Mobilisation des étudiants en pharmacie : "La réforme, oui, mais avec nos conditions !"

C'est sous les nuages menaçants que la colère des étudiants en pharmacie a grondé cet après-midi devant l'ARS de Nancy. Ce mardi 21 novembre, ils manifestent un peu partout en France contre la mise en place de la réforme du 3ᵉ cycle qui se profile. Ils réclament un statut proche des internes en médecine et de meilleures indemnités de stage.

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" Pharmaciens en péril ! Bientôt sous Lexomil !" pouvait-on lire et entendre sous les fenêtres de l'ARS ce mardi après-midi à Nancy. Ils étaient plus de 150 étudiants à manifester devant l'Agence régionale de santé contre la réforme du 3ᵉ cycle, qui correspond à la 6ᵉ et à la dernière année de pharmacie. 

La filière attend cette loi depuis 7 ans, mais seulement si elle intègre les revendications étudiantes et celles des universités. Selon eux, le gouvernement ne tient pas compte de leurs demandes pourtant nombreuses. 

De meilleures indemnités de stage, des aides pour le transport et le logement

Ces futurs pharmaciens réclament une revalorisation de leurs indemnités de stage, jugées insuffisantes pour exercer décemment en officine.

Percevoir 550€ par mois pour se loger, se nourrir et se déplacer : c'est strictement impossible ! Surtout lorsque l'on vit loin de chez nous...

Martin Beziaud, étudiant en 4ᵉ année

"Nous ce qu'on demande, pour les étudiants travaillant dans un désert médical, c'est de passer à 1250€ net au total", explique encore Martin Beziaud, également membre de l'ANEPF, l'association nationale des étudiants en pharmacie. Pour ces jeunes qui se consacrent à temps plein à leurs études, la vie est de plus en plus chère et les frais de plus en plus lourds pour leur petit portefeuille. "Et encore, on n'atteindrait même pas encore le SMIC !" poursuit-il. 

Ainsi, ils demandent entre autres la création d'aides forfaitaires pour leur transport et la création d’indemnités d’hébergement en zone sous-dense afin de faciliter l'alternance entre leurs périodes de stage et de cours. L'équivalent de 300€ d'aide au logement. "Aujourd'hui, on est perdant si on fait notre stage loin de la fac. Le stage est à temps plein à 35 heures par semaine, c'est très compliqué de travailler à côté", détaille Renaud, étudiant justement en 6ᵉ année.

En dehors de cette revalorisation, les étudiants réclament aussi plus d'égalité avec leurs homologues inscrits en faculté de médecine. Ils souhaitent la mise en place de Diplômes d'Études spécialisées (DES) : un statut public professionnalisant, qui leur donnerait un coup de pouce supplémentaire pour achever leur cursus. 

Le sort des étudiants en suspens 

Cette réforme du 3ᵉ cycle de pharmacie est déjà sur la table du ministère de la Santé depuis sept ans. En 2016, le ministère de la Santé avait initié ce projet de loi pour réuniformiser les trois filières de pharmacie, mais il est resté lettre morte lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Olivier Véran, alors ministre de la Santé en 2022, avait pourtant relancé le projet, qui s'est finalement fait retoquer par la commission des finances huit mois plus tard. 

Olivier Véran nous avait promis qu'il appliquerait la réforme en tenant compte de nos revendications. Puis François Braun, récemment, lors d'un Congrès de l'Ordre des Pharmaciens. On attend toujours !

Martin Beziaud

La pilule ne passe donc pas pour ces étudiants, ni pour leurs enseignants venus en soutien dans le cortège. La directrice des études de la faculté, Marie Socha déplore le manque de visibilité sur ce projet de réforme. "Il n'y a aucun texte, aucun décret ! Les règles pour les stages changent tous les ans.... Là, ils écrivent la loi alors que les négociations ne sont pas finalisées". Sa voisine, Caroline Sarrado, responsable de la filière officine précise :

Les concertations entre le gouvernement et les facs existent bel et bien, mais il ne tient pas compte de ce que leur remontent les doyens. L'exécutif écrit sa réforme tout seul.

Caroline Sarrado, responsable de la filière officine

Pendant que les manifestants scandaient leurs slogans haut et fort devant l'ARS, quelques pharmaciens venus de Bourgogne-Franche-Comté ont rejoint le mouvement. L'occasion d'alerter les autorités sur la crise de recrutement à laquelle ils font face : le risque de déserts pharmaceutiques se dessine et pourrait s'étendre si le gouvernement n'y ajoute pas ces conditions d'après eux. 

Près de 200 pharmacies ont fermé entre 2021 et 2023 en France, 4 000 ces 15 dernières années.

Donner aux jeunes le pouvoir d'investir les zones rurales serait une solution pour assurer la continuité des soins.

Bruno Bazelin, pharmacien à Ericourt en Haute-Saône

"Dans certains villages, mis à part les boulangeries, les pharmacies restent encore le dernier lien social qu'il reste aux habitants", avance aussi Bruno Bazelin, pharmacien à Ericourt en Haute-Saône. "Il va falloir assurer la bonne répartition des praticiens sur le territoire, sinon on aura le même problème que chez les médecins" ajoute-t-il. 

Une délégation composée du doyen de la faculté de pharmacie Raphaël Duval et des représentants des associations étudiantes - l'ANEPF et l'AAEPN - a été reçue à l'Agence régionale de santé de Nancy à 14h. Ils n'ont pu obtenir qu'une promesse de l'ARS de transmettre les échanges du jour à la Direction générale de l'offre de soins ,ce qui ne convainc pas la délégation pour autant : "Nous nous sommes sentis écoutés, mais pas entendus !" confie Hector Mathieu vice-président de l'AAEPN, l'association amicale des étudiants en Pharmacie de Nancy. "Nous n'accepterons aucune réforme au rabais et le mouvement continuera à Nancy si rien ne change." conclut-il. L'Ordre national des pharmaciens soutient cette manoeuvre. 

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