Les championnats de France junior de patinage artistique sont organisés jusqu'à dimanche à Charleville-Mézières. C'est la première compétition d'envergure depuis les rélévations d'agressions sexuelles dans le monde du patinage. Un contexte lourd.
Quand le club de Charleville-Mézières a été choisi pour l'organisation des championnats de France junior de patinage artistique et de danse sur glace, la polémique qui secoue la fédération française des sports de glace n'était pas encore sous les feux médiatiques. "On était juste fier," raconte un bénévole contacté par téléphone. "C'était une reconnaissance pour notre club et l'occasion de montrer notre savoir-faire," ajoute-t-il alors qu'il sera pendant 3 jours à la patinoire pour aider les futurs champions. "On est toujours heureux et fier d'accueillir la compétition, bien entendu. Mais il est vrai que tout le monde parle de la polémique."
Le contexte a bien changé. L’ancienne patineuse artistique Sarah Abitbol n'avait pas encore publié son autobiographie « Un si long silence » chez Plon. La médaillée de bronze aux championnats du monde accuse de viol son ancien entraîneur, Gilles Beyer. Aujourd’hui âgée de 44 ans, elle avait 15 ans au moment des faits.
Et depuis les langues se délient. D'autres patineuses brisent le silence et d'autres affaires refont surface. C'est pourquoi Roxana Maracineanu a convoqué Didier Gailhaguet, le président de la Fédération Française des Sports de Glace. Mais la ministre des sports n'a pas été convaincue. Une vraie guerre entre le sulfureux président de la FFSG et le ministère est engagée depuis.
"A Charleville, on ne peut pas faire comme si de rien n'était"
Dans le petit monde du patinage, la polémique alimente les conversations. "C'est un sujet sérieux, même grave," réagit Guillemette Ancelet, l'entraîneur du club de Charleville-Mézières. "C'est très bien que les victimes parlent et qu'elles se libèrent enfin." A vrai dire, personne n'est surpris. "Il y avait des bruits," ajoute Guillemette, "mais on n'avait pas de preuves."On se prend un grand coup derrière la tête, c'est une image négative pour notre sport. C'est d'autant plus dur que je connais certaines victimes. On se demande ce que notre sport va devenir.
- Guillemette Ancelet, coach du club de Charleville-Mézières
Des règles très strictes
La prévention, c'est l'affaire de tout le monde au club de Charleville-Mézières. Des deux entraîneurs, deux femmes très appréciés des élèves et des parents, en passant par la présidente et de tous les bénévoles. "Nous avons des règles très strictes," explique Guillemette Ancelet. "Les parents ne doivent pas aller dans les vestiaires même si cela ne fait pas plaisir à certains. Nous y rentrons même très peu nous-mêmes et on attend que tout le monde soit prêt. En compétition, aucun élève ne vient dans les chambres des coaches à l'hôtel, ni même dans les voitures. Je crois que cela rassure les parents et finalement tout cela est bien normal."
Comme Delphine, maman d'une patineuse : "Aucun problème à Charleville," tient elle à préciser, "on a confiance envers les deux entraîneurs qui sont très respectueuses. Mais c'est bien triste pour le sport." Et de conclure : "comment cela va-t-il se passer ce week-end aux championnats de France ?"
Alban Préaubert, la figure du club
Alban Préaubert devrait venir une journée pendant ces championnats de France de patinage, sans doute samedi. Ces derniers jours, l'ex-patineur, originaire de Charleville-Mézières, a pris ses responsabilités. Quatre membres du bureau exécutif de la Fédération française des sports de glace ont démissionné mardi soir. Alban Préaubert, président de la commission sportive nationale de patinage artistique, explique avoir présenté sa démission "au cours du bureau exécutif extraordinaire". Une prise de position du patineur cinq fois médaillé de bronze aux championnats de France qui a trouvé un écho favorable au sein du club de Charleville-Mézières. "Une prise de position courageuse, humaine et bienvenue," réagit Guillemette Ancelet. Elle a d'ailleurs salué la décision d'Alban Préaubert sur sa page Facebook. "Tu portes une fois de plus très haut tes valeurs et les couleurs de notre club ! Bravo pour ton courage !"Didier Gailhaguet peut se défendre librement, mais vu la situation, je faisais partie de ceux qui pensaient qu'il était nécessaire qu'il démissionne.
- Alban Préaubert
Guillemette Ancelet espère que Didier Gailhaguet va démissionner. "Mais certains craignent qu'il vienne à Charleville-Mézières pendant la compétition," me glisse anonymement le bénévole avec lequel nous avons pu parler au téléphone. Médiatiquement, cela donnerait un coup de projecteur sur Charleville-Mézières, pas forcément celui espéré ...
Les championnats de France junior de patinage artistique et de danse sur glace se déroulent vendredi, samedi et dimanche. "Bonne chance à tous et une petite mention spéciale à notre patineur du CMSG Angel Debources qui a été sélectionné", écrit le club de Charleville-Mézières sur les réseaux sociaux.