La Société d’histoire naturelle et d’ethnographie de Colmar lance un cri d'alarme : dans le bassin de la Vologne, il ne reste que deux mulettes perlières vivantes. Une espèce pourtant connue depuis la préhistoire, mais tellement exploitée qu'elle risque de disparaître.
C'est à l'été 2018 que Jean-Michel Bichain, président de la société d'histoire naturelle et d'ethnographie de Colmar et passionné de malacologie (étude des mollusques), s'est rendu compte de la quasi-disparition de cette espèce de moule d'eau douce, de son nom scientifique la margaritifera margaritifera. Il propose alors un plan d'urgence à l'Etat pour « éviter son extinction définitive ».
«Malgré ses statuts de protection, cette espèce n’a bénéficié localement d’aucune déclinaison de programme de sensibilisation, de conservation ou de protection de la part des services de l’État », déplore Jean-Michel Bichain. Le sort de la mulette perlière ne semble plus intéresser plus personne. La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) a simplement acté sa disparition, comme les riverains du bassin de la Vologne, où elle a longtemps proliféré.
Exploitées jusqu'à l'épuisement pour satisfaire la bourgeoisie
Les moules perlières étaient utilisées comme parures dès la Préhistoire, elles ont ensuite orné bijoux et vêtements à l’Antiquité. A partir du XIXe siècle, une véritable frénésie s’est emparée de l’Europe : bourgeoisie et noblesse locale les ont plébiscitées, et pour les satisfaire, les lits des rivières étaient littéralement bêchées pour en retirer des milliers de coquilles ne donnant, au mieux, que quelques dizaines de perles. Une moule sur mille seulement est capable de produire une perle, et encore, pas forcément de belle qualité. Cette pêche intensive a fortement contribué à fragiliser les populations dans toute l’Europe. Une catastrophe écologique.Blanches, jaunes, nacrées aux reflets roses
La pêche était pourtant réglementée et surveillée par des « gardes-perles ». Les ducs de Lorraine se réservaient la production, et chargeaient leurs officiers de la pêche en juin, juillet et août. Il en existait des blanches, des jaunes, des nacrées aux reflets roses. Elles étaient de la taille d’un petit pois à un grain de riz.La Vologne, entre le Hohneck et le col de la Schlucht, dans le massif des Vosges, en recelait, comme le mentionne Abel Hugo – le frère du grand Victor - dans un ouvrage mentionne dans un ouvrage au début du XIXe siècle. Elles auraient été récoltés là cinq siècles durant, jusqu’au début du xxe siècle, notamment autour de la ville de Plombières.
Au poignet de Joséphine de Beauharnais
Plombières était une ville d’eau très à la mode, à quelques roues de carrosse de la Vologne. Napoléon, madame Mère et ses sœurs, puis plus tard, Napoléon III furent d’illustres curistes. La station ayant une solide réputation en matière de traitement de la stérilité, Joséphine Impératrice, y séjourna dans l’espoir de donner une postérité à son Empereur d’époux. Elle y vint cinq fois, sans que ses efforts ne soient récompensés. Piètre consolation, en 1806, la ville de Plombières offrit à Joséphine, un bracelet de perles de la Vologne.Joséphine tenta alors d'acclimater les mulettes à la Malmaison. On lui en offrit pour ses bassins. Ces pauvres mollusques moururent tous, sans produire de perles, et sans se reproduire car on avait oublié les poissons ! On ignorait alors encore que le cycle de vie de la mulette comportait le séjour obligatoire de ses larves sur les branchies d’une truite. Sans cette étape, les larves meurent sans donner de descendance…