Pour la première fois dans le Grand Est, une convention entre l’Ordre des médecins et le tribunal est signée vendredi 20 mai à Nancy (Meurthe-et-Moselle). Il s’agit d’aider les médecins à signaler les faits de violences conjugales et ils pourront le faire directement à la justice. Dans certains cas, le secret médical sera même levé.
Pour la première fois dans le Grand Est, une convention est signée entre le tribunal et le conseil de l'Ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle vendredi 20 mai 2022. Il s'agit de lutter contre les violences intra-familiales et particulièrement les violences exercées au sein du couple.
Depuis la loi du 30 juillet 2020, les médecins qui reçoivent des victimes de violences conjugales et sous emprise doivent alerter le procureur. "On est même avant la plainte au commissariat", dit le docteur Franck Bresler. Il est médecin à Nancy et président du Conseil départemental de l'Ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle. "Mais aujourd'hui moins d’une patiente sur cinq porte plainte".
La majorité des femmes victimes de violences conjugales ne s’en ouvre pas. A peine la moitié en a parlé à un proche, 51%. Et 21% à un médecin
Sondage IFOP, période du confinement
Avec ce nouveau dispositif, le médecin a désormais un réel rôle à jouer dans ces situations d’urgence. Aujourd’hui, au moins un quart des révélations de violences conjugales se font dans le cabinet du médecin généraliste. "Souvent, les médecins ne savent pas quoi faire face à la dangerosité des conjoints et maintenant, même sans le consentement de la victime, quand elle est sous emprise, on peut faire un signalement au procureur", explique François Pérain, procureur de la République de Nancy. "Le recueil de preuves des violences par les unités médico-judiciaires sera parfois plus facile".
Sortir les victimes de l’isolement
Les victimes sont des femmes issues de divers horizons. Ainsi, pendant le confinement, un sondage de l' IFOP, révèle à quel point les femmes-victimes ne partagent avec personne l’horreur qu’elles vivent. "La majorité des femmes victimes de violences conjugales ne s’en ouvre pas. A peine la moitié en a parlé à un proche (51%), 21% à un médecin, et 14% a contacté le numéro gouvernemental, le 3919", peut-on lire dans la publication du rapport.
La mise en place du protocole devrait favoriser le travail de la police et de la gendarmerie. "Ça va nous permettre de lutter contre la loi du silence. C’est la prise de parole et le signalement des violences conjugales devant le médecin qui va faire changer les choses", dit le docteur Franck Bresler. "Les médecins signalent les violences conjugales, viols et agressions sexuelle sur les mineurs de moins de 15 ans ainsi que les violences conjugales", explique François Pérain.
Dans ces situations d'urgence, "il faut exposer des choses très intimes, jamais dites à des étrangers", explique Anne-Sophie Graviloff, présidente de France victime 54. "Il faut que la victime soit en confiance. Et souvent les médecins généralistes ont mis en place une relation de confiance". Mais on ne connait pas le facteur qui fait que la parole se libère et que la victime arrive à parler. "Et puis dans les cas extrêmes, elles quittent en urgence le domicile familial, pour être mise en sécurité".
La loi du silence
La convention concerne tous les médecins qui travaillent en cabinet privé ou à l'hôpital. Et la justice pourra lever le secret médical. "Il faut donc les rassurer", dit François Pérain. "Le secret médical peut être levé. Ce n’est pas une obligation. C’est une possibilité. Ce qui va faire tomber cette fameuse Omerta".
La convention va offrir la possibilité aux médecins de lever le secret médical dans certains cas. Les femmes hésitent à faire un signalement car souvent, et c'est encore une autre difficulté, elles craignent des représailles, et des récidives, violentes du conjoint. "C’est la première fois avec l’accord de la patiente bien sûr que l'on va pouvoir agir avec le justice. C’est une volonté des médecins et aussi une prise de conscience urgente la société", explique le docteur Franck Bresler.
Le secret médical peut être levé. Ce n’est pas une obligation. C’est une possibilité. Ce qui va faire tomber cette fameuse Omerta.
François Pérain, procureur de la république de Nancy
Cette convention concerne les deux tribunaux de Meurthe-et-Moselle, Nancy et le Val-de-Briey. L'association France victime 54 devrait prochainement signer un protocole avec le service des urgences du CHRU de Nancy. Il s'agit de mettre un place un accueil spécialisé, avec des référents, pour les femmes victimes de violences conjugales.
Depuis le 30 août 2021, la plateforme d'écoute des victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles est joignable sans interruption. Le 3919 est accessible 24h/24 et 7 jours sur 7.