À moins de trois mois du premier tour de l'élection présidentielle, les militants politiques ont du mal à intéresser les Français au scrutin à venir. Nous en avons rencontré quelques-uns ce samedi dans les rues de Reims.
Les mains chargées de tracts, Julien Gervasoli arpente les rues autour du marché du Boulingrin à Reims ce samedi 22 janvier. Ce jeune étudiant en alternance de 21 ans a débuté la campagne de terrain pour défendre les idées de Valérie Pécresse la semaine précédente. “On a des gens pour, des gens contre. C'est la règle du jeu”, confie-t-il. “Là, on tracte sur la sécurité donc on va expliquer la loi constitutionnelle que Valérie veut mettre en place.”
“Mettre de l’ordre dans la rue”, peut-on lire sur le document qu’il tend aux passants, sur lequel figure le portrait de la représentante du parti Les Républicains, stylisé en bleu-blanc-rouge, comme l’affiche de campagne de Barack Obama en 2008.
Membre de LR depuis cinq ans, il s’est engagé dès le congrès de la droite derrière Valérie Pécresse. “C'est une femme qui a un bon passé. Elle a été députée, ministre, présidente de région. Donc pour moi, elle est en capacité de battre Emmanuel Macron”, affirme-t-il.
Ce samedi matin, il est accompagné par trois autres militants, dont Guillaume Pinto, 25 ans. Lui a déjà participé à la campagne de François Fillon il y a cinq ans. Quand on l’interroge sur le sentiment d’une campagne au ralenti, alors que le premier tour arrive à grand pas, il acquiesce.
“C'est vrai que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup moins d'intérêt de la part des personnes qui sont déjà bien engagées dans leur vie. Les jeunes s'y intéressent, mais les tranches d'âge 40 ou ont un peu plus de mal.”
Certains reviennent vers nous parce qu'ils ont été déçus de Monsieur Macron, mais d'autres se sentent un peu déçus de la classe politique en général.
Guillaume Pinto, militant Les Républicains
Quelques mètres plus loin, nous rencontrons Christophe, qui distribue le tract de Marine Le Pen, pour le Rassemblement national. Il n’a pas souhaité nous donner son nom de famille, mais nous glisse avoir été candidat aux départementales. “Cela fait des années que je milite, que je tracte. Vous voyez, aujourd'hui, je suis tout seul. J'observe qu'il y a une absence politique réellement sur le terrain”, regrette-t-il.
Il dit croiser des gens “résignés”, qui “baissent les bras”. “Quel que soit le parti, il y a un ras-le-bol des Français concernant les partis politiques. Alors j'essaye de faire un peu de pédagogie en leur disant, qu'il y a les partis politiques, mais il y a aussi la politique, qui est quelque chose de noble”, indique-t-il.
“On va nous accuser de tous les maux. Mais je vous assure que mes préoccupations premières, c'est la jeunesse, c'est la déconstruction du système scolaire, la déconstruction de notre histoire commune. Et qu'on soit de gauche, qu'on soit de droite, il faut arrêter avec tout ça.”
"Rendre aux Français leur pays", promet le tract qu'il tient en main. “J'essaye d'amener une réflexion. C'est vrai que ce n'est pas évident, mais je ne baisse pas les bras. Ce n'est pas après 40 ans d'efforts que je vais baisser les bras”, promet Christian.
"Il y a un espoir d'avoir une gauche unie"
Quelques heures plus tard, deux militants de Christiane Taubira ont choisi la place d’Erlon pour tenter de convaincre les Rémois. Après une matinée passée sur le marché de Châlons-en-Champagne, Rémy Cruz a décidé de poursuivre sa journée militante pour appeler à la mobilisation derrière l'ancienne garde des Sceaux pour la primaire populaire.
“La division de la gauche n'est pas facile à comprendre pour beaucoup. Ils ont l'impression que Christiane Taubira apporte plus de confusion. Ça déroute beaucoup d'électeurs de gauche, reconnaît-il. Mais pour autant, en passant par la primaire populaire et en en disant qu'elle respectera la décision de la primaire populaire, elle pourrait être la candidate de l'union et reconnue par les électeurs.”
Des gens n'y croient plus, ils baissent les bras. Ils ont l'impression que l'élection est déjà faite, qu'on retrouvera le même binôme au second tour qu'il y a cinq ans.
Rémy Cruz, militant pour Christiane Taubira
“330 000 personnes sont inscrites actuellement pour voter, rappelle-t-il. Donc il y a un espoir d'avoir une gauche unie parce qu'actuellement, elle est complètement dispersée avec des égos surdimensionnés des autres candidats.”
“Les échos que nous avons sont plutôt chaleureux, avec de l'espérance mais sans trop y croire.” Il admet que le processus de la primaire populaire “arrive peut-être trop tardivement”. Le vote doit avoir lieu en ligne du 27 au 30 janvier. Aucun candidat majeur à gauche en dehors de Christiane Taubira n'a décidé de participer à ce scrutin.
Malgré tout, il veut y croire, lui qui n’avait pas prévu au départ de s’engager derrière un candidat pour 2022. “J'étais engagé au PS il y a plus de 25 ans et j'avais rangé mes armes. Mais quand Christiane Taubira a dit mi-décembre qu'elle envisageait de se présenter, ça m'a réveillé.”
“J'admire le personnage, son charisme, sa gouaille, son éloquence, son programme, ses idées, son combat, les acquis sociétaux qu'elle a pu mettre en place quand elle était au gouvernement. Donc ça m'a donné envie de m'engager dans la campagne électorale”, confie-t-il.
À l’angle de la rue de Vesle et de la rue de Talleyrand, le portrait de Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte Ouvrière, est affiché. Vincent, 18 ans, participe pour la première fois à une campagne électorale. “On est dans la période des soldes, donc les gens n'ont pas la tête à ça, ce n'est pas facile”, explique-t-il. “C'est beaucoup de refus, mais on s'y attend. Donc on se concentre sur les discussions qu'on peut avoir.”
"Contre toutes les divisions, les travailleurs doivent défendre leurs intérêts collectifs", est-il inscrit que le tract en noir-et-blanc qu'il distribue. Il nous raconte avoir été sensibilisé aux idées communistes et révolutionnaires de Lutte Ouvrière dans sa famille. “Ça m'a fait réfléchir à des sujets. Ça m'a fait avoir une oreille un peu curieuse sur les informations. Et puis derrière, c'est une réflexion personnelle. On se rend compte que la logique de profit est derrière à peu près tout finalement.”
Thomas Rose, militant Lutte Ouvrière depuis 1986 et porte-parole du parti en Champagne-Ardenne, est lui aussi dans la rue ce samedi. “Le but est vraiment mettre en avant les revendications qui sont nécessaires au monde du travail aujourd'hui”, expose-t-il. “Le pouvoir d'achat, l'augmentation des prix, oui c'est un problème aujourd'hui. On est pour l'augmentation de salaire de 200, 300, 500 euros. On est pour un SMIC à 2 000 euros."
Il y a un ras-le-bol partagé par une grande partie de la population par rapport aux conditions de vie qui se dégradent.
Thomas Rose, militant Lutte Ouvrière
Interrogé sur le rythme - peut-être ralenti - de la campagne, il regrette l’absence de Nathalie Arthaud dans les médias. “On ne voit notre candidate sur aucun plateau télé. Les idées les plus nauséabondes, les plus réactionnaires dominent dans les médias. Donc quand tous les médias ne s'occupent que d'un courant, de fait la campagne ne peut pas commencer. "
Il profite de notre échange pour rappeler le meeting de la candidate de Lutte Ouvrière le 4 mars à Reims. En attendant, il compte poursuivre les actions sur les marchés et dans les rues. “Vous savez, on est en campagne quasi-permanente pour défendre les idées communistes révolutionnaires.”