Les deux salariées refusent d'ôter leur voile au travail, "la situation reste au dialogue" déclare leur employeur

Deux salariées de l'association d'accueil et d'insertion sociale AARS de Nancy refusent de retirer leur voile au travail comme l'impose la clause de neutralité. Rencontrée dimanche 29 septembre 2024, la direction privilégie la voie du dialogue. La CGT s'inquiète des retombées médiatiques de l'affaire sur les salariés.

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L'atmosphère est pesante dimanche 29 septembre 2024 matin au siège de l'AARS (Accueil et Réinsertion Sociale) à Nancy (Meurthe-et-Moselle). Valérie Jurin, la présidente et Rémi Bernard, le directeur général, nous reçoivent avec bienveillance, mais l'on devine la charge qui pèse sur leurs épaules. L'affaire des deux salariées voilées aujourd'hui en arrêt de travail a pris une telle ampleur qu'ils ont décidé de mettre un terme, au moins pour un temps, aux sollicitations incessantes des journalistes.

À défaut de pouvoir contrôler la tempête médiatique, tous deux expriment le besoin de souffler, de reconsidérer la situation en dehors de toute passion et surtout, de donner toute sa chance à une sortie de crise qui, de l'aveu des deux responsables, aurait pu être réglée en interne explique Valérie Jurin : "nous vivons cet épisode avec beaucoup de difficulté, mais la situation reste au dialogue. Les deux salariées ont pris contact avec nous. Nous allons rester dans un espace de discussion avec elles, car il faudra bien trouver un chemin de sortie, une issue à leurs situations individuelles".

Pas de procédure de licenciement en cours

Contrairement aux bruits qui circulent, aucune procédure de licenciement n'a été à ce jour activée. La situation reste cependant bloquée, les deux salariées estimant le port du voile dans l'exercice de leur profession non négociable et la direction exigeant, conformément à la loi sur le séparatisme de 2021 et le principe de neutralité inscrit dans le règlement intérieur, le retrait en présence du public : "Les valeurs de laïcité et de neutralité font partie de notre projet associatif et nous souhaitons l'exercer avec bienveillance et empathie. Nous avons des missions de service public qui sont très cadrées par la loi. Elles nous imposent la neutralité et le respect de la laïcité. Il y a des milliers de personnes en France qui travaillent dans les organismes publics et qui ôtent leurs signes religieux dans leurs fonctions, puis les remettent en quittant leurs postes. On pensait par le dialogue pouvoir arriver avec elles à cette solution".

Rémi Bernard, le directeur, confirme qu'il n'y a rien à reprocher aux deux salariées sur le plan professionnel. Seul le port du voile, au-delà du cadre imposé par la loi, pose un problème : "ce sont des salariées très compétentes, qui ont un savoir-faire indéniable dans l'accueil et l'accompagnement. Elles mettent en avant que le port du voile les a aidées à certains moments avec des publics venus de pays musulmans, ce que je peux concevoir, mais il y a aussi l'ensemble de la diversité des personnes que nous accueillons. Nos salariés sont souvent le premier accueil sur le territoire français de ces personnes et elles doivent être respectées dans leurs diversités. Souvent, même si on n'en a pas toujours conscience, nos paroles, notre manière d'être, notre manière d'être habillé, cela provoque des représentations et c'est normal. C'est pourquoi, l'accueil doit être le plus neutre possible". 

La CGT demande la suspension du règlement intérieur

Ce lundi matin 30 septembre 2024, l'ambiance est tout aussi tendue au local de la CGT. Le syndicat, majoritaire au sein de l'AARS, déplore "le bazar sans nom" déclenché par la médiatisation de cette affaire et le fait que désormais, "les choses vont échapper aux premiers concernés, les salariés !". Halte au feu ! pourrait résumer sa position. En cela, le syndicat rejoint la direction dans la nécessité de trouver vite une voie d'apaisement.

Pour y parvenir, Monique Debay, déléguée syndicale CGT et secrétaire du CSE pose des conditions : "les deux salariées ne doivent pas être licenciées, la direction doit retirer le règlement intérieur le temps de mettre en place un groupe de travail afin de réfléchir ensemble aux modalités d'application du principe de neutralité ". Car, selon la CGT, c'est l'absence de précision sur les modalités d'application du principe de neutralité dans le règlement intérieur qui est à l'origine du problème.

Inquiétude pour la sécurité des salariés

La sécurité des salariés inquiète aussi le syndicat : "Nous alertons sur les risques de raccourcis et d'interprétations malveillantes sur la gestion associative de cette situation au regard de tous, qui, à notre sens, dans ce contexte tendu peuvent réellement mettre en danger la sécurité des salariés en poste sur le terrain. Nous pensons que nous ne sommes plus à l'abri d'actes malveillants isolés, empreints d'idéologies religieuses et/ ou politiques extrémistes, dirigés vers les salariés de l'association". L'inspection du travail a été alertée sur la situation d'insécurité et les craintes des salariés.

Un climat qui préoccupe aussi la direction. Un conseil d'administration est prévu mercredi 2 octobre 2024 où la situation des deux salariées devrait occuper une bonne partie de l'ordre du jour. Vu le contexte, il pourrait se tenir dans un espace autre que le lieu habituel.

Contacté, le syndicat SUD (Union syndicale Solidaires) qui défend les deux salariés et serait à l'origine de la médiatisation du conflit, n'a pas encore répondu à nos sollicitations.

 

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