À l’occasion du Livre sur la Place 2022, la ville de Nancy reçoit ce vendredi 9 septembre, Denis Muckwege, prix Nobel de la paix en 2018. "L’homme qui répare les femmes", délivre un message universel contre les violences faites aux femmes, et appelle à libérer la parole. Portrait.
"La parole a une puissance", et celle de Denis Mukwege ne laisse personne indifférent. Prix Nobel de la paix en 2018, pour son action en faveur des femmes victimes de viols au Congo, le célèbre Gynécologue de 67 ans est arrivé ce jeudi 8 septembre à Nancy.
Après une visite de la maternité du CHRU de Nancy, Denis Mukwege a appelé à la libération de la parole des femmes : "La parole a une puissance. Les bourreaux utilisent toujours cette stratégie de voler la parole, pour empêcher les victimes de s’exprimer. À partir du moment où les victimes se soumettent à ce jeu du silence, elles deviennent des esclaves de leurs bourreaux, qui peuvent continuer à les violer continuellement."
Nous encourageons les victimes que nous soignons à briser le silence. C’est l’étape la plus importante pour sortir de cet esclavage sexuel, et recommencer une nouvelle vie.
Denis Mukwege
Un message universel, pour permettre aux victimes de se reconstruire. "Aujourd’hui, nous encourageons les victimes que nous soignons à briser le silence. C’est l’étape la plus importante pour sortir de cet esclavage sexuel, et recommencer une nouvelle vie."
Le viol comme arme de guerre au Congo
Surnommé "l’homme qui répare les femmes", Denis Mukwege est né le 1er mars 1955 à Bukavu (alors au Congo belge). Fils d'un pasteur pentecôtiste, il accompagne son père au chevet d’un enfant malade à l’âge de huit ans. C’est là que nait sa vocation de médecin. Il commence à étudier la médecine en 1976, à la faculté de médecine du Burundi avant de s’envoler pour la France, à Angers, pour devenir gynécologue obstétricien.
Il choisit de retourner au Congo en 1989 pour s'occuper de l'hôpital de Lemera, dont il devint médecin directeur. Sept ans plus tard en 1996, la première guerre du Congo éclate. Un conflit d’une rare violence entre des bandes armées pour s’approprier les richesses minières du pays, et où le champ de bataille se passe aussi sur le corps des femmes. Le viol collectif est employé comme une véritable arme de guerre pour terroriser la population.
Des milliers de femmes soignées gratuitement
Peu après le début de la guerre, il est amené à soigner "une femme violée avec une extrême violence" à 500 m de son hôpital. À 44 ans, il décide alors de fonder l'hôpital de Panzi à Bukavu ou il prend en charge gratuitement les femmes victimes de viols et de mutilations génitales.
Il s’agit bien souvent de viols collectifs avec torture, ou l’appareil génital est entièrement détruit par des balles ou des objets tranchants. Il développe de nouvelles techniques chirurgicales, mais aussi un suivi psychologique et juridique.
Face au nombre croissant de femmes mutilées qu’il rencontre, il décide de mobiliser la communauté internationale sur le recours au viol comme arme de guerre. Un engagement salué en 2014 avec le prix Sakharov du Parlement européen, en 2018 par le prix Nobel de la paix. Il vit aujourd’hui sous protection policière après avoir été victime de plusieurs tentatives de meurtre.
Refuser l’indifférence
Face à l’élan de solidarité des occidentaux pour le peuple Ukrainien, Denis Muckewege regrette aujourd’hui un "humanisme à géométrie variable", et appelle les autorités à ne pas fermer les yeux sur ces actes de tortures qui continuent de détruire les femmes congolaises.
"A chaque fois que notre monde a choisi l'indifférence, nous savons ce que cela a eu comme conséquence. L'indifférence est le pire des modes d'action. Si je suis à Nancy, c'est pour dire à la population de soutenir ces femmes très loin d'ici, mais dont nous sommes proches puisque nous partageons la même humanité".
Invité à Nancy dans le cadre du 44e Livre sur la Place, Denis Mukwege, sera présent ce vendredi 9 septembre à l'hôtel de ville de Nancy de 15h30 à 17h30 pour recevoir le prix "livre et droits humains", mention spéciale étranger, pour son ouvrage intitulé "La force des femmes".