Du basket et un brin de culot, la reconversion réussie du nouveau coordinateur sportif du SLUC

Brahim El Yahyaoui, 25 ans, est devenu coordinateur sportif de l'équipe professionnelle du SLUC Nancy basket, après cinq ans à parcourir la ville comme livreur à vélo. Une belle histoire, empreinte de passion et de détermination.

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Brahim El Yahyaoui est le genre de personne qui vous marque et vous laisse avec le sourire. Ce jeune homme de 25 ans, originaire de Nancy, de parents marocains, vient de décrocher le poste de ses rêves au SLUC, le club professionnel de basket de Nancy. Changement de vie : "Je passe d'être sous la pluie et le froid, à livrer des pizzas et à sentir l'huile de friture, à être coordinateur sportif d'une équipe de basket pro", lance directement le nouvel employé, rencontré dans un café du centre-ville de Nancy.

Pourtant, ce n’était pas gagné, quand Brahim repense à son parcours. Il a grandi dans une barre d'immeuble au Haut-du-Lièvre, un "quartier sensible" connu pour les mauvaises raisons. Et il en a conscience, cette réputation lui colle à la peau. "C'est réel, quand tu viens d'un quartier comme celui-ci, on ne te donne pas ta chance, déplore-t-il, pourtant il y a des gens bien dans le quartier".

Lui, en tout cas, est "très fier" d’y avoir grandi. C’est ce qui aujourd’hui lui "a donné la force d'aller jusque-là". "À 3h t'es réveillé par une moto-cross, tu vois des gens se piquer, moi, j'avais envie de sortir de là et surtout de rendre fiers mes parents". Ses parents sont venus de la région du Rif au Maroc et ont élevé leurs cinq enfants dans un appartement de la barre Tilleul argenté. "Ils ne sont pas venus en France pour faire des racailles", souligne le cadet de la fratrie, avec un geste des mains pour marquer l’évidence.

Le froid, le mépris des gens, ça forge

C'est d'ailleurs ce qui le guide dans son quotidien. Brahim est catégorique, il ne fume pas, ne boit pas, ne fait pas la fête et tout ça dans un seul et même objectif : "réussir ma vie". Après un bac STMG et un BTS immobilier, le jeune homme a "galéré" à trouver du travail et fait les frais des stigmates de son quartier. "Ils regardaient l’adresse sur mon CV, et je savais qu'ils n'allaient pas me rappeler". Mais hors de question pour lui de ne rien faire. Intérim, restauration, tri de colis, Brahim enchaîne les jobs jusqu'à devenir livreur pour la société Uber Eats, en 2019. "J'ai eu un vrai coup de foudre avec cette entreprise", s'amuse-t-il. Mais Brahim est très sérieux, quand il commence à travailler pour eux, il n'y a pas de concurrence, les commandes affluent : "on était les rois du pétrole", déclare-t-il en ajustant ses lunettes. Surtout, ce statut lui apprend beaucoup et le responsabilise. Il découvre alors les obligations administratives qui accompagnent le statut d’autoentrepreneur comme les déclarations à l’URSSAF. "Salut frérot, ça va ou quoi ?", lance-t-il pour plaisanter, en saluant un livreur au loin, sur la Place Carnot de Nancy.

De cette époque, qui durera cinq ans, il n’est pas près d’oublier l’attitude des clients. "Ils ont le pouvoir et ils se permettent d’être désobligeants parce que tu as une minute de retard". Et le regard de ses proches. "Ils m'ont vu pendant cinq ans sur un vélo, à faire des livraisons, même mes potes, leur regard a changé, ils ont perdu l’estime pour moi", raconte-t-il, le regard dans le vide. Petit, dans ses bulletins déjà, les professeurs inscrivent "bavard, rigolo, amuse ses camarades". Cela ne l'affecte pas et ne le décourage pas. Au contraire, "ça m'a motivé à donner le meilleur de moi-même, car quand une personne proche ne croit pas en toi, c'est le meilleur des carburants". Il n'y a que sa mère, et sa sœur, qui l'ont toujours soutenu. "Tout ça, c'est pour elles."

De cette expérience, il ne regrette absolument rien. "Le froid, le mépris des gens, ça forge", dit-il. En accord avec sa philosophie de vie. Brahim a un esprit de vainqueur : pas question de baisser les bras, ni de perdre confiance, jamais. "Tout arrive pour quelque chose". Aujourd'hui, il souhaite montrer aux personnes qui n'ont pas cru en lui, qu'il a réussi.

Une bonne dose de culot pour réussir 

Et l'histoire qu’il s’apprête à raconter est "what the fuck" comme il le dit lui-même. Un dimanche après-midi, alors que Brahim se rend dans un fast-food du Boulevard Lobau récupérer une "doublette", c'est-à-dire deux commandes en même temps, il aperçoit le président du SLUC avec sa famille. "Dans ma tête, je me dis que c'est un signe". En effet, ce jour-là, Brahim n'avait pas envie de travailler. La veille, sa journée dans un magasin de sport, son deuxième emploi, avait été longue. "C'est ton moment, répète-t-il pour se lancer. Il est en tenue de livraison : jogging, basket. Rien d'exceptionnel. Mais il fonce. "Je suis allé voir, je me suis présenté et j’ai dit : "je tente ma chance, j'ai cette passion pour le basket et j'aimerais travailler pour vous"".

Ils échangent simplement leur LinkedIn et la conversation se termine. Puis pendant trois semaines, rien. "On ne va pas se mentir, je n’ai pas la tête de l'emploi", déclare-t-il au milieu de son récit. Peu après, il entend parler d’un poste de coordinateur sportif pour l'équipe professionnelle qui se libère. Il décide de passer directement aux bureaux du SLUC. Une nouvelle fois, Brahim ne recule devant rien et saisit sa chance au culot. "Je viens pour le poste de coordinateur", déclare-t-il, sûr de lui. Sa démarche spontanée séduit le directeur du club, Youri Verieras : "J'aime les gens qui ont un peu de culot quand il est bien fait, avec de bons principes, de bonnes valeurs, et une forme de politesse. C'était un culot réfléchi dans une démarche sincère, j'ai immédiatement senti qu'il connaissait bien le club, donc je lui ai proposé de revenir." Il obtient un entretien dès le lendemain. Puis deux semaines passent avant qu'il ne soit convoqué pour un ultime entretien, en présence cette fois du Président, croisé quelques semaines plus tôt au McDo.

Si tu peux jouer le jeu de la vie à fond, il faut jouer 

Depuis, Brahim a le sentiment de vivre "un conte de fée". Il se souvient de la date exacte à laquelle il a commencé à être formé au SLUC, fin janvier. "Évidemment, c'est un tournant dans ma vie", lâche-t-il, tout sourire, ponctué d'un "zéro vanne" l'expression qu'il utilise le plus pour indiquer qu'il parle sérieusement. Sa mission au sein du club est de faire le lien entre la direction et l'équipe professionnelle. "C'est vrai qu'il n'a pas le cursus requis dans ses bagages, mais on a vite détecté en lui un potentiel, ça a matché entre nous et on a considéré qu'on avait la capacité de le former sur le métier. La vie professionnelle est un apprentissage permanent", justifie Youri Verieras. "C'est plus dur de faire acquérir des valeurs et des qualités humaines à quelqu'un. Brahim a déjà tout ça. C'est un garçon très impliqué qui a envie de découvrir et de travailler". Une chose est sûre, il fera tout pour "ne pas les décevoir". "J’ai énormément de respect pour la confiance qu'ils m'ont accordée", ajoute Brahim El Yahyaoui. Du côté du club, les dirigeants insistent : pas question de remettre en question sa légitimité, "il est parfaitement conforme à nos attentes".

En parlant de ce travail, il a les yeux qui brillent et un énorme sourire figé sur son visage. "Il n'y a rien de plus satisfaisant que le bruit du filet", décrit l’amoureux du basket qui a toujours voulu travailler dans le basket. "Je tentais ma chance régulièrement, j'envoyais des candidatures sur LinkedIn, partout en Europe, même pour être ramasseur de balle". Son rêve atteint, c'est en toute modestie qu'il compte bien garder son sac de livreur, en souvenir, "pour garder les pieds sur terre". Son mantra : "Si tu peux jouer le jeu de la vie à fond, il faut jouer. Saisir les opportunités, provoquer sa chance et sortir de sa zone de confort". Un mantra qui semble fonctionner pour le SLUC qui réalise une très belle fin de saison et a rêvé des playoffs jusqu'au bout. Les Cougars jouent leur dernier match de championnat, samedi 11 mai, contre Gravelines-Dunkerque. 

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