Les deux organisations syndicales représentatives des magistrats administratifs appelaient à la grève ce lundi 18 décembre pour protester contre le projet de loi immigration. À Nancy, une trentaine de personnes, dont les treize magistrats de la ville, se sont réunis sur le parvis du tribunal administratif, pour remettre en cause, selon eux, les principes essentiels de la justice administrative.
À Nancy, comme partout en France ce lundi 18 décembre 2023, les treize magistrats et magistrates de la juridiction de la cité ducale protestaient contre le projet de loi immigration, examiné en commission mixte paritaire. Sept députés et sept sénateurs se réunissent pour trouver un terrain d’entente ce lundi. Le texte suscite la colère des magistrats dans l’Hexagone et, entre autres, du tribunal administratif de Nancy.
L’indépendance et la confiance de la justice remises en question
Les syndicats protestent d’abord contre la délocalisation des audiences, qui se déroulent habituellement au tribunal administratif. Le projet de loi prévoit à l’avenir que ces audiences soient délocalisées dans des lieux près des centres de rétention ou en vidéo-conférence.
Selon les magistrats, cela remet en cause toute la qualité du service : "Pour que les requérants aient confiance en la justice, elle doit se donner à voir comme indépendante. Quand une audience n’a pas lieu dans un tribunal, cette confiance est mise à mal puisque le lieu de justice n’est pas identifié comme le tribunal. Et en visio, comment s’assurer que les pièces soient bien transmises quand le juge et l’avocat se trouvent à distance du requérant", s’interroge Anne-Sophie Picque, présidente de l’Union syndicale des magistrats administratifs.
"En visio, comment s’assurer que les pièces soient bien transmises quand le juge et l’avocat se trouvent à distance du requérant"
Anne-Sophie Picque, présidente de l’Union syndicale des magistrats administratifs
Julien Henninger, président du syndicat de la juridiction administrative, poursuit : "Notre crainte n’est pas tant liée à nos métiers. C’est dégrader la qualité de la justice. On a un service public qui doit se rendre dans des conditions qui garantissent son indépendance et son fonctionnement normal".
Un juge unique qui inquiète
Le gouvernement avance comme motif la réduction des coûts budgétaires que représentent les escortes policières pour déplacer les retenus dans les tribunaux administratifs. Anne-Sophie Picque s’en inquiète : "L’impact budgétaire sur les juridictions administratives n’a pas été étudié : les frais de déplacement des greffes, des magistrats, le fonctionnement des permanences, et derrière, c'est toute la qualité du service public qui est en jeu ".
Autre inquiétude, l’article 20 de la loi immigration. Il consiste à instaurer un juge unique au lieu des trois prévus lors de la dernière audience orale de la demande d’asile. Certains s’en inquiètent, de peur de voir des recours rejetés plus rapidement et surtout en plus grand nombre : "La formation collégiale est une garantie d’indépendance, d’impartialité par la confrontation des points de vue qu’elle permet et donc une garantie de qualité" explique la présidente syndicale. Car en temps normal, ces trois juges doivent dégager une majorité. Et avec ce texte de loi, c’est cette impartialité qui serait remise en question.