Depuis le mois de novembre, des collages féministes parsèment les rues à Reims. Malgré les risques, de plus en plus de filles participent à ces actions.
Pinceau à la main, déterminées, elles collent des feuilles pour dénoncer les violences faites aux femmes. À 21h15, ce mercredi 4 mars, place d'Erlon sous un froid hivernal, des membres du groupe "Collages féminicides Reims" s'étaient donné rendez-vous pour une action coup de poing. Une vingtaine de filles étaient présentes, l'objectif du soir : coller des affiches contre Polanski. La consécration du réalisateur lors de la cérémonie des César de vendredi dernier, ne passe pas. Une fille à la fois amusée et sur le qui-vive s'exclame : "On est de plus en plus. On va bientôt bouger, ça n'est pas discret cet attroupement". Et elles ont pu mener leur action jusqu'au bout. Ce groupe de colleuses n'a pas croisé la route de la police ce soir-là.
Une mécanique bien rodée
Le procédé est simple, les filles se divisent en groupes de 5 ou 6. Puis elles se séparent, certaines prennent la direction de Clairmarais, d'autres restent dans le centre-ville. La mécanique est bien rodée. Dans leurs sacs, des pochettes regroupent des feuilles avec des slogans. Une lettre noire par feuille y figure. Direction le lycée Saint Jean Baptiste de la Salle, pour l'un des groupes. Sous la pluie et le froid, les six filles avancent d'un pas assuré. Elles sont dans la même classe, c'est par le bouche à oreille qu'elles ont intégré le mouvement.J'avais toujours voulu faire quelque chose de militant pour exprimer ma colère, essayer de changer les choses,
- Manon, colleuse d'affiche
C'est encore trop normalisé ce genre d'actes, il faut montrer que ce n'est pas bien, ce n'est pas normal.
-Léa, colleuse d'affiche
Leur premier objectif : trouver un mur plat. "Sur du crépi ça ne tient pas", explique Manon une colleuse aguerrie. Elle a rejoint le mouvement en novembre et en est à son sixième collage. Après vérification, elles ont trouvé un emplacement qui leur convient, rue des Murs. Un endroit peu exposé afin de ne pas être repérées, mais assez visible pour que le slogan soit vu. Ce mouvement existe à Reims depuis le 3 novembre et compte de plus en plus de participantes. Elles communiquent via les réseaux sociaux.
"Je pense que l'on est entre 40 et 50 en tout", explique Manon. Le rythme des collages varie : "on essaie de coller une fois par semaine ou une fois toutes les trois semaines." Les filles sont déterminées à faire bouger les choses.
Un collage à la chaîne
Lors du collage, telle une mécanique à la chaîne chacune s'attelle à sa tâche. Une première applique la colle avec un gros pinceau, une seconde tient la pochette et une troisième applique les feuilles sur le mur. Elles alternent de temps en temps. Rien ne vient les perturber, lorsqu'un badaud les regarde du coin de la rue, elles se retournent et lui sourit. Quand une jeune fille, à peine plus vieille qu'elles, passe avec un portable à la main en train de les filmer, elles restent de marbre."Les collages durent entre 15 et 20 minutes", explique Manon. Elles tentent d'être le plus rapide possible pour ne pas se faire repérer par la police. Elles connaissent les risques, il y a quelques semaines, des colleuses se sont retrouvées en garde-à-vue.
Les filles ont collé des feuilles sur le bâtiment de Citura, quelqu'un a appelé la police. Elles ont été interpellées et placées en garde à vue pendant quatre heures. Après elles ont eu un rappel à la loi" - Manon, colleuse
Les colleuses affirment qu'il n'y a aucune dégradation de matériel. "Nous collons des feuilles avec de la colle à papier peint, ça n'abîme pas les murs", affirme Lara. "Il n'y a rien de mal et c'est pour faire passer un message. Je pense que l'on n'est pas en tort", se défend Eugénie. Elle admet toutefois ressentir de l'appréhension : "je suis un peu stressée, c'est la première fois que je participe." Ce groupe de colleuses n'a pas été embêtée par la police hier soir.
Dans les rues de la cité des Sacres plusieurs slogans féministes étaient donc visibles comme : "Polanski récompensé : on se lève et on se casse", "c'est le même corps qui viole et qui filme" ou encore "Polanski a violé, vous applaudissez".