Deux entreprises françaises, situées à Nancy et Lyon, se sont lancées ensemble dans la course mondiale aux biothérapies. En s’associant dans un projet nommé Bio-Diamond, elles ont pour objectif de devenir leader d’une technologie émergente : la culture d’organes sur puces microfluidiques. Pas de panique, on vous explique.
Dans un avenir proche, les chercheurs pourront tester des médicaments sur des neurones cultivés sur des puces microfluidiques. Il s’agit de plaques de verre, de silicium ou de polymère, qui peuvent tenir dans une main, dans lesquelles sont encapsulées des cellules neuronales. De véritables laboratoires sur des puces miniatures.
Actuellement, une course mondiale est lancée pour le développement de cette technologie, qui permettra de tester des médicaments de façon moins onéreuse et en évitant les tests sur les animaux. C’est pour gagner cette course, que deux entreprises françaises se sont associées : ETAP-Lab à Nancy et NETRI, à Lyon, par la voix de leurs PDG respectifs, Nicolas Violle et le Docteur Thibault Honegger. Elles ont remporté ensemble, en novembre 2022, l’appel à projets "Innovations en biothérapies et bioproduction", financé par le gouvernement dans le cadre de France 2030.
"Cette technologie est prometteuse", nous explique Nicolas Violle, PDG de la société ETAP-Lab. "Elle va changer la façon dont on teste les médicaments." Notre partenaire NETRI développe des dispositifs très performants pour les organes sur puces, en particulier les neurones. NETRI est expert en matériaux. Nous avons, nous, un savoir-faire sur la modélisation 3D de pathologies dans des systèmes biologiques. On va être capable de cultiver dans leur dispositif des cellules d’origine humaine. On va avoir ce qu’on appelle un "cerveau sur puce", qui va reproduire des caractéristiques du cerveau en miniature que l’on n’est pas capable d’avoir actuellement avec des cultures cellulaires classiques. De ce fait, on va pouvoir étudier beaucoup mieux les pathologies neurodégénératives et aider à la recherche de traitements."
Plus surprenant, ETAP-Lab va travailler à "mimer la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou encore la sclérose en plaques et d’autres maladies neurodégénératives grâce à ces cerveaux sur puce." En clair, ils vont rendre ces cellules malades pour être le plus près possible de la réalité. "L'objectif est de tester des médicaments.", indique Nicolas Violle.
Un accélérateur pour la recherche
Aujourd’hui, le développement d’un médicament coûte environ un à deux milliards d'euros, de l’idée de départ jusqu’à son arrivée sur le marché. Cette technologie permettra de réduire le nombres de "molécules candidates" plus rapidement. Il s'agit de sélectionner celles qui fonctionnent chez l’Homme. Elle limitera aussi le recours à des animaux pour les tests en phase préclinique. "Elle fait partie des méthodes alternatives sur lesquelles les scientifiques travaillent dans le cadre d’un objectif sociétal et éthique."
Un autre avantage qui se profile pour l'avenir et pas des moindres. Cette technologie pourrait permettre, à terme, de lancer plusieurs tests en même temps et pourquoi pas d’accélérer la recherche de traitements sur ces pathologies neurodégénératives. Nous n’en sommes pas encore là. Les deux entreprises sont financées par le gouvernement dans le cadre de France 2030 pour apporter une preuve de concept. Elles doivent prouver que leurs modèles de puces microfluidiques peuvent être utilisés de manière efficace pour faire de la sélection de médicaments. Après quoi, elles pourront passer en phase d’industrialisation des process. "On a tous les éléments. On sait qu’en les mettant ensemble cela doit fonctionner. Nous sommes plutôt sur une phase de pré-industrialisation.
NETRI est en train de construire des usines pour augmenter sa production. Elle connaît aussi une phase d’accélération importante. Ils ont besoin de montrer la pertinence de l’utilisation de leurs puces pour les effets médicamenteux et nous sommes complémentaires avec notre savoir-faire en biologie et pharmacologie. Notre ambition est d’être les leaders sur cette technologie."
Une première biobanque privée française
Une biobanque, c’est un stock de cellules saines. Des cellules souches reprogrammées pour devenir des neurones ou de la peau par exemple. "Ce sera la première biobanque privée, créée en France dans le cadre de ce projet. C’est un élément important pour la souveraineté nationale. Actuellement, les biobanques sont, soit universitaires, donc difficiles à utiliser pour les industriels, soit il s’agit d’importation, hors union européenne, avec les inconvénients que l'on sait."
Pour Nicolas Violle c'est un projet gagnant-gagnant. "C’est un projet à cinq millions d’euros en biothérapie pour la compétitivité de la France et sa réindustrialisation. Les puces sont fabriquées sur le territoire français, les essais sont réalisés sur le territoire français. C’est un soutien à la filière pharmaceutique française." Un projet qui pourra créer au moins une quinzaine d’emplois très rapidement, des postes de biologistes, mais aussi des techniciens de laboratoire.