L'adjointe au maire de Reims Kim Duntze a pratiqué le football à partir de ses six ans et demi. Après des débuts difficiles pour une petite fille, la Rémoise s'est imposée auprès de ses coéquipiers et sur la pelouse. Récit.
A trois jours du coup d'envoi du mondial féminin de football, les yeux de Kim Duntze deviennent humides à l'évocation du match de coup d'envoi de ce vendredi 7 juin, France-Corée. Dans son bureau à la mairie de Reims, l'adjointe à la jeunesse et aux sports s'émeut quand elle pense à la rencontre. "Cela me renvoie à mes origines coréennes et à la France, c'est le pays qui m'a accueillie et que j'aime. C'est mon match à moi." Et sa passion du football, bien sûr, qu'elle a pratiqué jusqu'au plus haut niveau.
Arrivée en France huit mois après sa naissance en Corée en 1978, Kim Duntze a toujours voulu jouer au football. A l'âge de 4 ans, elle débute le tennis, avec un certain don pour la raquette selon son entraîneur d'alors. Rien à faire. Elle veut tâter le ballon avec ses pieds.
Je ne sais pas d'où ça me vient. Je viens d'une famille pas du tout sportive, et encore moins pour du foot. Mes parents étaient très heureux d'avoir une fille, voire un peu dans la caricature.
- Kim Duntze, adjointe à la mairie de Reims.
"On ne prend pas les filles"
A 6 ans et demi, la voici tapant du cuir, seule, aux côtés de ses coéquipiers. C'est un ami de la famille, entraîneur de foot, qui leur assure "pas de souci, je la prends", quand les autres coaches lui préfèrent les garçons. Elle finit donc par se faire remarquer, avec son petit gabarit, sa vélocité et ses cheveux courts. Les sélectionneurs démarchent ses parents.
Certains entraîneurs venaient les voir en leur disant : 'Ce serait pas mal qu'il vienne dans notre club.' Quand ils découvraient que j'étais une fille, ça ne les intéressait plus. Ils répondaient : 'Non, nous on ne prend pas les filles.'
- Kim Duntze, adjointe à la mairie de Reims.
Parmi ses détracteurs, le président du club de Sainte-Anne, qu'elle a recroisé par la suite pendant des années en tant qu'élue. Sans rancune. "Je lui avais fait un petit clin d'œil. A l'époque, les éducateurs du club me disaient qu'ils voulaient que je vienne mais lui ne voulait pas. Ce n'était pas dans les mœurs, ça ne se faisait pas."
"On mettait naturellement les filles dans l'équipe C"
Seule parmi des coéquipiers, elle se fraye une place au sein de son équipe avec aisance. Quand elle prend sa licence à Tinqueux, les éducateurs la placent d'office dans l'équipe C. Deux semaines plus tard, elle monte dans l'équipe B et un mois après, dans l'équipe A. "Cela voulait dire que naturellement, on mettait la fille dans l'équipe C", analyse l'élue rémoise. Là encore, elle ne conserve aucune amertume, préfère les bons souvenirs :
L'un d'eux, qui a occupé une place très importante dans ma vie, était un ancien gardien professionnel, Pierre Thieffry. Il me regardait d'un mauvais œil. Il répétait : 'Les filles ne sont pas là pour jouer au foot.' Il me menait la vie dure, sachant qu'en plus, je prenais la place de son fils. Il m'en a fait baver et l'a reconnu il y a encore pas très longtemps. Il m'a dit : 'Toi je t'ai pas fait de cadeaux. Je t'ai traitée comme un garçon voire plus.' Il fallait que je fasse deux fois plus mes preuves.
-Kim Duntze, adjointe à la mairie de Reims.
Du côté de ses adversaires aussi, la route n'est pas tranquille. "Jusqu'à mes 13-14 ans, lors des championnats régionaux, on m'appelait 'la fille'." Les remarques,les insultes, les vestiaires pour filles inexistants... elle finit par les accepter, mais pas ses coéquipiers. "Quand nos adversaires faisaient des remarques déplacées, soit au bout de 5 minutes de jeu je leur mettais un but et ça les calmait, soit notre libéro, qui faisait déjà 1 mètre 80, allait les voir pour les faire taire", s'amuse-t-elle, un brin de nostalgie dans la voix.
"Avant les matchs, j'enfilais mon maillot sous mon jogging, je n'avais plus qu'à retirer mon pantalon." Pour la douche, les gars de son équipe acceptent qu'elle les précède, patientent à la sortie.
"Je n'étais plus la petite fille qui voulait jouer au foot"
A ses 15 ans, la mixité se révèle impossible. Règlement oblige. Son mètre soixante n'est pas suffisant pour continuer avec les garçons. Elle signe à Saint-Memmie, club de renom qui a accueilli les plus grandes (l'Ardennaise Elise Bussaglia, l'Auboise Gaëtane Thiney) et uniquement féminin. Jusqu'à ses 19 ans, elle joue en deuxième division féminine aux côtés de l'ex-internationale Marinette Pichon. "A l'époque on gagnait de temps en temps un billet de 200 francs si on gagnait un match, se souvient-elle. C'était un rythme de vie : le vendredi on partait pour un match à Marseille, le samedi on jouait et on rentrait le dimanche. Puis le lundi il fallait être de retour à la fac."
Ses études de droit à la faculté de Reims ne lui permettent plus ce rythme effréné. "J'ai décidé de faire un choix, tranche-t-elle. Je n'étais plus la petite fille qui avait envie de jouer au foot. J'avais envie de reprendre ma vie en main." Pour les études, et sa vie sociale aussi. Sa meilleure amie se déplace sur ses lieux de matchs afin de profiter de Kim, rarement disponible.
Kim Duntze profite de ses premières soirées à 19 ans et termine ses études de droit haut la main. En plus de son rôle d'élue, elle dirige son cabinet d'assurance. "Je ne suis pas dans la stigmatisation, affirme la courtière en assurance. Parfois j'oublie que je suis Asiatique. Je fais un métier où il y a plus d'hommes."