Printemps : le secret des fleurs à bulbe au Jardin botanique de Nancy

Le sirocco a fait son coup en douce la veille. Le ciel demeure opaque et le soleil peine à traverser la couche nuageo-sableuse. Le Jardin botanique Jean-Marie-Pelt de Villers-lès-Nancy semble un peu engourdi par le phénomène. Pourtant le printemps pointe le bout de son nez et promet de belles heures colorées. Après une bonne pluie.

Le rendez-vous est désormais régulier. Chaque mois, un expert du Jardin Botanique Jean-Marie-Pelt de Villers-lès-Nancy présente son métier passion. Et chaque mois c'est l'occasion de s'émerveiller devant des plantes et de s'enthousiasmer avec les femmes et les hommes qui y consacrent leur temps. 

En cette mi-mars il a été convenu d'être plus guilleret et d'aller voir les fleurs pointer le bout de leurs nez. Les plantes à bulbes ont entamé leur ballet et c'est avec Karim Benkhelifa, responsabe du département des collections tempérées -que nous avions déjà rencontré dans la graineterie-, que notre balade au jardin débute.

Nous avions pourtant calculé le jour de la rencontre et vérifié que la météo serait propice aux belles photos. Mais c'était sans compter sur le coup de sirocco venu du Sahara qui donne à notre promenade couleurs sépia, ambiance tamisée et goût sablé sur les lèvres ! Karim Benkhelifa s'inquiète un peu pour ses protégées : "Il faudrait que ce soit lavé par une bonne pluie. C'est pas bon pour leur respiration et leur photosynthèse." Il est vrai que les feuilles recouvertes de sable ressemblent à des imperméables de cyclomotoristes. 

Une palette de fleurs et de couleurs

200.000. C'est le nombre vertigineux de fleurs à bulbes dispersées dans le Jardin botanique depuis 2016. Même si le parc compte 25 hectares, il est difficile de s'imaginer que les jardiniers y ont planté autant de bulbes.

Karim Benkhelifa, devant nos yeux ébahis de jardinier du dimanche, nous rassure : "Pour la plupart, ces bulbes ont été plantés de façon mécanisée." En clair, quand une zone de plantation est suffisamment vaste, c'est une machine à trois temps qui opère : elle vient décoller la pelouse, déposer les bulbes sur la partie découverte et reposer la pelouse sur les bulbes. Crac, boum, hue. L'effet de masse des bulbes ainsi plantés est spectaculaire en cette période de floraison. Effet que Katia Astafieff, directrice adjointe du jardin qualifie joliment de "pelousage de crocus".

Pour les autres plantations, plus diffuses ou réparties dans les sous-bois, et autres espaces où la machine ne peut pas passer, les jardiniers ont eu le coup de main de jeunes en chantiers d'insertion, venus du quartier d'Haussonville ou en chantier pédagogique avec les écoles. Karim remarque qu'il n'est pas rare "que les gamins reviennent voir le jardin au printemps." La fierté d'avoir participé à un beau projet.

Bien sûr tous ces bulbes n'ont pas été déposés ici et là par hasard. L'objectif premier des initiateurs de ce projet, le directeur Frédéric Pautz et Karim Benkhelifa, alors responsable du parc, c'est que le jardin soit fleuri le plus longtemps possible. Mais aussi qu'il soit fleuri dès l'entrée pour ravir les visiteurs. Les deux hommes font alors appel à des spécialistes pour sélectionner les variétés, horticoles et botaniques, qui s'échelonneront au mieux tout au long des saisons.

Les visiteurs peuvent se laisser guider par une sorte de fil d'Ariane de narcisses et de crocus, de jonquilles et de muscaris au tout début du printemps, puis s'attarder devant ce que Karim Benkhelifa appelle des "banquettes" ou des "tapis" (on se croirait dans son douillet salon) de tulipes multicolores quand le soleil se fera plus ardant. Enfin, ils se laisseront séduire par les effets de perspectives créés au détour des allées. 

Et de fils en banquettes, le public parvient dans les parties hautes du jardin où se trouve notamment la zone des plantes alpines, où se trouvent les tout premiers bulbes du jardin. 

Le festival de couleurs à déjà débuté depuis février avec les blancs perce-neige, leurs ressemblantes cousines, les nivéoles et certaines variétés précoces de crocus et de narcisses ainsi qu'avec les moins connues helléborines (ou eranthis ou aconit d'hiver) de jaune vêtues.

En mars s'ajoutent les hellébores avec une superbe collection -initiée en 2020- aux couleurs surprenantes, située à droite de l'entrée du jardin. On les connaît souvent roses, vous les découvrirez parmes, pourpres, blanches et noires. Il en existe même une variété "slaty blue", devant laquelle Karim s'étonne "Je ne sais pas ce qu'elle a de bleu celle-ci d'ailleurs !". Mais n'empêche, leur diversité fait plaisir à voir.

Levez le nez, aussi, sur les feuilles des arbres pour admirer le vert tendre des jeunes feuilles. C'est le moment "où les plantes débourrent" selon le terme consacré. 

Les rhododendrons débutent aussi leur floraison en ce mois de mars. L'espace qui leur est consacré en fond de vallon, tout en haut du jardin transporte les visiteurs dans un autre monde. Plus sombre, plus abrité, l'endroit laisse encore moins parvenir les bruits environnants et il y règne une odeur de sous-bois. Ne le loupez pas !

Puis viendra le tour des variétés plus tardives de crocus, de narcisses et jonquilles (une douzaine de variétés différentes), également accompagnés des tulipes multicolores. Toutes choisies et réparties justement pour que leur fleurissement s'étale de février à mai et égaye toutes les zones du jardin. Le responsable du parc, pas peu fier du résultat désigne un parterre de crocus et s'enflamme, tel un excellent poéte commercial : "Voyez cette petite banquette, elle est partie pour trois mois." Et devant un autre parterre d'ajouter cette variante plus musclée. "Jusque fin mai, ici, il y aura du bulbe !".

Viennent aussi quelques aulx ornementaux et enfin, à l'arrivée de l'été et jusqu'au début de l'automne, les lys et les dahlias trôneront dans trois gros cercles immanquables au milieu d'une pelouse. 

Une petite visite s'impose chaque mois pour faire le tour de la palette offerte.

La cerise sur le gâteau

Là où les concepteurs du projet l'ont joué malins, c'est que ces plantes à bulbes ne demandent que peu d'entretien. Une fois placée dans le sol, elles se "naturalisent". C'est à dire qu'elles s'adaptent à leur milieu (sauf si le sol retient trop l'eau) et qu'elles se développent en multipliant leurs bulbes. Ainsi, d'année en année, elles colonisent les espaces dans lesquels elles ont été plantées. 


Il leur suffit d'un peu d'engrais naturel, comme de la potasse "pendant que ça vit" précise Karim Benkhelifa, puis il convient de respecter leur cycle de vie complet. C'est-à-dire, attendre que la fleur fane. Pendant toute la période de végétation, grâce à la photosynthèse, la plante capte l'énergie du soleil, la transforme et la stocke dans son bulbe, organe de réserve.

A l'issue de la floraison, vient la fanaison, qu'il faut respecter aussi le plus longtemps possible. Ensuite les jardiniers qui ne tondent pas ces zones "bulbées" tant que les plantes ne sont pas fanées, ont l'autorisation d'aller raser la zone. Ce qu'on nomme de la fauche tardive. Une courte période où les banquettes et autre tapis font jaune mine avant que la pelouse ne reprenne du poil de la bête avec les premières pluies. 

"Et paf c'est fait !" se félicite le botaniste. Pas le même travail en effet qu'un massif fleuri d'entrée de ville avec ces annuelles à renouveler et ses espaces à désherber régulièrement.

Un travail d'entretien à minima pensé par les jardiniers dès le départ. Un gros effort  à la plantation, un gros effort financier d'un coup, "le coût d'une belle voiture" déclare Karim avec un brin de malice. Et peu d'entretien pour des parterres au long cours. "Ça se débrouille."

Visiteurs d'un jour, visiteurs toujours

Mais le jardin, au-delà des plantes, des fleurs, des arbres, au-delà des couleurs et parfois des senteurs, c'est le plaisir des rencontres. Celles avec les promeneurs qui déambulent et vous saluent gentiment quand ils vous croisent, reconnaissant en vous l'amour de la nature qu'ils sont. Comme les spectateurs d'un feu d'artifice, on ne peut s'empêcher d'entendre les exclamations des uns et des autres devant les couleurs des plantes. C'est aussi là, au détour d'un chemin que vous surprenez un groupe en train de tenter de se prendre en photo. Où Karim, en bon représentant du jardin se porte volontaire pour appuyer sur le bouton photo du smartphone. "Ouistiti !"

Ce petit coin de nature est le lieu idéal pour rencontrer qui, un insecte, qui, un papillon, ou surprendre des chants d'oiseaux qui ponctuent votre flânerie. Ne soyez pas étonné non plus si un canard vous coupe la priorité au détour d'un carrefour, pour rejoindre sa mare préférée. Quant à nous c'est un écureuil furtif qui arrache à Laura, l'alternante du service communication, un joyeux, "Oh ! Un écureuil ! Mon animal préféré !"

Ce à quoi, Katia ne peut s'empêcher de renchérir : "Moi, mon animal préféré c'est l'ours !". Rassurez-vous, contrairement à elle dans le grand Nord Canadien, vous n'en rencontrerez pas dans le jardin. 

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