"Ces familles ont très peur", des dizaines de réfugiés ukrainiens menacés d’expulsion de leur logement

Comme Ola et Anatolii, plusieurs dizaines de réfugiés ukrainiens de Meurthe-et-Moselle ont reçu des lettres leur demandant de quitter leur logement avant la fin du mois, faute d’être "suffisamment intégrés". À Nancy, l'association "Les Lumières d'Ukraine" tire la sonnette d'alarme. Lundi 21 octobre 2024, un délai de deux mois a finalement été accordé aux réfugiés par la préfecture.

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À l’image de ce couple, "entre 60 et 70 réfugiés ukrainiens" ont reçu des lettres leur demandant de quitter leur logement avant la fin du mois d’octobre 2024. La décision émane de la DDETS (Direction Départementale de l'Emploi, du Travail et des Solidarités), un service de l’État, qui leur reproche de ne pas être suffisamment intégrés. Des associations d'aide aux réfugiés ukrainiens tirent la sonnette d’alarme. À l’issue d’un entretien, lundi 21 octobre 2024 en préfecture de Meurthe-et-Moselle à Nancy, entre les services de l'État (préfecture et DDETS), le président de l'UDAF, le délégué du défenseur des droits, la présidente de l'association "Échanges Lorraine Ukraine" et l'association "Lumières d'Ukraine", un répit de deux mois a été accordé à "tous les réfugiés ukrainiens de Meurthe-et-Moselle concernés par ces courriers".

Sans logement, nous avons dû réserver un ticket de bus pour rentrer en Ukraine, mercredi prochain

Ola, 56 ans, réfugiée ukrainienne

Ola, 56 ans, et Anatolii, 62 ans, viennent de la région de Kharkiv, en Ukraine, régulièrement cible de bombardements massifs. Réfugié en France depuis décembre 2022, le couple a reçu, fin septembre 2024, une lettre de résiliation de son contrat de sous-location à Jarville (Meurthe-et-Moselle). "Nous avions reçu une première lettre d’avertissement au début de l’été. Dans une seconde lettre, envoyée fin septembre 2024, on nous a signalé que nous devions quitter notre logement un mois plus tard. C’est ce que nous avons fait, nous avons rendu nos clefs et on ne nous a proposé aucune autre solution d'hébergement. Sans logement, nous avons dû réserver un ticket de bus pour rentrer en Ukraine, mercredi prochain. Aujourd’hui, nous ressentons un peu d'espoir mais nous ne serons rassurés que quand nous aurons de nouveau un logement", raconte, en ukrainien, Ola.

France 3 Lorraine a eu accès à plusieurs de ces courriers d’expulsion reçus par des réfugiés ukrainiens en Meurthe-et-Moselle. Sur l’un d'entre eux, envoyé par l’Udaf 54 le 18 septembre 2024, on peut notamment lire : "Vous vous êtes engagés dans un contrat de sous-location avec des objectifs d’autonomisation. Il a été retenu avec les services de la DDETS que vous n’avez pas respecté vos obligations dudit contrat. Toutes les démarches nécessaires d'insertion professionnelle et d’autonomisation n’ont pas été suffisamment diligentées afin de vous inscrire dans un parcours d’insertion globale sur le territoire. Par conséquent, à la demande des services de l’État, vous devrez avoir quitté le dispositif d'intermédiation locative (IML Ukraine) au plus tard le 31 octobre 2024 et votre contrat de sous-location sera résilié à cette date (...) Dès maintenant, il vous faut trouver une solution personnelle de relogement".

Mon mari et moi sommes disposés à prendre n'importe quel travail, faire des ménages, peu importe

Ola, 56 ans, réfugiée ukrainienne

Malgré une inscription à France travail (anciennement Pôle emploi) et le suivi de cours de français au sein d’une association, Ola et Anatoli peinent à trouver un employeur ou une formation pérenne. Anatolii était conducteur de poids lourd en Ukraine. En France, son permis et sa formation ne sont pas reconnus. Ola, elle, était cuisinière et boulangère. "J’ai travaillé en tant que saisonnière pendant la récolte des mirabelles mais le contrat ne dure que durant l’été", insiste la cinquantenaire. "Ma fille et mon petit-fils sont aussi réfugiés dans la banlieue de Nancy mais nous n’avons pas le droit d’être hébergés chez eux, il y a des règles strictes. C’est une situation terrible de ne pas savoir si nous allons pouvoir rester en France", déplore la réfugiée, les larmes aux yeux.

Ces familles ont très peur de devoir repartir en Ukraine, la situation y est très dangereuse

Roman Filinyuk, président de l'association "Les Lumières d'Ukraine"

Lundi 21 octobre 2024, en fin d'après-midi, les nouvelles sont plutôt encourageantes, bien que temporaires. À l’issue d’un entretien de plus d’une heure en préfecture entre les services de l'État, le président de l'UDAF, le délégué du défenseur des droits, la présidente de l'association "Échanges Lorraine Ukraine" et l'association "Lumières d'Ukraine", un répit de deux mois est accordé à Ola, Anatolii et les autres réfugiés ukrainiens concernés. Toutes les personnes qui ont reçu ces lettres d’expulsion pourront finalement rester jusqu’au 31 décembre 2024. Ceux qui ont déjà rendu leurs clefs pourront, normalement, aussi réintégrer leur logement. Mais le travail ne s'arrête pas là pour les associations. "Nous allons continuer, à notre échelle, d’accompagner les réfugiés ukrainiens en difficulté en les aidant dans leurs démarches pour trouver un emploi, apprendre le français et s'intégrer. C’est très compliqué pour eux, ils font de leur mieux. Ces familles ont très peur de devoir repartir en Ukraine, la situation y est très dangereuse", insiste Roman Filinyuk, le président d'association "Lumières d'Ukraine".

En tout état de cause, il n’y aura aucune fin de prise en charge au 31 octobre 2024

Préfecture de Meurthe-et-Moselle

"En tout état de cause, il n’y aura aucune fin de prise en charge au 31 octobre 2024", indique la préfecture de Meurthe-et-Moselle dans un communiqué de presse publié en fin de journée, lundi 21 octobre. "À l'occasion de la rencontre, la préfecture a rappelé l'objectif de décélération des mesures d'intermédiation locative (IML) et noté les résultats obtenus dans le département de Meurthe-et-Moselle, avec au 30 septembre 2024, moins de 600 personnes logées dans le cadre de ce dispositif. Ce chiffre est à comparer avec le nombre total de déplacés ukrainiens accueillis en Meurthe-et-Moselle depuis le début de la guerre, proche de 1600 personnes. Si les deux tiers de ce public a d’ores et déjà pu accéder à une autonomie totale, un travail d’accompagnement se poursuit en fonction de la situation de chaque réfugié".

La préfecture annonce par ailleurs une réunion de travail, présidée par Françoise Souliman, préfet de Meurthe-et-Moselle, programmée au mercredi 23 octobre 2024 avec les opérateurs, chargés de gérer les mesures d'IML et en présence d'un représentant des bailleurs sociaux : "pour permettre à la fois de regarder, pour les personnes prêtes à accéder au logement, les ultimes freins qu'il conviendrait de lever et pour les personnes qui à ce jour sont sans projet, de déterminer ce qui fait obstacle à l'élaboration de ce projet. Les associations ont proposé d'apporter leur appui et de recenser les compétences qui pourraient être utiles au tissu économique local. Des contacts sont d'ores et déjà pris pour l'organisation d'un forum emploi dédié aux déplacés ukrainiens".

Plus de deux ans et demi après le début du conflit déclenché par la Russie contre l’Ukraine, le département compterait environ 1600 réfugiés ukrainiens, selon les associations et la préfecture. Ils tentent de se reconstruire, à des centaines de kilomètres de chez eux.

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