Cette mi-juin est marquée par une vague de chaleur précoce. Le monde agricole réagit comme il peut pour protéger ses cultures et son bétail.
À moins que vous ne viviez dans une grotte fraîche et obscure (quelle chance), les fortes chaleurs de cette mi-juin 2022 ne vous auront pas échappé. Si elles sont source d'inconfort en ville, elles peuvent virer au cauchemar à la campagne.
Un soleil trop fort et des températures trop élevées peuvent avoir des effets délétères dans certaines exploitations agricoles. L'eau est indispensable pour éviter un préjudice trop important dans les champs et les cheptels.
Cette vague de chaleur a surpris par sa précocité. Mickael Jacquemin, agriculteur et éleveur depuis 1997 à Lignon (Marne), doit agir pour préserver son exploitation (voir sur la carte ci-dessous).
Ce dernier a expliqué sa situation à France 3 Champagne-Ardenne. "On a toujours été soumis aux aléas climatiques. Mais là, ça commence à devenir de plus en plus pesant. C'est à se demander si on a encore des saisons. En ce moment, c'est les canicules; en hiver, c'est les précipitations voire des inondations... Maintenant, on parle même d'orages et de grêle le mardi [21 juin], on en a déjà eu autrefois de la taille d'une balle de ping-pong, donc gros stress."
Canicule ou inondation, plus d'entre-deux
Relevant "une situation tellement impactante", l'agriculteur se rassure en précisant "que certains agriculteurs, pour certaines parcelles, sont en capacité de recourir à l'irrigation. Ça permet de compenser une partie. Dans le département de la Marne, c'est autorisé pour la pomme de terre, avec un système de quotas à ne pas dépasser. Il faut donc gérer subtilement le dosage, car on n'est qu'au début de la canicule, et la récolte sera tardive."
Il y aura forcément des pertes. La récolte de l'orge est imminente, et ce sera un tracas en moins pour l'exploitant. Mais il a des craintes pour le blé. "Il mériterait d'avoir encore des températures raisonnables et un peu d'eau pour le grossissement du grain. Là, au contraire, il est en train de se rétracter..." En plus de ces céréales et des patates (destinées aux grandes surfaces), il cultive aussi du colza, des tournesols, de la luzerne, ainsi que des betteraves. Irriguer est la seule solution disponible pour lui.
Le climat tempéré qu'on nous a appris à l'école, je ne sais pas où il est parti.
Mickael Jacquemin, agriculteur et éleveur à Lignon
Inversement, au mois de juin 2021, c'est un excès de précipitations qui avait causé des pertes. Alors qu''en ce jeudi 16 juin, la préfecture a communiqué sur les moyens nécessaires pour éviter des feux de récoltes dans les champs. "Il n'y a plus de juste milieu. Le climat tempéré qu'on nous a appris à l'école, je ne sais pas où il est parti. Il a disparu."
Outre cela, la journée du samedi 18 juin, où l'on attend le pic de chaleur, risque d'être pour sa part fatale dans les élevages bovins (voir le tweet ci-dessous). Également éleveur, Mickael Jacquemin doit veiller sur ses porcins, qui peuvent eux aussi souffrir de la chaleur.
"Mes porcs sont dans des bâtiments, avec un système de ventilation, et un système de brumisation. Avec un peu d'eau, on arrive à rafraîchir de quelques degrés à l'intérieur. Exposés longtemps à des températures trop hautes, ils peuvent avoir des problèmes cardiaques. Au bout d'un certain temps, le coeur s'emballe... et voilà. Généralement, on arrive à contrôler ça. Mais en donnant beaucoup à boire, et très peu à manger." Les animaux ne croissent plus, et en bout de ligne, rapporteront moins.
Abreuver les animaux, et surtout, irriguer les cultures demande de l'eau. Or, la préfecture peut y mettre le holà, comme dans le département de l'Aube qui a été placé en vigilance sécheresse. "Il peut y avoir un pourcentage de restriction, par rapport au niveau des nappes phréatiques. Pour l'instant, dans la Marne, il n'y a pas eu de restriction car elles sont encore à des niveaux acceptables. Mais c'est bien possible que ça change au cours de l'été, par zones."
Les températures devraient baisser (un peu) le dimanche 19 juin. Avant une prochaine vague de chaleur. La clé de la survie des exploitations agricoles devra peut-être passer par la culture de ressources végétales alternatives... si la demande suit. Ou par la construction "d'investissements colossaux pour des aménagements capables stocker le trop-plein d'eau en hiver". Avec, in fine, l'accompagnement de l'État.