Élu meilleur pâtissier d’Allemagne en 2018, Matthias Spurk est un virtuose des desserts. À 32 ans, il travaille dans le seul restaurant triplement étoilé de Sarrebruck. Formé à l’école française, il revendique sa double culture dans l’assiette et dans la vie. Un peu comme nous...
C’est l’ironie de l’histoire. Matthias Spurk ne parle pas un mot de français, ou presque. Sa manière de s’exprimer à la française, c’est dans l’assiette. "Je suis travailleur comme un Allemand, mais créatif comme un Français", dit-il dans un sourire alors que nous faisons connaissance. Le ton est donné. Le chef pâtissier, qui œuvre au cœur des cuisines du restaurant triplement étoilé de Klaus Erfort de Sarrebruck, est un mélange de fantaisie, de provocation amusée et de sérieux.
À 32 ans, ce surdoué de la cuisine n’a connu que de grandes maisons. La plus importante dans son cœur: celle de Pierre Lingelser. Un chef français, peu connu dans nos contrées et qui pourtant, de Strasbourg à la Forêt Noire en passant par Colmar, collectionne lui aussi les macarons et les honneurs. "Plus jeune, j’avais acheté l’un de ses livres. Je rêvais de faire un stage chez lui. J’ai fait bien plus, commence-t-il avant de poursuivre. C’est mon mentor. Il m’a tout appris. Les techniques, l’amour du travail bien fait. J’ai perdu mon père assez jeune. Il a comblé le vide".
Chez Pierre Lingelser, Matthias Spurk a grandi avant de s’envoler. "Meilleur pâtissier d’Allemagne", la distinction qu’il reçoit l’an dernier, est l’une des plus convoitées. Son modèle l’avait reçue deux fois avant lui. Matthias trouve qu’elle arrive un peu jeune. "J’aurais préféré que cela couronne une carrière. À 32 ans, j’ai encore tant de choses à tester et à faire", explique-t-il.
Französisch Qualität
Dans la salle de restaurant, en ce début d’après-midi, les clients sont tout autant français qu’allemands. Pour le chef, aucune différence entre eux. "Tous viennent pour bien manger avant tout. Ils savent qu’ici, ils ne seront pas déçus". Et pour cause, à la carte, le délice de rhubarbe à la fraise et le pamplemousse, cassis et poivre de Madagascar font tout autant frétiller les papilles à l’avance. "Mon influence est objectivement française. Je suis assez loin des classiques allemands. Mon dessert favori, c’est le Paris-Brest", indique le pâtissier.D’ailleurs, le chef passe la frontière située à moins de cinq kilomètres en permanence pour acheter ses fruits et même ses magazines de cuisine en France! "Vous avez un tel choix. Ici en Allemagne, nous n’en avons que quelques-uns. En France, il y a des rayons entiers dédiés à la presse culinaire". Même s’il ne comprend pas la langue avec précision, les quelques indications et photos suffisent à l’inspirer.
"Vivre à la frontière de ces deux pays a tellement de richesses qu’il faut en profiter. J’espère que dans mes assiettes, cela transparaît". Un message qui passe sans problème à la dégustation. Matthias Spurk a du talent à revendre, la générosité des grands et l'appétence de l’autre. On en redemande.
Pour suivre le périple"Complètement à l'Est" d'Aurélie Renard :