TEMOIGNAGES. "On nous empêche de parler": à Reims, 170 personnes mobilisées contre les violences sexistes et sexuelles

A Reims, environ 170 personnes étaient réunies à l'occasion de la manifestation nationale contre les violences sexistes et sexuelles, samedi 20 novembre 2021. Nous avons donné la parole à trois militantes, pour évoquer leur parcours et leur combat.

Elles se tiennent droites, côte à côte face à la foule et unies dans leur combat contre les violences sexistes et sexuelles. A Reims, ce samedi après-midi, Laura, Lisa et Gaëlle s'adressent aux 170 manifestants du square Colbert, réunis pour une mobilisation à l'initiative du collectif Nous Toutes 51. Trois parcours distincts, trois profils, mais une seule et même colère.


Laura, 29 ans : "On nous empêche de parler"

Laura est présidente du collectif Nous Toutes 51, à l'initiative de cette mobilisation. Son engagement féministe s'est réveillé il y a trois ans, après une violente agression : "C'est le traitement imposé par les policiers de Toulouse, lorsque je suis allée porter plainte, qui m'a convaincue. J'ai donné le nom de la personne qui m'avait agressée, elle a été auditionnée, mais la plainte a été classée sans suite, faute de preuve, alors que j'avais des ecchymoses sur le corps et des traces de strangulation".

Frustration, colère, sentiment d'injustice : cet épisode marque un tournant dans la vie de Laura. Selon elle, la police et la justice ne sont pas à la hauteur.

Si cela ne leur suffisait pas comme preuve, je n'imagine même pas ce que doivent endurer les personnes qui ont des marques invisibles, notamment psychologiques.

Laura, présidente du collectif Nous Toutes 51

L'engagement de Laura mûrit et s'exprime sur les réseaux sociaux, jusqu'au 8 mars 2020. Ce jour-là, elle manifeste aux côtés de Nous Toutes 54 à Nancy. Une révélation. A son retour sur ses terres natales rémoises, Laura décide de créer l'antenne marnaise du collectif. Dans son viseur : les institutions, qu'elle dit incapables d'écouter la parole des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles : "Ce n'est pas difficile d'en parler en soi, mais on nous empêche d'en parler".

Aux côtés d'une cinquantaine de militants actifs, Laura s'engage contre les violences faites aux femmes, comme le viol, le revenge porn (diffusion d'images pornographiques sans le consentement de la personne, dans le but de lui nuir), ou encore le harcèlement de rue, qui est "quotidien. C'est le bas de la pyramide des violences faites aux femmes".

Avec son collectif, Laura a trouvé une tribune, mais aussi des amis. "Je peux voir que je ne suis pas seule. Toutes les femmes ici ont subi une forme de violence. Il n'y a pas de jugement, mais il y a au contraire beaucoup d'amour et d'amitié".
 

Lisa, 20 ans : "Nous manquons de visibilité"

L'engagement de Lisa, lui, a grandi avec elle. Elle devient militante dès son adolescence, après sa première Marche des Fiertés en 2015. Elle n'a alors que 14 ans. "Je me suis rendue compte à ce moment-là que la communauté LGBTQIA+ n'avait pas assez de visibilité".

Pour Lisa, les violences faites aux femmes concernent aussi les homosexuelles. SOS Homophobie a recensé 215 agressions lesbophobes en 2020, principalement dans un cadre familial, sur internet ou dans les lieux publics. Du rejet, des insultes, jusqu'aux agressions physiques et sexuelles dans 17% des cas.

C'est souvent un manque d'éducation. L'homosexualité est mal perçue, parce que les gens ne sont pas forcément au courant. La crainte vient du fait que ces gens sont mal instruits.

Lisa, fondatrice du collectif "Le Coin des LGBT"

Pour aider la communauté LGBTQIA+, Lisa décide de créer le 30 juillet dernier le collectif "le Coin des LGBT" à Reims : "Il existe pour aider les gens, les mettre en relation avec des personnes qui savent de quoi elles parlent et à terme les entourer de la bonne façon."

 

Gaëlle, 62 ans : "Je déconseille aux femmes trans de s'habiller sexy"

"Les femmes transgenres sont perçues comme des obscénités". C'est par ces mots crus que Gaëlle, présidente de l'association Transmission, explique quant à elle les violences endurées par celles qui se sont écartées du genre attribué à leur naissance.

Gaëlle, elle, a fait sa transition sur le tard, du genre masculin au féminin. Les premières années ont été difficiles : "en 2013, j'ai été agressée dans un bar parisien, on a refusé de me servir et on m'a demandé de partir. J'ai refusé. Le patron et le barman m'ont sortie de l'établissement de force".

Au printemps, le meurtre de Paula, femme transgenre, assassinée dans son appartement, avait ému les associations, partagées entre le recueillement et la colère.

Selon SOS Homophobie, ces agressions concernent surtout les jeunes : deux cas de transphobie sur cinq ont été rapportés par des personnes de moins de 25 ans en 2020. Il s'agit principalement de rejet, surtout dans le milieu familial.

Les femmes transgenres seraient aussi particulièrement visées, selon Gaëlle, car "nous sommes dans une société sexiste" : faire la transition du genre féminin au masculin serait mieux accepté que l'inverse.

Je déconseille aux femmes transgenres de s'habiller sexy dans l'espace public. Cela va attirer le regard des hommes et c'est vraiment une difficulté.

Gaëlle, présidente de l'association Transmission

Ne pas s'habiller trop sexy, ne pas se promener seule et se fondre dans l'ombre : pour Gaëlle, ces problématiques sont celles de toutes les femmes, peu importe leur identité sexuelle ou de genre. Dans un sourire, partagé entre l'ironie et la lassitude, elle conclut : "qu'est-ce qu'on peut se manger tous les jours, nous autres les femmes !".

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