Face à l'envolée des coûts de l'énergie et des matières premières, les artisans boulangers et pâtissiers s'estiment en danger. Le gouvernement a pris des mesures d'aides mais cela sera-t-il suffisant pour éviter les faillites en 2023 ? Illustration en Lorraine
En 2020 Hans Gaillet a repris une boulangerie-pâtisserie réputée à Malzéville, près de Nancy (Meurthe-et-Moselle ). Le jeune patron emploie treize salariés. Comme tous les artisans, il subit l'augmentation importante du coût de l'énergie et des matières premières, des augmentations de 40 à 50% suivant les produits : "psychologiquement, c'est compliqué. Je me demande où on va, on sait pas trop mais je reste confiant, heureusement, on a une clientèle fidèle."
Hans Gaillet reconnait que par rapport à d'autres confrères, il a de la chance. A son arrivée, la clientèle était déjà constituée et elle bénéficie d'un bon pouvoir d'achat. Le boulanger a augmenté ses prix mais il sait qu'il ne pourra pas le faire indéfiniment face à des clients devenus plus regardants : "on vend moins d'entremets par exemple qui sont un peu plus chers. Les gens se rabattent sur des desserts un peu plus classiques."
Face à l'impossibilité de répercuter la totalité de l'augmentation des prix de l'énergie et des matières premières, le jeune patron traque la moindre dépense inutile : " j'embête souvent mes employés : éteindre les frigos quand ils sont vides par exemple, éteindre les lumières. Je suis tout le temps derrière eux. Avant, je ne faisais pas attention à tout ça..."
Hans Gaillet avait prévu de refaire en 2022 son fournil à neuf pour développer son affaire. Cet investissement attendra des jours meilleurs.
Jean-Paul Daul est le président de la Fédération des artisans boulangers et boulangers-pâtissiers de Meurthe-et-Moselle et de Meuse. Elle regroupe 170 membres. Face à l'augmentation faramineuse du coût de l'énergie, il est monté au créneau comme ses confrères des autres fédérations. En regroupant une partie de ses adhérents, la fédération a réussi à négocier un tarif de l'électricité attractif auprès d'un courtier : " au lieu d'une augmentation multipliée par trois, quatre voire cinq ou six, nous avons négocié un prix multiplié par deux." Jean-Paul Daul se félicite d'avoir réussi à mobiliser les 70 artisans de la Fédération unis dans cette initiative.
Ce "collectif énergie" a bien travaillé et limité la casse mais il ne perd pas de vue qu'en face existe une concurrence qui peut se permettre de vendre la baguette à un euro : "Si je prends l'exemple des grandes surfaces qui vendent des baguettes à prix cassé, elles peuvent s'en sortir parce qu'elles vont se rattraper sur les milliers d'articles qu'elles vendent à côté". De l'avis des professionnels, augmenter le prix de la baguette "tradition" à un euro vingt-cinq voire un euro cinquante serait acceptable pour permettre aux boulangers de survivre au tsunami du coût de l'énergie.
Galette des rois à l'amande amère
Jean-Paul Daul prend acte des aides consenties par l'Etat, notamment la prise en charge dès le 1er janvier 2023 de 20% de la facture énergétique des artisans boulangers-pâtissiers. Il demande cependant au gouvernement "de garder les yeux rivés sur le baromètre des entreprises". Bref, de ne pas les lâcher pour leur permettre de survivre à l'hiver. Invité le 5 janvier à la traditionnelle galette des rois à l'Elysée, gageons qu'il saura saisir l'occasion pour rappeler au Président de la République, Emmanuel Macron, que la baguette n'est pas seulement un symbole de la tradition boulangère à la française mais aussi le principal gagne-pain de tout un secteur économique.