'ailleurs ce qui a donné envie à Emmanuel de se lancer. A 53 ans, il fait de la course à pied depuis 25 ans. "C’est mon épouse qui avait vu une annonce sur facebook il y a un an et demi. J'ai tout de suite accepté. Ça donnait du sens à nos sorties du dimanche matin. J'ai découvert un monde, le monde du handicap. C'est très enrichissant."
"Il faut que les gens qui courent se renseignent auprès des club sportifs handisport pour courir avec des personnes en situation de handicap. Je suis sure que les gens ne se doutent pas qu’ils peuvent être guides. Après c'est sûr qu’il y a un engagement où il faut se dire je cours pas pour moi, je cours pour les deux." conclut Aurore.
Après cette expérience réussie, Aurore Sohier ne compte pas s'arrêter là. Prochain rendez-vous, la Reims Champagne Run, en octobre prochain, avec pour nouvel objectif : le semi-marathon.