La session de rattrapage du Festival Musique action, qui se déroule à Vandœuvre-lès-Nancy, du 30 septembre au 03 octobre, se veut éclectique, pleine de curiosités sonores, d’inventions déraisonnables, mais passionnantes. Avec, comme à chaque fois aussi, un accès gratuit à certaines d’entre elles.
Entrée libre…
Deux mots qui signifient que, pour vivre l’expérience immersive proposée dans le cadre du festival Musique Action, 37e édition, session de rattrapage à Vandœuvre-lès-Nancy, du 30 septembre au 03 octobre 2021, vous n’aurez besoin de rien d’autre que vos sens et votre pass sanitaire.
On est au tout début d’une nouvelle ère numérique.
"Volumes" est une installation en réalité virtuelle imaginée par le Nancéien Mathieu Chamagne.
Vous allez pouvoir déambuler dans un espace vide, mais une fois le casque de réalité virtuelle sur la tête, vous serez prêts à explorer un tout autre univers. Un peu comme si vous étiez dans une pièce parallèle. Vous allez pouvoir manipuler des objets sonores et composer votre propre musique. Plus vous explorez l’espace et ses possibilités, plus vous touchez du bout des doigts les infinies possibilités offertes par l’artiste.
Pour Mathieu Chamagne, "Le numérique offre la possibilité de fabriquer des choses de façon illimitée et d’imaginer des univers tout entier. On peut fabriquer des objets sonores, les voir, les manipuler, les entendre. On est au tout début d’une nouvelle ère numérique." En 2019, nous avions réalisé un reportage sur une étape de ce travail.
Là, on est vraiment dans une œuvre d'art contemporain.
En 2021, l’installation s’est développée, comme nous l’explique Olivier Perry directeur du Centre Culturel André Malraux (CCAM) à Vandœuvre-lès-Nancy.
"Le public entre dans un espace virtuel qui est un instrumentarium, dont il ignore les règles. Quels sont ces instruments ? Comment on en joue ? Il faut essayer, les manipuler. C’est un système complexe très sophistiqué en réalité virtuelle avec des "trackers" qui permettent de repérer les personnes et leurs gestes dans l’espace. Chacun peut devenir instrumentiste. Évidemment, il y a un travail de programmation informatique, mais il y a aussi un travail visuel magnifique. Il y a une direction artistique et sonore très forte. C'est vraiment un objet de création musicale. Souvent, quand on rentre dans des formes en réalité virtuelle, on a des univers graphiques et sonores très stéréotypés. Là, on est vraiment dans une œuvre d’art contemporain. La grande force de Mathieu Chamagne est qu'il a détourné tous les outils du numérique y compris un peu la forme que l’on peut trouver dans les jeux vidéo. Mais ici, on se retrouve dans un paysage singulier pour faire vivre aux gens une véritable expérience de création artistique contemporaine."
Volumes est une installation ouverte et gratuite tout le temps du festival.
Anthony Laguerre et les Percussions de Strasbourg
Dans les incontournables de la programmation, on peut retenir aussi la présence d’Anthony Laguerre, lui aussi Nancéien, aux côtés des Percussions de Strasbourg avec "Myotis V".
Compositeur, improvisateur et ingénieur du son, Anthony Laguerre cheminait dans le rock, la noise ou encore la musique improvisée. On le connaît aussi pour ses explorations de la batterie.
Olivier Perry suit de près son parcours : "C’est quelqu’un qui est en recherche permanente de nouveaux paramètres, pour pouvoir manipuler un instrument qui est relativement canonique, la batterie. Dans son solo, "Myotis", il utilisait la tension des peaux de l’instrument. Il allait même jusqu’à modifier la tension des peaux pendant l’exécution de la pièce en public. C’est un instrumentiste qui repousse, sans cesse, les limites de son instrument avec une virtuosité exceptionnelle. Il y a une dimension un peu "Jimmy Page" chez Anthony. Comment faire sonner différemment cette batterie tout en restant dans le périmètre circonscrit par cet instrument, il y travaille. Il a grandi au CCAM, d’abord avec Dominique Repecaud puis en manifestant aussi un goût pour l’écriture et la transmission. Écrire pour d’autres et transmettre cette matière, ainsi, petit à petit, est né le désir de travailler avec des ensembles."
"Les percussions de Strasbourg sont un ensemble qui va d’ailleurs fêter son 60e anniversaire.
Cet ensemble a défini le format d’orchestre de chambre pour percussions. Le sextet pour percussions a été inventé à Strasbourg, il y a 60 ans. Un format reprit dans le monde entier. Ces dernières années, cet ensemble s’est remis en recherche de rencontres comme celle avec Ryoji Ikeda au Festival Musica de Strasbourg 2020.
L’équipe est dans le désir aussi d’explorer de nouvelles formes. Ils ont fini par se rencontrer. Anthony a apporté la matière de son solo initial, mais avec cette idée que, lui, ne serait pas instrumentiste de la pièce. Depuis un pupitre son, il '"joue de leur interprétation". Il travaille sur l’amplification. Il va chercher des micro-sons, et il va les amplifier. L’idée est de faire entendre les sons que l’on n’entend pas habituellement. Les petits sons ténus, qui sont quasiment inaudibles dans l’exécution d’une pièce, se retrouvent portés au premier plan. Un peu comme si dans une image vous alliez chercher le tout petit détail et que vous opériez un zoom. C’est un projet qui a une dimension expérimentale, mais qui a aussi l’énergie rageuse de la musique d’Anthony."
Piano préparé du XXIe siècle
Le teaser, de "pianomachine" posté par les artistes, est très intrigant.
Le piano nous parle. Il semblerait que ce soit le piano qui joue de la pianiste...
Olivier Perry nous éclaire à ce sujet : "Claudine Simon, à la base, est une pianiste instrumentiste classique, qui s'est posé la question : Ce serait quoi, le piano préparé au XXIe siècle. Au XXe siècle, un musicien américain, Heny Cowell, a eu l'idée d'ouvrir le piano, de jouer directement avec les cordes et de ne plus passer par le clavier. Ensuite, John Cage pose le principe du piano préparé. Pour "Pianomachine" Claudine Simon et Vivien Trelcat ont travaillé avec des écoles d'ingénieurs pour imaginer des dispositifs qui viendraient perturber le fonctionnement normal du piano. Des systèmes motorisés se baladent sur les cordes du piano par exemple. Le piano du monde numérique est un peu monstrueux. Ils détournent le piano pour mieux le réinventer, pour en tirer un élément de création musicale. Le piano lui-même devient une forme de scénographie et on peut imaginer projeter sur un écran ce qui se passe à l'intérieur de ce piano. Claudine Simon fait partie de la nouvelle génération de compositeurs et compositrices. C'est une figure féminine majeure, qui est en train d'émerger."
Révolte, urgence et rage
Olivier Perry nous propose une découverte en collaboration avec l’Opéra National de Lorraine, salle Poirel, le 2 octobre. Celle d’un compositeur américain dont on redécouvre actuellement le travail.
"Les premières notes d'Evil Nigger résonnent comme une sirène d'incendie, comme un appel à la révolte. Rarement une composition musicale aura été habitée par un tel sentiment d'urgence et de rage. Cette grande soirée, avec quatre pianistes, propose de redécouvrir l’un des plus grands compositeurs du minimalisme américain."
Julius Eastman est mort dans l'anonymat en 1990 et bon nombre de ses partitions ont été perdues. Injustement méconnu, son travail fait l’objet de redécouvertes récentes.
À noter aussi à la MJC Lillebonne, le rendez-vous du matin avec "Les Chroniques". Le musicologue Guillaume Kosmicki invitera des artistes, pour des discussions en public.
Musique traditionnelle musique électronique, musique d’improvisation, éclectisme et curiosité, le festival Musique action, session de rattrapage 2021 s'annonce passionnant.