ENTRETIEN. Réchauffement climatique : "2050 pourrait être une introduction à une fin de siècle catastrophique si nous ne faisons rien"

France Télévisions se mobilise pour la cause des arbres ce mardi 8 novembre 2022 avec l'opération "Aux arbres citoyens !" Myriam Legay, directrice du campus de Nancy AgroParisTech connait bien les arbres. Pour elle, les forestiers ne peuvent plus s'appuyer sur l'expérience du passé. Ils ont besoin de la science pour comprendre.

Dans le cadre de l’opération "Aux arbres citoyens ! ", organisée par France Télévisions ce mardi 8 novembre 2022, nous avons demandé à des scientifiques, à des observateurs de la nature et à des acteurs de la biodiversité de répondre à quelques questions.

Myriam Legay est directrice du campus de Nancy AgroParisTech. 

Que pouvons-nous faire pour les arbres ?
 
"Les arbres sont beaucoup pour nous : ils nous procurent un matériau remarquable et polyvalent, ils nous apportent ombre et fraîcheur. Ils structurent nos paysages, absorbent et recyclent une partie de l'excédent de carbone que nous rejetons dans l'atmosphère en brûlant des hydrocarbures. L'enjeu de les protéger est donc aussi un enjeu profondément humain.

Leur cycle de vie très long et statique, les rend vulnérables au changement climatique. La première chose à faire pour les protéger, c'est clairement de maîtriser enfin nos émissions de gaz à effet de serre ! Ensuite, il faut se rappeler qu'ils sont vivants, et qu'il ne s'agit pas de les préserver comme des monuments, mais comme des êtres qui vivent, se reproduisent et meurent."
 
Que peut faire la science pour les arbres ?
 
"En France et dans toute l'Europe, les forêts sont en progression forte. Elles s'étendent en surface et le volume total des arbres dans ces forêts s'accroît encore plus vite. La forêt n'est pas menacée par le défrichement dans notre pays. Ce qui menace la forêt dans notre pays aujourd'hui, ce sont les effets du changement climatique, et plus largement les effets des changements globaux.

Ce changement climatique, ce sont les scientifiques qui l'ont annoncé. Ils en ont progressivement de mieux en mieux caractérisé les effets observés ou à venir. En la matière, c'est plutôt l'action qui a manqué. Donc là encore, la première chose à faire, c'est enfin d'écouter les scientifiques et de prendre au sérieux leurs alarmes de plus en plus pressantes.

Cependant, le changement climatique est déjà là, et il modifie le fonctionnement de la forêt dans tous ces aspects. La forêt, c'est un écosystème très complexe, et qui évolue selon des cycles très longs. Une modification aussi rapide des conditions de croissance des arbres que celle que nous connaissons actuellement, cela remet en jeu pratiquement tout ce que nous savions des arbres et des forêts. Les forestiers ne peuvent plus s'appuyer sur l'expérience du passé pour savoir comment gérer les forêts : ils ont besoin de la science pour comprendre, anticiper et prendre les moins mauvaises décisions possibles !"
 
Auriez-vous une histoire d’arbre à nous raconter ?
 
"Quand on est forestier, on développe un lien très fort aux arbres et à la forêt. J'en ai pris conscience le jour où, m'étant perdue en banlieue parisienne, j'ai retrouvé mon chemin en reconnaissant un arbre, qui n'avait d'ailleurs rien d'extraordinaire. A mes yeux, les rues se ressemblaient, les maisons se ressemblaient, mais l'arbre avait quelque chose d'unique, de singulier, comme un visage !  De ce point de vue, les chênes me fascinent : observez-les de près, et vous verrez l'infinie variété des écorces, des silhouettes, des formes et des textures des feuilles."


Comment  imaginez-vous 2050 ?
 
"2050, ce sera de toute façon un climat plus chaud, du fait de tout le carbone que nous avons déjà rejeté dans l'atmosphère. Alors malheureusement, en 2050, il y aura des problèmes : des régions du monde qui deviendront invivables, des réfugiés climatiques, en France, des étés trop chauds et des grands pans de nos forêts qui dépériront.

Mais 2050, c'est l'année où nous, européens, devrions atteindre la neutralité carbone. Alors soit nous n'aurons rien fait, et ces problèmes ne seront malheureusement qu'une introduction à une fin de siècle catastrophique.

Soit nous aurons agi, individuellement et collectivement, jusqu'à l'échelle de l'humanité, pour réduire drastiquement nos émissions, et pour nous adapter et maîtriser les impacts du réchauffement.  Alors nous pourrons nous projeter dans un avenir stabilisé. Peut-être même qu'on aura alors progressé, en tant que société humaine, par le fait d'avoir accompli cet effort collectif.

2050, pour la forêt, c'est demain. Les chênes qui ont été plantés cette année seront encore de tous jeunes arbres. 2050, pour moi, c'est l'année où ma fille aînée atteindra l'âge que j'ai aujourd'hui. Mes petits-enfants, si j'en ai, seront de jeunes adultes. 2050, c'est demain."

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