ENQUÊTE. Manque d’effectifs, clients mécontents, malfaçons : les raisons de la colère des salariés en grève de l'UCPA, le complexe aqualudique de Reims

Une dizaine de salariés de l’UCPA de Reims, essentiellement des maîtres-nageurs et des chargés d’accueil, sont en grève ce jeudi 25 mai pour dénoncer le manque d’effectifs au complexe aqualudique UCPA de Reims, l’impact sur leurs conditions de travail et sur le service rendu aux usagers.

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"Aujourd’hui, on est en grève parce qu’il faut que les choses changent. On ne peut pas nous demander de rester dans cette situation encore quatre, cinq ou six mois, on n’en peut plus, on est à bout". Cette salariée du complexe UCPA de Reims, en grève aujourd’hui, ne cache pas son amertume. Cela fait des mois qu’avec ses collègues, au bord du bassin mais aussi à l’accueil, elle subit le manque d’effectifs de l'établissement.

Devant l'UCPA Sport Station où est installée une banderole, les grévistes font les comptes : "Il y a normalement 21 postes de maîtres-nageurs en CDI à pourvoir à Reims. Aujourd’hui, seuls 13 postes sont occupés, mais sur ces 13 postes, deux personnes vont finir leurs contrats, deux sont en arrêt maladie et une est mise à pied. Nous ne sommes donc plus que huit pour les bassins, c'est insuffisant".

Conséquence : des plannings qui changent en permanence, ou qui ne sont donnés aux salariés qu’au dernier moment. "Souvent le délai légal de 7 jours en amont, n'est pas respecté", précise une gréviste. "À partir du moment où l'on est en poste, on est en stress, parce qu'on ne sait jamais ce que l'on va nous demander en dernière minute, explique Benjamin Ledemé, maître-nageur sur le site depuis son ouverture en 2020. Rien qu'à cause de ça, notre surveillance n'est pas ultra-efficace".

Pas de suivi pédagogique, et des cours annulés

Autre conséquence : des cours, aussi, ne sont pas assurés ou assurés en dernier recours par des maîtres-nageurs qui n'ont pas eu le temps de les préparer. C'est particulièrement problématique pour l'apprentissage de la nage. "Toutes les semaines, les éducateurs changent, raconte cet autre maître-nageur. On est dans l'impossibilité de faire un suivi pédagogique des enfants. On a énormément de parents mécontents qui reviennent nous voir. Globalement, nous n'avons pas le temps de préparer nos cours, c'est une perte de qualité pour les clients".

Sur le parvis devant le complexe aqualudique, un certain nombre d'usagers sont solidaires de ce mouvement. Nadine Guez, une abonnée, qui vient tous les jours à la piscine pour faire du sport, témoigne : "Quand on vient, on n'est pas sûrs d'avoir cours. Cela nous est déjà arrivé deux fois. On nous a proposé de la thalasso à la place, mais ce n'est pas pour cela que je viens, sinon, j'aurais pris un abonnement bien-être ! On a même parfois des coachs qui n'ont jamais donné un cours de leur vie !"

Et cette autre abonnée, de renchérir : "Je paie depuis deux ans un abonnement fitness. Dans le contrat, sont prévus des cours mais aussi l'accès à un plateau de fitness avec des machines. Cette salle n'existe tout simplement pas. On paie pour un service qui n'est pas complet".

Mais le manque d'effectifs oblige surtout la structure à fermer régulièrement des bassins faute de maître-nageurs pour les surveiller, et cela agace tout particulièrement les usagers. "Nous, on reste professionnels au maximum, explique Benjamin Ledemé. On est en première ligne face aux clients, mais si on ne nous donne pas les moyens de fonctionner, on ne peut rien faire".

Des usagers mécontents

Le mécontentement ressenti sur les bords du bassin se répercute jusqu’aux personnes en charge de l’accueil, qui doivent gérer et expliquer ces dysfonctionnements. "Ce n’est plus possible, on est dans une ambiance de travail qui est catastrophique, témoigne une chargée d'accueil. Les clients sont très mécontents face aux fermetures de bassin. Mais la plupart du temps, on ne peut même pas les prévenir, parce qu’on n’est pas au courant de ces fermetures. Les collègues maîtres-nageurs doivent gérer les choses dans l’urgence, personne ne nous tient informés".

Ce que cela laisse comme impression, c’est qu’on est pris pour des amateurs tout le temps.

Une chargée d’accueil de l'UCPA

Un bâtiment aux nombreuses malfaçons

Si le manque d'effectifs et les organisations qui en découlent sont au cœur des revendications des salariés en grève, le bâtiment en lui-même, achevé en 2020, ajoute encore à leur mal-être… Dès le début, l'édifice a connu des problèmes d'infiltration d'eau, tout près des systèmes d'éclairage. "On a longtemps craint la formation d'un arc électrique", se souvient une chargée d'accueil. Dans la salle de fitness, une énorme fissure inquiète cette usagère qui s'y rend plusieurs fois par semaine. "Ils ont mis des machines devant, mais elle est quand même particulièrement visible". 

Les grévistes, eux, parlent d'une salle de pause inutilisable depuis plus d'un an. "Cette pièce est en travaux parce que le plafond s'est effondré suite à des malfaçons et des infiltrations d'eau, poursuit Benjamin Ledemé. On nous a mis dans une salle annexe sans accès à l'eau courante, il est impossible de faire notre vaisselle personnelle. Tous ces détails, qui s'accumulent depuis le début deviennent véritablement pesants". 

Avec les beaux jours, on ouvre les fenêtres. Les pigeons, qui avaient l'habitude de nicher dans le toit de la bâtisse, avant qu'une solution ne soit trouvée, entrent au niveau des bassins. Il y a donc un gros problème d'insalubrité due aux excréments.

Benjamin Ledemé, maître-nageur

La direction de l'UCPA et le Grand Reims travaillent sur le sujet

Les salariés grévistes ont été reçus mardi 23 mai par la direction pour soulever ces problèmes et réfléchir à des solutions, et notamment comment rendre le métier de maître-nageur plus attractif. Ils sont, disent-ils, sortis sans réponses concrètes.

De son côté, la direction de l'UCPA assure dans un communiqué : "Quelques salariés du centre aquatique expriment actuellement une insatisfaction sur des éléments de leurs conditions de travail. L'équipe de direction est à leur écoute et disponible pour co-construire des solutions, et ces sujets vont être traités dans le cadre du dialogue social avec les instances syndicales et les organisations professionnelles". Elle précise aussi : "Cette action concerne une petite partie des collaborateurs du site et les équipes se sont organisées pour que l'accès du public et les activités soient maintenus ce jeudi 25 mai, dans la mesure du possible". 

De son côté, le Grand Reims, propriétaire du bâtiment et qui a mis en place cette délégation de service public avec l'UCPA, assure suivre l'évolution de ces dysfonctionnements de près. "Je rappelle que le complexe aqualudique fait l'objet d'une délégation de service public. Nous, ce que nous demandons à l'UCPA, c'est de faire fonctionner le bâtiment, qui a été conçu pour eux et avec eux, cela a été notre choix depuis le début, explique Catherine Vautrin, la présidente (DVD) du Grand Reims. Elle ajoute : "J'ai demandé à rencontrer les responsables nationaux de l'UCPA qui doivent venir me voir début juin, et le but de la manœuvre, c'est de repointer avec eux tous les dysfonctionnements".

Ce jeudi, malgré le personnel gréviste, le complexe aqualudique a pu rester ouvert aux usagers, cela devrait encore être le cas vendredi. Des intérimaires ont en effet été embauchés en renfort sur les bassins et à l'accueil en cette journée de grève. Un choix de la direction qui laisse un fort goût d'amertume aux salariés mobilisés. "Et à la fin, on bafoue notre droit de grève !", s'exclament-ils. 

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