Depuis son élection, la municipalité de Jarville est inflexible face aux infractions au stationnement. Sans place ni garage, des citoyens jarvillois ont monté un collectif pour demander une tolérance à la loi. Ils se font remarquer depuis plusieurs jours grâce à des QR code.
Depuis plusieurs jours, quelques façades de résidences jarvilloises se sont ornées d’un QR code, suivi d’une inscription « à vendre ». Intrigantes, ces affiches redirigent vers le site web du "Collectif La Malgrange", un groupe réunissant environ 90 foyers de la commune de Jarville. Crée en avril dernier, ce collectif de riverains souhaite faire entendre sa colère auprès de la municipalité de Jarville.
La colère gronde depuis avril, dans certains quartiers de Jarville. En cause : la volonté du maire Vincent Mathéron, élu l’an passé, d’appliquer une tolérance zéro, face aux infractions du code de la route. Une volonté de ne pas déroger à la loi qui complique la vie de certains jarvillois qui ne possèdent pas de garage, ou de place de parking. Obligés de se garer devant l’entrée de leur résidence, et de facto sur la voie publique, ces derniers se voient régulièrement contraints de payer des contraventions, parfois même lorsqu'il s'agit d'un stationnement de courte durée.
"Cette nouvelle politique de stationnement, c’est problématique pour les personnes âgées, ou handicapées", explique Marie, une résidente de la rue George Clémenceau. Cette assistante maternelle soulève aussi un problème lié à son activité professionnelle "pour déposer leurs enfants chez moi, les parents doivent s’arrêter sur la voie publique, mais avec cette tolérence zéro, j'ai vu des parents avoir des PV. On devrait au moins avoir le droit de s’arrêter pour déposer ses enfants !", explique-elle.
Un peu plus loin dans la rue, Noëlle est équipée d’une prothèse, elle raconte qu’il est compliqué pour elle de se garer plus loin que devant chez elle "pour débarrasser mes courses, c’est difficile. Je ne peux pas aller dans ma cour, elle est trop petite, donc je dois me garer sur la voie publique, mais je m’assure de ne gêner personne, et pourtant je suis en totale infraction pour le maire", témoigne cette résidente de la rue Georges Clémenceau.
A côté, Fréderic Binet fait état d’un problème casi-similaire "mon père est handicapé, il a du mal à marcher. Quand il vient garder mon fils on doit faire de la logistique pour limiter ses déplacements" raconte ce jarvillois de longue date, "je peux même dire que j’ai peur de laisser ma voiture quelques minutes sur la voirie pour ranger mes courses. Avant, on avait le droit de se garer sur la voie, du moment qu'on ne gênait pas, et cela ne posait aucun problème".
Outre le casse-tête du stationnement des habitants, c’est la vie de quartier qui se dégrade "c’est tendu depuis quelque temps dans la rue, il y a un climat anxiogène" détaille une habitante. D'un autre côté, le collectif La Malgrange affiche une certaine solidarité "on fait pas forcément ça pour nous, on se bat aussi pour les personnes âgées, handicapées, ou bien avec des bébés pour qui stationner plus loin est compliqué. Ce qu'on aimerait, c'est de la tolérance lors de l'application de cette loi" continue-elle.
c'est tendu depuis quelque temps dans la rue
Pourtant, des résidences de la rue Georges Clémenceau possèdent bien des cours destinées à garer des véhicules, mais de petit gabarit, car la taille des habitations datant de 1930 n’a pas vieillit proportionnellement à celle des nouvelles voitures. La deuxième complication relevée est que les habitations, autrefois accueillant des familles se sont transformées en appartement, multipliant ainsi le nombre de résidents dans le quartier
Du côté de la municipalité, cette volonté d’inflexibilité, et de tolérance zéro face à la loi tient en deux points : d’un côté la sécurité des citoyens, et de l’autre le refus de l’appropriation par autrui de la voie publique. "le stationnement anarchique peut par exemple gêner, voire bloquer le passage d’un camion de pompier, donc on met en danger la vie des autres", raconte Vincent Mathéron, le maire de la ville. Affirmant que le dialogue avec les riverains n’est pas rompu, ce dernier déclare avoir proposé des solutions pour appaiser les tensions. Par exemple, réhabiliter un ancien quai de bus, ou bien un parking, mais qui ne comporterait pas assez de place pour les habitants du quartier.
Le stationnement anarchique peut gêner par exemple un camion de pompier
Un des problèmes sous-jacent à cette difficulté de stationner à Jarville, c’est le peu de place disponible : près de de 4500 véhicules pour 1500 places disponibles dans toute la commune. "Il existe peu de foncier sur Jarville, je ne peux pas donner quelque chose qui n’existe pas aux résidents".
Pour Maître Nicolas Matuszak, avocat en droit routier à Metz, ce cas de figure est compliqué en ville où il y a peu de placer pour stationner. Selon lui, la seule solution possible est de trouver un accord commun entre les litigieux, mais une dérogation à la loi, et précisément à l’article R417-10 n’est pas possible.
Une rue pour deux villes
Une particularité propre à la rue Georges Clémenceau est qu’elle est divisée en deux : une partie se trouve à Jarville, l’autre à Vandoeuvre-lès-Nancy. Dans ce cas de figure, ce sont alors deux commissariats de police différents, rattachés à chacune des deux communes, qui s’occupent de gérer les infractions au stationnement.
Si à Jarville la loi semble être appliquée au sens strict, la mairie de Vandoeuvre ferait preuve de plus de tolérence selon certains résidents. Pour le responsable de la police municipale de Vandoeuvre, Didier Weber, cette théorie ne pourrait être valide, tant les deux entités en charge de l’application de la loi sont distinctes "il n’y a pas du tout de coordination entre Vandoeuvre et Jarville, donc nous avons peut-être des manières différentes de discerner une infraction au code de la route".
Au bout de la rue, tout juste à la scission des deux communes, une voiture stationnée arbore une pancarte "véhicule stationné à Vandoeuvre". Isabelle Mangin est une résidente de Vandoeuvre, la sanction des infractions est devenue tellement récurrente dans son quartier qu’elle a décidé d’indiquer clairement son lieu de résidence "je ne sais pas si ça changera grand-chose, mais les agents de police sont souvent là alors je tente le tout pour le tout pour qu’ils essayent de faire preuve de discernement".
Pour le moment, des discussions doivent encore avoir lieu entre les résidents et la municipalité pour trouver un commun accord.