Un an après la mini tornade qui a parcouru la commune de Suippes, dans la Marne, la caserne des pompiers n’a toujours pas été remise en état. Seules des bâches protègent la toiture éventrée. L’accueil, les bureaux et les pièces de vie sont condamnés car trop endommagés.
Kevin Morandel et son collègue observent avec dépit la toiture de la caserne. « Nous avons posé des bâches au lendemain de la tornade et vous voyez que rien n’a bougé » constatent ces deux pompiers volontaires. Kevin, plus que d’autres, est affecté par cette situation. Cet agent municipal, disponible pour la caserne de Suippes plusieurs jours par semaine, se trouvait sur place il y a un an.
"J’ai vu le plafond se soulever et retomber, j’ai eu la sensation d’être aspiré."
« Nous étions devant la caserne et mon capitaine m’a crié : « Rentre vite à l’intérieur ! On doit se mettre à l’abri ! » Il avait entendu des bruits que je n’avais pas entendu. J’ai couru sans réfléchir. Je me suis caché sous la table. J’ai vu le plafond se soulever et retomber, j’ai eu la sensation d’être aspiré. C’était irréel. Ensuite, tout s’est calmé, il y avait des débris tout autour de moi et j’entendais des cris de panique à l’extérieur »
L'accueil, les bureaux et les vestiaires condamnés
Ses souvenirs restent flous. « J’ai des trous noirs » nous avoue Kevin. « J’ai parlé avec le psychologue mais c’est un traumatisme que mon cerveau veut oublier ». Difficile toutefois de réellement oublier alors que les stigmates de cette tornade lui rappellent chaque jour cet épisode. L’accueil, les bureaux et les vestiaires sont condamnés. Les tuiles se sont envolées, emportant avec elles le faux plafond. La structure a aussi été fragilisée. Il pleut ce jeudi, l’eau recouvre le sol. Malgré les bâches, les fuites sont inévitables.
"Nos uniformes sont toujours humides"
Tous les espaces de vie ont donc été recréés dans l’ancienne salle de formation. Sur le sol en béton ont été installés des bureaux et des vestiaires. Seul un rideau de douche, calé entre deux casiers, permet d’offrir un peu d’intimité aux pompiers lorsqu'ils enfilent leur tenue. « Nos uniformes sont toujours humides » remarque Kevin Morandel. « Nous avons hâte de retrouver un peu de confort ». « Cela fait un an que nous avons l’impression d’être sur un théâtre de mission affirme le capitaine Sylvère Torrents, chef du centre de Suippes. Imaginez-vous avoir vos bureaux dans ces conditions ».
Dans la remise où sont garés les véhicules, on observe également quelques flaques d’eau par endroit même si la majeure partie de cet espace est à l’abri. Sous l’espace où le plafond a disparu, plus aucun véhicule ne peut stationner pour des raisons de sécurité. Mais le froid et l’humidité demandent une attention particulière. « Nous avons dû installer de la laine de verre sur les tuyaux car la température descendait en dessous de zéro dans la remise l'hiver dernier » nous explique Kevin Morandel.
"s’il y a de la neige, les bâches ne vont pas tenir"
« L’hiver c’est forcément plus compliqué nous explique Sylvère Torrents. C’est sûr que s’il y a de la neige, les bâches ne vont pas tenir, mais tant pis, on prendra des mesures au fur et à mesure et on s’en sortira, comme d’habitude ». Car malgré les conditions, les 57 sapeurs-pompiers volontaires de Suippes ainsi que ceux des unités voisines n’ont jamais cessé le travail. Ils réalisent toujours entre 1 et 5 interventions par jour (600 sorties de véhicules par an). « Pour nous, c’est une évidence, nous dit Kevin Morandel, quand le bip sonne, nous répondrons toujours présent ».
Un sentiment d'abandon
Pourtant, la lassitude se fait sentir. « Je sais que je pourrai toujours compter sur mes hommes explique Sylvère Torrents, mais certains font maintenant juste leur garde sans s’attarder et ne passent plus comme avant. Il y a une vraie fatigue, particulièrement depuis le début de l’automne ». « Nous nous sentons un peu abandonnés nous avoue Kevin Morandel. Nous voyons les maisons, les autres bâtiments être réparés, et nous, toujours rien. ». Le capitaine Sylvère Torrents reconnaît qu’il est parfois compliqué de rassurer ses équipes. « Nous sommes les victimes de la lenteur administrative française qui est destructrice au niveau de la motivation ».
« L’objectif est que ce soit le dernier hiver que les sapeurs-pompiers de Suippes passent dans ces conditions »
La date des travaux n’a en effet pas encore été fixée. Pourtant, le commandant Thomas Humbert, chef du groupement technique et logistique du SDIS (service départemental d’incendie et de secours) de la Marne, a bon espoir de pouvoir les débuter en 2024. « L’objectif est que ce soit le dernier hiver que les sapeurs-pompiers de Suippes passent dans ces conditions ». Depuis la semaine dernière, les réunions ont débuté entre le SDIS et les services de la préfecture, de la communauté de commune et la mairie de Suippes. « Le retour des expertises des assurances a pris beaucoup de temps étant donné l’ampleur des travaux à venir, mais nous les avons tous aujourd’hui, il ne nous reste plus qu’à établir un plan de financement ».
Le montant des travaux n’a pas encore évalué précisément mais il pourrait s’élever à un million d’euros selon les premières estimations.