Elle a été victime de violences sexuelles à Reims et Nancy de la part de son entraîneur dans les années 90 et elle a porté plainte. Cet homme a été condamné. La patineuse Anne-Line Rolland, originaire de Reims, a désormais un seul combat. Aider les victimes à parler.
On la retrouve à la sortie de la loge maquillage de France 3 Champagne-Ardenne, ce mardi 11 février. Anne-Line Rolland a le sourire. Elle sort de l'enregistrement de l'émission "Ensemble, c'est mieux" (dont le replay est en ligne). Et elle affiche une détermination : parler de ce qu'elle a vécu. Évoquer le traumatisme du viol. Pour que celles qui ont eu à vivre ce cauchemar dans le milieu sportif notamment, osent, à leur tour, dénoncer les prédateurs. Une sorte de libération pour elle.
Ce qui lui est arrivé ressemble au parcours de Sarah Abitbol, une autre patineuse dont le nom résonne ces jours-ci. Des faits qui ont été commis entre 1990 et 1995 à Nancy puis à Reims, où Pascal Delorme était son entraîneur. « Des attouchements en dessous des vêtements sur tout le corps, notamment au niveau du sexe » ainsi que « des pénétrations digitales ». Il a été condamné à 10 ans de prison en 2003. Six autres victimes ont suivi Anne-Line Rolland dans ce combat. En ce début 2020, cette dernière multiplie les apparitions médiatiques pour dénoncer une omerta.
Aujourd'hui, Didier Gailhaguet, n'est plus le président de la fédération française des sports de glace. Et Anne-Line reprend espoir. "Il y a 20 ans, si on avait mesuré la portée des drames vécus, si la Fédération avait fait quelque chose, mis en place des cellules d'écoute, on aurait pu éviter ces drames. Les victimes auraient pu se confier et ne pas garder le silence. Maintenant je suis soulagée que Sarah ait pris la parole, ait révélé ces actes. Il faut que la honte change de camp. C'est pour ça que je témoigne".
Dans cette vidéo (ci-dessous), Anne-Line Rolland réagit à la démission de Didier Gailhaguet, président de la Fédération française des sports de glace, et demande aux victimes d'oser briser le tabou.
Désormais salariée d'une crèche éveil et sport, l'ancienne patineuse rémoise incite les victimes à parler. Dans le sport et au-delà. "Ne pas avoir honte. Car le tabou et la honte sont encore vivaces. A l'époque, quand j'ai dénoncé ce qui m'est arrivé, les gens avaient peur, mais aujourd'hui, il faut stopper tout ça, la parole se libère. Que les prédateurs soient jugés pour leurs actes. Moi j'ai parlé il y a 20 ans. Pascal Delorme, mon entraîneur, n'était pas reconnu pour ce qu'il est. Maintenant, quand on tape son nom sur Internet, on sait que c'est un pédophile et c'est bien que ça se sache".
J'ai enfoui ça pendant quatre ans et je ne voulais pas en parler. Puis je me suis dit : je suis en train de sombrer, de gâcher ma vie, je voulais mourir. Et j'ai pris conscience que je n'y étais pour rien. Je voulais juste patiner.
-Anne-Line Rolland, ancienne patineuse, victime de violences sexuelles.
"Il a brisé ma vie, mes rêves, mais je savais que mes parents et ma famille me croiraient, me soutiendraient. J'ai eu cette chance d'être entourée. J'ai porté plainte. Mais les démarches sont lourdes. Pousser la porte de la gendarmerie et attendre ensuite le procès, c'est long. Il faudrait un accompagnement pour ceux qui sont seuls".
La démission de Didier Gailhaguet ce n'est pas suffisant, estime la jeune femme. "Il y a les dirigeants, les sportifs, chacun avait des doutes. Il y a eu des alertes. Certains ont essayer de parler. Ils se sont fait balader. Monsieur Gailhaguet parle de complot, moi je parle de ceux qui ont souffert, des femmes, des enfants. Oui, il n'est pas coupable, mais il est responsable de sa Fédération. Il aurait pu se porter partie civile pour mon procès, cela aurait fait un exemple. Or non, il ne l'a pas fait, c'est passé sous silence. C'est pour ça qu'il faut revoir le système, arrêter de faire confiance à tout le monde. Vous vous rendez compte ? On en est à dix entraîneurs mêlés à ce genre d'agissements...Il faut mettre en place des cellules d'écoute identifiées. Prendre ses responsabilités. Et plein d'autres choses encore à développer".
Anne-Line termine sa phrase dans un soupir. On le traduit par le long travail qui reste à accomplir, pour assainir une situation qui a duré trop longtemps.