Les personnels de santé mobilisés dans cinq centres de vaccination de la Métropole du Grand Nancy depuis la mi-janvier manifesteront le jeudi 8 avril à 14h, place Maginot. Ils craignent de voir leurs doses de vaccin détournées au profit de l’ouverture prochaine d’un vaccinodrome.
Ils sont infirmiers, médecins, pharmaciens ou sages-femmes. 420 personnes au total en incluant les personnels administratifs et les bénévoles. Tous se relaient à tour de rôle, 6 jours sur 7, depuis le 13 janvier pour vacciner dans ce centre de l’agglomération nancéienne à Jarville, situé à proximité du quartier de la Californie.
"Ça fait trois mois qu’on vaccine à Jarville à nos frais. Nous avons par exemple acheté le matériel bureautique sur nos fonds propres, nous n’avons aucune aide de l’Etat ni de l’Agence Régionale de Santé", raconte Olivier Babel, infirmier et coordinateur du centre de vaccination. Car de la cartouche d'imprimante au simple produit désinfectant, tout ce qui accompagne l'acte de vaccination est à la charge des soignants, qui doivent être patients pour se faire rembourser. L'État leur fournit uniquement les seringues et les doses de vaccin.
Une mobilisation pour ne pas dire un militantisme de tous les instants pour ces soignants contraints de s’organiser avec les moyens du bord. "On fait de la proximité" explique Olivier Babel, "on vaccine là où nous travaillons. On accueille les moins mobiles, les plus fragiles, les plus précaires." Avec un planning bien rôdé, pour être le plus efficace possible, les équipes vaccinent jusqu’à 150 personnes par jour avec le vaccin Pfizer.
Un ancrage de proximité
Chaque semaine, ces soignants, connaissant bien leur quartier pour y travailler, mettent de côté une cinquantaine de doses pour aller vacciner au domicile des "grands âgés". Ceux qui ne peuvent se déplacer au centre de vaccination. Ils viennent même de mettre en place des chèques de services pour les étudiants en grande précarité. "On est sur de l’action de santé publique, avec un véritable ancrage de proximité" insiste Olivier Babel.
On est sur de l’action de santé publique, avec un véritable ancrage de proximité
Les personnels du centre de vaccination Le Kiosque de Jarville-la-Malgrange pourrait vacciner jusqu’à 400 personnes par jour mais ils n’ont pas les doses de vaccins suffisantes. Alors depuis l’annonce du gouvernement d’ouvrir des vaccinodromes pour accélérer le rythme de la vaccination avec l’ouverture prochaine d’un méga-centre à Nancy dont l’objectif est de vacciner 2.000 personnes par jour, ils craignent de voir leur centre dépouillé de ses doses.
"Chaque semaine, nous recevons un mail de dotation de l’Agence régionale de santé. Pour cette semaine, nous avions demandé 700 doses pour le centre de Jarville - pour pouvoir effectuer les rappels, les premières injections - les rendez-vous sont pris. On nous en annonce seulement 300. On ne pourra donc vacciner que les rappels. Et on va devoir déprogrammer les rendez-vous pris et donc revoir nos plannings, les gens n’y comprennent plus rien et le centre doit fermer faute de doses, comme aujourd’hui mercredi par exemple" s'agace l'infirmier.
Un constat partagé par chaque centre de vaccination de l’agglomération de Nancy. "Vous retirez 350 doses à chaque centre de vaccination, que vous multipliez par les cinq centres de l’agglo. Cela vous fait 1.750 doses que vous détournez pour le vaccinodrome" calcule Olivier Babel.
Les personnels de santé ne sont nullement opposés au principe du vaccinodrome, bien au contraire, mais pas au détriment des centres de vaccination. Une position partagée par Mathieu Klein, le maire de Nancy et président de la Métropole, "Pour qu’un méga centre fonctionne, pour que nous puissions aller jusqu’à vacciner 2000 personnes par jour, ce sont de nouvelles doses dont nous avons besoin et non d’une répartition des doses des centres de vaccination."
Pour qu’un méga centre fonctionne, pour que nous puissions aller jusqu’à vacciner 2000 personnes par jour, ce sont de nouvelles doses dont nous avons besoin et non d’une répartition des doses des centres de vaccination
D’autant qu’il n’est pas évident que le public de Jarville se déplace au centre Prouvé de Nancy, lieu du futur vaccinodrome et distant de plusieurs kilomètres. Autant de raisons qui pousseront les personnels de santé à se mobiliser ce jeudi 8 avril 2021. Aucune revendication syndicale mais une action symbolique pour faire entendre leur ras le bol quant aux effets d’annonce du gouvernement avec des conséquences importantes sur le quotidien rendu déjà compliqué. Depuis mi-janvier, tous donnent de leur temps, parfois bénévolement, pour vacciner dans ces centres.