À Reims, une start-up conçoit des fusées miniatures qui pourraient révolutionner vos vies

Venture Orbital Systems, une jeune entreprise spécialisée dans la conception de fusées pour satellites miniatures, s'est installée à Reims en septembre 2020. Apparu en France dans les années 2010, ce secteur d'activité influence déjà notre quotidien et promet de générer des centaines d'emplois.

« L’espace made in Reims. » Le slogan affiche d’emblée les ambitions. Stanislas Maximin, l’un des cofondateurs de Venture Orbite Systems (VOS), mène la conférence de presse ce jeudi 10 juin dans les locaux de l’entreprise, installée à Reims depuis septembre 2020. Son but : exposer ses projets, et présenter son secteur d’activité à des journalistes quelque peu désemparés. Il faut dire que le sujet s’avère complexe. "Lanceurs spatiaux", "oxygène liquide", "orbite basse". Le vocabulaire se révèle ardu. Le discours reste malgré tout limpide. Rodé. Probablement répété des centaines de fois face à des investisseurs. La miniaturisation touche tous les domaines, y compris celui des satellites. Or, des satellites plus petits (parfois de la taille d’une boîte à chaussures) nécessitent des fusées... plus petites. C’est ici qu’intervient VOS : la start-up développe des "nano-lanceurs" (ou "nano-fusées") pour des "nanosatellites". Quelle est l’utilité de ce nouveau marché ? Génère-t-il des emplois ? Comment VOS compte-elle se distinguer ? Pourquoi choisir Reims ? France 3 Champagne-Ardenne fait le point sur ce marché prometteur.

1 - À quoi servent les nanosatellites ?

Des pérégrinations spatiales de Thomas Pesquet aux explorations chinoises et américaines sur Mars, l'activité aérospatiale fait régulièrement la une de l'actualité. Depuis une vingtaine d'années, le secteur connaît pourtant une révolution méconnue du grand public : celle des nanosatellites. Ces engins spatiaux miniatures, pesant en moyenne trois à quatre kilos, bouleversent déjà notre quotidien sans que nous le sachions. Les données qu'ils collectent en orbite permettent aux entreprises qui les développent de vendre des informations à des secteurs extrêmement variés. "Les nanosatellites ont par exemple joué un rôle important dans les feux qui ont récemment ravagé l'Australie et la Californie, explique Stanislas Maximin. Ils ont fourni en direct des indications très précieuses aux forces d'intervention et ont évité des désastres. Ils permettent aussi de détecter avec précision les émissions de CO2, et de repérer ainsi les entreprises qui en émettent illégalement." Ces nanosatellites récoltent des données auxquelles les agences spatiales institutionnelles ne s'intéressent pas. Ce créneau ouvre un marché et des perspectives "presque infinies" : "Certains vendent des services aux agriculteurs, poursuit le cofondateur de VOS. Ils mesurent le taux d'humidité des sols, détectent des phénomènes météorologiques avec une grande précision. Grâce à cela, leurs clients adaptent leur travail."

2 - Comment la start-up rémoise compte-t-elle émerger ?

Cette filière naissante, apparue en France dans les années 2010, rencontre aujourd'hui un problème : elle ne dispose d'aucune infrastructure dédiée. "Aujourd'hui, pour voyager, un nanosatellite, il est comme un passager d'avion sans guichet, sans ticket, sans aéroport et sans avion, résume Stanislas Maximin. Il n'a pas de petite fusée créée spécialement pour lui. Il est obligé d'embarquer à la dernière minute sur des lanceurs surdimensionnés, conçus pour transporter à 36.000 kilomètres d’altitude des satellites de la taille d’une voiture." C'est précisément ce contexte inconfortable que VOS souhaite changer pour prospérer : "Nos clients, eux, veulent envoyer des satellites de 3 ou 4 kilos à 500 kilomètres d’altitude. C'est ce que nous leur proposons."

L'entreprise rémoise élabore des lanceurs miniatures totalement pensés pour les nanosatellites. "Zephyr" constitue son projet phare. Cette fusée est la première conçue en France depuis 1975. Son principal avantage repose dans son moteur : ne mesurant que 40 centimètres, il s'avère extrêmement léger et peut être fabriqué en moins d'une semaine (ce genre de composants nécessite en moyenne plusieurs mois de production) grâce à une imprimante métallique 3D. "Cela va nous permettre d'être très réactifs et de proposer des délais sur mesure à nos clients, assure Ilan Saili-Bekerman, autre cofondateur de la start-up. Notre fusée mesurera seulement 15 mètres, et pourra transporter environ 70 kilos de nanosatellites." L'entreprise compte accompagner cette prestation de services d'assurances. Bref, tout un éco-système, incluant différents métiers, est en train d'émerger.

3 - Pourquoi s'installer à Reims ?

Créée à Paris, VOS a décidé d'installer ses locaux à Reims à l'automne dernier. Lors de son emménagement dans le Grand Est, l'entreprise employait neuf personnes. Elle peut aujourd'hui se vanter d'en compter vingt-sept. "Des techniciens, mais surtout des ingénieurs, à 90%", précise Florian Randriamahaleo, responsable de la communication. Toute la journée, l'équipe s'efforce d'élaborer les meilleurs composants pour le fonctionnement du précieux moteur de leur précieuse fusée. Les lignes de calculs s'accumulent sur les écrans d'ordinateurs et s'entassent sur les tableaux transparents typiques des start-ups. "Si nos objectifs sont remplis, nous envisageaons d'embaucher 140 personnes d'ici quatre ans", annoncent les patrons. Par "objectifs", VOS entend le lancement d'une vingtaine de fusées en 2026, et la construction d'une usine à Reims en 2022.

Si l'idée de concevoir des fusées au milieu des vignes de Champagne peut paraître incongrue, ce choix s'est imposé comme une évidence. "Quand nous avons voulu partir de Paris, les conditions d'accueil proposées par Reims et la région Grand Est nous correspondaient parfaitement", raconte Stanislas Maximin. L'agence "Invest in Reims" a par exemple mobilisé des dizaines d'industriels et financiers locaux pour établir des partenariats. Après avoir récolté 750.000 euros fin 2020 auprès d'investisseurs, l'entreprise a bénéficié en mai dernier d'une subvention de 100.000 euros de la part de la Région. Elle aspire à lever cinq millions d'euros avant la fin de l'année, et 80 millions d'ici trois ans. Rien que ça. "On a trouvé un environnement à la hauteur de nos attentes, s'enthousiasme Stanislas Maximin. C'est aussi lié au passé de Reims, qui a été un berceau français de l'aérospatiale." Ce "passé" avec lequel compte renouer VOS, c'est notamment celui de "Véronique", la première fusée non militaire française, dont les premiers lancements ont été effectués à Suippes, dans la Marne, en 1950. Plus de 70 ans plus tard, les patrons clament leur ambition : refaire de Reims "l’une des plus grandes régions du spatial en France et en Europe".

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