Un sanglier poignardé par un enfant : les images d'une chasse font polémique, une enquête ouverte

Un jeune enfant poussé par son père à achever avec une arme blanche un sanglier à la fin d'une chasse. Voilà ce que l'on peut voir sur une vidéo filmée par un chasseur de la Marne et relayée par le naturaliste Pierre Rigaux. Ce dernier a décidé de porter plainte pour actes de cruauté. Le parquet a ouvert une enquête.

Ce sont des images qui choquent bon nombre d'internautes depuis le début de semaine. L'écologue et naturaliste Pierre Rigaux a publié sur ses réseaux sociaux le 5 et le 6 décembre 2022 la vidéo d'une chasse au sanglier où un enfant est appelé à tuer un sanglier, immobilisé par des chiens, avec une arme blanche.

Alors que la bête hurle, le père de l'enfant lui demande de planter son couteau dans le corps de l'animal. "N'aie pas peur, dépêche-toi vite [...] Pique-le au cœur", peut-on entendre dans la vidéo. 

"L'enfant a l'air d'avoir une dizaine ou une douzaine d'années", décrit Pierre Rigaux. "Il va tant bien que mal enfoncer le couteau plusieurs fois dans le corps du sanglier, au milieu des chiens, en trébuchant d'ailleurs, avec le sanglier qui hurle. La vidéo s'arrête quand le sanglier n'est pas encore mort et l'enfant tient toujours le couteau. On ne sait pas ce qui arrive après, mais on voit déjà une partie de l'agonie qui est très longue."

Attention, les images ci-dessous peuvent choquer

La vidéo initiale a été publiée fin novembre par un chasseur domicilié dans la Marne. Elle était jusqu'à peu accessible de manière publique sur son profil Facebook. Pierre Rigaux, militant de la cause animale, en a pris connaissance grâce à un signalement qui lui a été transmis. Il n'en diffuse que des extraits, qu'il a pris soin de flouter pour ne pas dévoiler l'identité de l'enfant.

Une plainte pour acte de cruauté

Pour lui, cette scène est choquante par sa violence intrinsèque, mais il s'indigne surtout qu'un jeune enfant soit amené à y participer. "Ce qui est encore plus choquant, c'est que l'enfant est très jeune, qu'il n'a pas très envie d'y aller et qu'il y a un risque physique pour lui. Il se retrouve là au milieu des chiens, il peut tomber à tout moment. C'est dangereux tout simplement de donner un couteau à un enfant, de lui dire de s'approcher au milieu des chiens dans les ronces, contre un sanglier qui lutte évidemment pour sa survie."

Il a décidé de porter plainte auprès du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, au nom de l'association Nos Viventia (Nous les vivants), qu'il a fondé et qu'il préside. Il s'agit d'une plainte pour actes de cruauté sur un animal.

"On est dans une frontière un peu floue entre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. La chasse est autorisée à partir de 15 ans, accompagnée avec un chasseur adulte", rappelle-t-il. Mais l'acte d'achever l'animal "n'est pas considéré par la loi comme un acte de chasse", précise le militant. "Donc a priori ce n'est pas interdit de demander un enfant de faire ça, sauf que ça peut s'assimiler à un acte de cruauté."

Ce n'est pas une plainte contre la chasse. C'est une plainte contre les abus de la chasse.

Pierre Rigaux

"On a le droit de faire subir à un sanglier ou un renard toutes sortes de sévices qui seraient interdits sur un animal domestique et même puni très lourdement", ajoute-t-il. "Les animaux sauvages souffrent comme les animaux domestiques. Physiquement, c'est la même chose qui se passe dans le corps d'un sanglier ou dans le corps d'un chien. [...] Un mammifère, qu'il soit sauvage ou domestique, ressent la douleur de la même façon."

Si vous faites ça sur un chien, c'est plusieurs années de prison.

Pierre Rigaux

Le militant partage régulièrement des images de chasse, pour dénoncer les pratiques qu'il réprouve. Mais il est rare que ces images fassent apparaître des enfants, nous explique-t-il. "C'est la première fois que j'ai une vidéo, une preuve, qu'un enfant le fait. [...] J'ai la conviction que dans les faits, ce n'est pas du tout exceptionnel, sauf que d'habitude, on n'a pas les images."

"Notre but est de faire bouger la société"

En quelques jours, sa vidéo a été visionnée à de nombreuses reprises sur Facebook et Instagram, avec de nombreux commentaires indignés, mais aussi d'autres d'une nature différente. "Il y a une partie des chasseurs qui disent qu'il n'y a pas de problème. Ils disent : 'On éduque notre enfant, c'est la vraie vie, vous êtes des fragiles'", précise Pierre Rigaux, qui ajoute néanmoins qu'une petite partie de chasseurs "disent qu'il y a un problème, parce que l'enfant est trop jeune, parce que c'est dangereux pour lui".

Il ne sait pas si sa plainte pourra aboutir, car il affirme être confronté aux limites de la loi. Mais même sans suite judiciaire, il reste important à ses yeux de dénoncer ce type de pratique. "Notre but est de faire bouger la société sur la chasse et sur les animaux sauvages en général."

En plus de la plainte, Pierre Rigaux souhaite également faire un signalement à la Cellule de recueil des informations préoccupantes du Conseil départemental de la Marne (CRIP 51), car il considère que l'enfant est mis en danger lors de cette chasse.

Nous avons sollicité le président de la fédération départementale des chasseurs de la Marne suite à la diffusion de cette vidéo. Jacky Desbrosse nous a tout d'abord précisé que la présence d'enfants à la chasse était tout à fait habituelle et légale. Rien n'interdit qu'ils accompagnent leurs parents. Ensuite, pour y participer activement, des règles d'âge s'appliquent avec une chasse accompagnée possible dès 15 ans et une chasse seul à partir de 16 ans.

"Par contre, le fait de servir un animal, c'est-à-dire d'achever un animal blessé, ne constitue pas un acte de chasse. Donc là, il n'y a pas de restriction. C'est le code de l'environnement", ajoute-t-il.

Une pratique "qui relève de la responsabilité du père"

L'utilisation d'une arme blanche pour mettre fin à la vie des animaux blessés, si elle peut en étonner certains, est préconisée pour des raisons de sécurité. "Souvent, il y a des chiens ou des hommes autour. Utiliser une arme à feu, ça devient dangereux", explique le responsable.

Il reconnaît toutefois que le fait qu'un jeune enfant soit amené à mettre à mort un animal "n'est pas une pratique courante". Mais il insiste pour rappeler qu'elle "relève directement de la responsabilité du père."

"Clairement, ce qu'on dispense dans nos formations, c'est qu'il faut tout faire pour achever l'animal le plus vite possible [...] Par contre, jamais on ne fait promotion du fait que ce soit un enfant qui doit le faire", ajoute-t-il.

En termes de formation, si le père avait montré à son fils comment on faisait pour aller vite pour le tuer, ça aurait certainement été plus profitable [...] On peut dire que c'est un apprentissage raté. Mais par contre, ce n'est pas illégal.

Jacky Desbrosse, fédération des chasseurs de la Marne

Concernant la plainte déposée par Pierre Rigaux, il "ne pense pas" qu'elle soit recevable. Si la question est celle du temps de mise à mort de l'animal, "ce n'est pas quantifiable", affirme-t-il. "Les circonstances de mise à mort sont parfois tellement diverses et parfois tellement compliquées."

Quant à la question de prendre des sanctions à l'égard du chasseur auteur des images, Jacky Desbrosse rappelle qu'il n'en a pas la possibilité juridique en tant que président de la fédération des chasseurs.

Une enquête ouverte

Suite à la révélation de ces images, la procureure de la République de Châlons-en-Champagne Ombeline Mahuzier a annoncé avoir "ouvert une enquête de flagrance" pour "provocation de mineur à la commission d'un délit" et "abandon moral de mineur" ainsi que pour "acte de cruauté envers un animal". L'enquête a été confiée à la gendarmerie et les informations "transmises au juge des enfants au titre de l'assistance éducative", a-t-elle précisé le 8 décembre à l'Agence France Presse.

Pierre Rigaux travaille quasiment à temps plein sur la question de la souffrance animale, notamment lorsqu'elle concerne est en lien avec la chasse. Il peut compter sur le soutien financier régulier d'environ 500 personnes via la plateforme Tipeee. Il assure que les dons récoltés sont en grande partie dépensés en déplacement, hébergement ou en matériel vidéo utilisés pour les enquêtes qu'il réalise sur le terrain. L'homme est par ailleurs l'auteur de plusieurs ouvrages. L'un des derniers en date est par exemple consacré aux renards.

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