Retrait des troupes françaises d'Afghanistan : le témoignage d'un officier de Mourmelon-Le-Grand

L'Agence France Presse a recueilli le témoignage d'un capitaine du 501ème régiment de chars de combat. Une cinquantaine de soldats basés dans la Marne seront de retour en Champagne-Ardenne début décembre.

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Le camp est absolument désert, ses allées désertes balayées par un vent tiède rappellent un décor de western: l'armée française a mardi quitté la base de Nijrab, la dernière qu'elle tenait en Kapisa, une étape cruciale de son retrait accéléré d'Afghanistan. "J'ai un gros pincement au coeur", confie quelques minutes avant le départ le capitaine Marc, un conseiller militaire ayant passé six mois sur place en immersion aux côtés des Afghans. Derrière lui, un mur épais sépare le convoi de véhicules blindés prêts à s'ébrouer pour quitter la bientôt ex-base militaire française. Les indices d'une présence récente fourmillent. Mais aucun bruit ne parvient à 'oreille du visiteur, si ce n'est le braiment lointain d'un âne. Des dizaines de tentes vert kaki, soigneusement alignées, semblent être à l'abandon. Les climatiseurs, câbles électriques ou antennes paraboliques, paraissent incongrus dans cet univers délaissé. Au bout d'une allée, l'ancienne salle de gym attend ses prochains culturistes, qui seront cette fois afghans. Ses appareils crient leur solitude. Les affiches "Pas de chaussures sur les tapis de sol" en deviennent presque comiques. Plus loin, le bar "La Gentiane" est complètement nu, hormis une affiche à l'effigie d'une marque de bière. Des centaines de chaises sont posées sur les tables de l'ancienne salle à manger. Des baraquements en dur, récurés par les militaires français, sont prêts à accueillir dans les jours à venir leurs désormais ex-frères d'armes afghans. Certains ont même laissés des corn-flakes, des caramels ou une boîte de sucettes en guise de cadeaux de bienvenue pour les futurs occupants. Lundi soir, les derniers tricolores de Nijrab, entre 200 et 400 hommes selon les sources, ont pris leur dernier repas, une "choucroute géante", raconte le capitaine Marc.


L'euphorie du départ, et le cafard

Depuis trois jours, l'atmosphère virait à l'"euphorie", observe-t-il. Le cafard était également de mise. "Même si l'insurrection en Kapisa est contenue et diminue, elle est toujours présente. On laisse nos camarades afghans poursuivre le combat sans nous, bien qu'ils aient un super kandak (bataillon), ce qui est reconnu unanimement", remarque cet officier du 501e régiment de chars de combat de Mourmelon. Le capitaine Marc (l'armée française interdit de publier les noms de ses soldats en Afghanistan, ndlr) n'en est pas à sa première expérience afghane. En 2003, il avait connu l'après-talibans. "Je me rends compte qu'en dix ans, ils ont effectué un extraordinaire bond en avant." "En 2003, l'Alliance du Nord occupait le terrain. Même s'ils avaient des noms pompeux et parlaient de 8e division à gauche, de 3e à droite, c'était un ensemble de chefs de guerre charismatiques plutôt qu'une armée moderne", se souvient-il. Après quatre années de formation par l'armée française, son homologue afghane est "autonome au niveau opérationnel", salue-t-il. Moins optimiste, les réflexions de l'officier français sur l'accueil des troupes tricolores. "Il y a neuf ans, on mangeait régulièrement avec les officiels, qui nous disaient : "les Français, on vous aime. Vous serez les derniers à qui on coupera les c...s". On nous parlait constamment des "French doctors" actifs sous le régime soviétique. On n'était pas visés (par les insurgés), contrairement aux autres armées", se rappelle-t-il.


88 soldats français tués en Afghanistan

Une décennie d'engagement international et 88 morts Français ont changé la donne. Les regards de certains passants afghans sont désormais teintés de colère. Marc, candidat à une prolongation de sa mission sur place, préfère toutefois retenir le côté "tellement attachant" de ses frères d'armes afghans, avec qui il a mené une dizaine de combats ces six derniers mois. Ces quelques considérations échangées avec l'AFP, le convoi se met en branle. Trois heures suffisent aux 55 véhicules kakis pour rejoindre Kaboul. Aucun incident n'a été déploré. Le retrait français de Kapisa, minutieusement préparé, est achevé. Dans dix jours, Marc retrouvera les siens dans le nord de la France.
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