Réforme des retraites : les étudiants organisent la lutte, et se heurtent à des groupuscules d'extrême-droite

Présents dans les derniers cortèges organisés contre la réforme des retraites, les étudiants rémois s'organisent aux côtés des syndicats pour s'associer au plus grand nombre de blocages, tractages ou autres barrages filtrants. Ils auront aussi leurs propres mobilisations.

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Elle est mobilisée au rond-point de Cormontreuil lorsque nous la joignons. Ellana (prénom d"emprunt*) est étudiante à Sciences Po Reims et derrière elle, klaxons et discussions se font entendre. "Il y a plusieurs lieux de tractage ce matin sur la ville de Reims, explique celle qui est aussi syndicaliste à Alternative Etudiante. Nous avons commencé par apporter notre soutien aux salariés d'Enedis en grève. Ensuite nous avons rejoint ce rond-point, et nous irons sur d'autres. Nous sommes avec les gilets jaunes, les syndicats FO, FSU et CGT". Nous, ce sont les autres étudiants qui l'accompagnent. "Nous sommes moins nombreux qu'hier (vendredi 17 mars) au rond-point de la Garenne où une centaine d'élèves des campus de Reims étaient présents. Ce matin, il y avait des examens pour certains et de ça, nous ne sommes pas dispensés".

Il s'agit de profiter de cette dynamique pour structurer la jeunesse autour d'actions à mettre en place. Montrer que nous pouvons nous engager.

Ellana, étudiante à Sciences Po Reims

La réforme des retraites les concerne directement. "Elle est dans la même logique que le refus du repas à 1 euro pour l'ensemble des étudiants, explique encore Ellana. Le gouvernement refuse de financer les retraites à hauteur de 12 milliards d'euros, comme il refuse d'octroyer les 89 millions qui permettraient, à tous les étudiants (pas seulement les boursiers), de payer leurs repas, 1 euro. Au-delà de la réforme des retraites, c'est l'occasion de parler de la précarité étudiante dans laquelle nous sommes plongés, et dans ce système qui est au service du grand patronat. C'est montrer aux étudiants nos possibilités de nous mobiliser et de structurer notre mouvement. Cela fait longtemps que l'on fait des groupes, que l'on discute. Mais là, il s'agit de profiter de cette dynamique pour structurer la jeunesse autour d'actions à mettre en place. Montrer que nous pouvons nous engager."

Il y a donc les revendications officielles, liées à la réforme des retraites, et toute celles qui en découlent. "Cela commence par l'état de notre démocratie", reprend Ellana qui comme de nombreux français n'a pas digéré le 49-3 dégainer par le gouvernement pour faire passer cette réforme.

Le droit de se mobiliser jusqu'au 26 mars

Pour pouvoir se mobiliser, les étudiants rémois de Sciences Po ont commencé par bloquer, il y a quelques jours, leur école. De 5h45 du matin à la fin de journée, ils ont empêché l'accès aux cours. L'objectif : engager des discussions avec leur direction pour pouvoir participer, sans contrainte, aux différentes manifestations. "Ce n'était pas juste un rapport de force avec notre établissement, reprend Ellana, mais bien d'entamer des négociations pour que les étudiants, qui le souhaitent, puissent participer aux mouvements sociaux sans être sanctionnés. Dans notre école, une "défaillance", équivaut à deux cours manqués. Au bout de trois "défaillances", notre année n'est pas validée. Nos négociations avec la direction de Sciences Po nous permettent jusqu'au 26 mars de rater les cours sans conséquences".

Ils ont acquis ainsi leur liberté sociale pour quelques jours et comptent bien, eux aussi, se poser en organisateurs de manifestations. En attendant, ils tentent de structurer leur mouvement en associant les étudiants des autres campus rémois et les lycéens. Ces élèves, par contre, ne sont pas dans la même situation. Leurs absences seront prises en compte par leurs administrations et pourraient si elles durent mettre en péril leur année. Un choix qu'ils assument.

Cinq personnes cagoulées sont venues nous menacer. Ils ont tenter d'infiltrer notre groupe mais un étudiant s'est interposé. Il a été agressé et s'est retrouvé à l'hôpital. Puis, ils ont promis de revenir, plus nombreux pour régler leurs comptes. 

Ellana, étudiante de Sciences Po Reims

Une liberté entravée

Mercredi lors de leur action de blocage, les étudiants de Sciences Po imaginaient sans doute quelques tensions avec leur direction, voire avec d'autres étudiants de bords politiques différents. Ils s'étaient rapproché de gilets jaunes pour assurer une certaine protection à l'action. Mais, à 13h, lorsqu'ils ont vu arriver deux de leurs camarades de Science Po et un étudiant de l'URCA, entourés d'autres personnes cagoulées prêtes à en découdre, ce fut d'une violence rare. "Ces gens-là (en parlant des deux étudiants), je les connais depuis deux ans, explique encore Ellana. Je connais aussi nos divergences politiques. Mais que cela soit des étudiants avec qui nous partageons les amphis, les cours, qui appellent ces groupuscules…" L'étudiante ne termine pas sa phrase, encore sous le coup de ce qu'elle a vécu. "Cinq personnes cagoulées sont venues nous menacer. Ils ont tenter d'infiltrer notre groupe mais un étudiant s'est interposé. Il a été agressé et s'est retrouvé à l'hôpital. Puis, ils ont promis de revenir, plus nombreux pour régler leurs comptes". 

La direction de Sciences Po est alertée et la police prévenue. Les forces de l'ordre resteront Place Museux, devant l'école, jusqu'à la fin du blocage. "Nous n'avons pas voulu lâcher et leur donner raison, mais nous étions très tendus". Ces personnes cagoulées ont été reconnues par certains, comme appartenant à la mouvance Action française et à la Cocarde. "Des groupes nationalistes, royalistes d'extrême droite, voire nazis, expliquent une autre étudiante. Des saluts nazis ont été vus par certains de nos amis".

Nous demandons une exclusion définitive des deux élèves de Sciences Po ayant ramené avec eux des fascistes qui ont déchaîné leur violence sur les étudiants de SciencesPo.

Les élèves de Sciences Po Reims

Le blocage devait être levé à 20 h, mais les étudiants de Sciences Po sont renseignés. Dans les rues autour de l'école, leurs opposants sont bien là, plus nombreux. Ils décident donc de lever leur blocus plus tôt pour éviter tout affrontement. "Ils m'ont vu rentrer chez moi avec mes amis, reprend cette autre étudiante, et quelques minutes plus tard, un ami nous appelle pour nous dire qu'ils sont à notre porte en train d'essayer de rentrer dans l'immeuble. Nous recevons une photo assez angoissante. C'est là que certains ont été vus en train de faire le salut nazi". Les étudiants affirment que pendant toute la nuit, ces groupuscules extrémistes de droite ont été vu faisant des tours dans le quartier de l'école, menaçant de mort certains d'entre eux.

Pour certains, le traumatisme est là et "la direction de Sciences a mis en place une cellule psychologique. Elle a également proposé à certains étudiants traumatisés, de déplacer leurs obligations académiques, reprend Ellana. Il sera tenu compte de ce moment violent pour la suite de l'année. Nous avons appris que des faits similaires s'étaient aussi déroulés à Besançon et Montpellier. Ils veulent nous empêcher de nous mobiliser." 

Dénoncer et continuer

Le lendemain de ces altercations, les étudiants de Sciences Po se sont à nouveau réunis, devant leur école. Ils étaient, eux aussi, plus nombreux "entre 3 et 400" et ont voté pour la diffusion d'un communiqué de presse dénonçant ce qu'ils ont vécu. "Ces événements sont inqualifiables, innommables et nous répugnent tous, précise ce communiqué. Le fait d’exprimer son désaccord avec l’action de blocage est un droit, mais attaquer une manifestation pacifiste et continuer d’agresser les étudiants après sa fin est abject. Ces différentes agressions ont provoqué chez un grand nombre d’étudiants, un climat de peur, un sentiment d’insécurité. Ces personnes violentes ont eu accès à des informations personnelles concernant certains élèves, qui font craindre de nouvelles violences. Nous demandons une exclusion définitive des deux élèves de Sciences Po ayant ramené avec eux des fascistes qui ont déchaîné leur violence sur les étudiants de SciencesPo (…)".

Communiqué contre l'extrême droite by mercier matthieu on Scribd

Ils voulaient les museler. Une partie des étudiants de Sciences Po seront lundi 20 mars, mardi et mercredi dès 6 h 20 devant la Maison des Syndicats à Reims et se déploieront sur les points d'action. Ils seront aussi jeudi 23 mars dans la manifestation qui défilera contre la réforme des retraites.

*Les étudiants de Science Po menacés par les groupuscules extrémistes de droite préfèrent rester anonymes et préserver leur sécurité.

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