Témoignages. Coronavirus : mobilisés au CHRU de Nancy, trois étudiants et une formatrice racontent leur quotidien

Etudiants infirmiers, étudiants manipulateurs radio, en formation au métier d’assistant de Régulation Médicale… Ils sont plus de 350 et une quinzaine d'encadrants à avoir répondu à l’appel à volontaires pour rejoindre les services du CHRU de Nancy. Ils témoignent.

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Etudiants infirmiers, étudiantes pour devenir manipulateurs radio, en formation au métier
d’assistant de régulation médicale… Ils sont plus de 350 à avoir répondu à l’appel à volontaires pour rejoindre les services du CHRU de Nancy. Avec eux une quinzaine d’encadrants de leurs écoles.
Un mois après le début de cette crise, ils ont accepté de témoigner. Comment vivent-ils cette situation? Comment ont-ils été préparés? Pourquoi n'ont-ils pas tous droit à une indemnité ? Voici leurs réponses.

"Je me suis énormément interrogée sur la vie et la mort"

Marie est élève infirmière en 3e année à Nancy
"J’ai été affectée le 18 mars dans une unité de soins intensifs, qui est très vite devenue une réanimation Covid.
J’avais envie de me sentir utile et de vivre cette crise sanitaire sur le terrain. Une situation qui permet à la fois d’aider tout en continuant acquérir de l’expérience et de la maturité. Cela me permet également d’apprendre pendant une situation de crise. Ce qui me sera très utile pour plus tard.
Ces quatre semaines ont été très riches en émotions. Je suis un peu passée par toutes les étapes.
J’ai commencé par l’appréhension à l’idée de commencer dans un nouveau service ; par le stress de la situation de crise ne pas savoir quoi faire ni quand le faire ; par la peur, la tristesse. Je me suis énormément interrogée sur la vie et la mort. Mais, j’ai eu aussi la joie de pouvoir donner un yaourt et de voir le bonheur qu’il peut procurer à une personne qui vient d’être extubée. Tous ces moments m’ont fait gagner énormément en maturité, en expérience bien plus que tous ces mois de formation."

"J’étais un petit peu anxieuse d’aller en service de réanimation"

Manon est étudiante manipulatrice d'électroradiologie médicale (IFMEM) à Nancy
"J’ai été réquisitionnée dans le cadre de l’épidémie pour aller travailler dans un service de réanimation dédié au Covid 19 à l’hôpital central du CHRU de Nancy.
Je me suis portée volontaire car, tout simplement, dans le contexte actuel, la moindre petite aide est précieuse. J’ai l’occasion d’aller aider, donc je le fais sans trop me poser de question. Si, j’ai l’occasion ne serait-ce qu’un tout petit peu de soulager les journées des équipes du service dans lequel j’ai été réquisitionnée, je le fais avec plaisir.
Je dois dire que j’ai été très bien accueillie, très très vite, par toute l’équipe. Tout le monde a été super avec moi. J’étais un petit peu anxieuse d’aller en service de réanimation. C’est quand même particulier et relativement lourd. Mais, j’ai été mise à l’aise tout de suite.
En ce qui concerne ma mission, je réponds aux appels des familles. Je les mets en relation avec le personnel soignant qui est là pour donner des nouvelles et rassurer au mieux. Pour l’instant tout se passe bien."

Les manipulateurs radio ont été oubliés par le système de santé et ne sont pas reconnus à leur juste valeur.
- Manon, étudiante en électroradiologie

"J’aimerais soulever une certaine inégalité de reconnaissance qui est présente entre les différents métiers du corps médical. Les médecins, infirmiers, et aides-soignants font un travail extraordinaire. La question n’est pas là. Le souci est que certains métiers qui sont tout autant important ne sont pas autant reconnus. Les manipulateurs radio, par exemple, vont réaliser les scanners thoraciques ou les radios pulmonaires qui sont indispensables à la prise en charge du COVID-19. Ils sont en première ligne et tout autant vulnérables que les autres soignants. Pourtant, encore une fois, ils ont été oubliés par le système de santé et ne sont pas reconnus à leur juste valeur."
"Si je dois ajouter une dernière chose : Si vous voulez aider le personnel soignant il faut rester un maximum chez vous. Je sais que c’est désagréable pour tout le monde mais c’est nécessaire.’’
Manon en témoigne, tous les étudiants ne sont pas à la même enseigne. Dans le Grand-Est, seuls les élèves-infirmiers et les élèves aides-soignants peuvent bénéficier d’une indemnité de 1400 euros net pour les premiers, 1000 euros nets pour les seconds.
De leur côté, les étudiants manipulateurs radio ont lancé une pétition en ligne et une chanson pour exprimer leurs revendications.

Trois semaines en salle de crise au SAMU 54

Sébastien est ambulancier en reconversion au centre de formation des assistants de régulation médicale (ARM) au CHRU de Nancy.
"Avec cette crise sanitaire du Coronavirus, c’est vrai qu’on nous a proposé d’être volontaires pour aller répondre aux appels en salle de crise au SAMU 54 ou au SAMU 57. Pour nous celait voulait dire vivre cela de l’intérieur en étant le premier maillon de la chaîne en tant qu’assistant de régulation médicale. J’ai donc passé trois semaines en salle de crise au SAMU 54. Et malgré l’ampleur dramatique de la situation c’est vrai que cela a été une très bonne expérience pour moi de voir cela de l’intérieur.
Surtout que l’on venait de faire une semaine de cours théorique sur les situations sanitaires exceptionnelles.
On a été très bien encadré pour répondre aux appels en salle de crise. Il y avait toujours des médecins urgentistes du SAMU avec nous et des ARM référents.C’est vrai que tout était mis en oeuvre pour qu’on soit dans les meilleures conditions.
Moi, j’avais déjà eu la chance de faire un stage métier pratique au SAMU 54, donc je connaissais déjà le logiciel. Cela m’a permis d’être rapidement dans le bain."

L’une des difficultés pendant cette crise, c’est de voir le virus évoluer tous les jours.
- Sébastien, étudiant ARM

"On faisait tous les jours une mise au point avec les référents et les médecins pour voir comment orienter nos réponses par rapport aux sollicitations des appelants.
Quand il y avait des pathologies associées avec des risques accrus, il fallait passer l’appel au médecin. Et c’est vrai qu’on avait toujours un petit peu des interrogations de savoir s’il fallait passer l’appel ou pas. Mais on a toujours été bien encadrés pour prendre les meilleures décisions.
Maintenant je suis de retour à la maison, confiné avec ma femme et mon fils et du coup je sais mieux que quiconque l’importance de ce confinement. Restez chez vous! »

"Les étudiants seront différents au retour"

Myriam Vin est formatrice à l’institut de formation en soins infirmiers à Nancy.

Cette situation est inédite pour les étudiants certes, mais aussi pour les équipes hospitalières.
- Myriam Vin

"J’ai été nommée pour être avec deux autres collègues référente des étudiants qui sont réquisitionnés pour le pôle enfant néonatologie, c’est-à-dire hôpital d’enfants et maternité. Nous avons découvert, effectivement, une situation inédite pour les parents de tous nos jeunes étudiants avec une crainte importante qu’ils soient réquisitionnés, qu’ils soient malades ou qu’ils apportent le virus au niveau de leurs proches.
Sur le pôle enfant néonatologie–hôpital d’enfants maternité régionale, Nous avons préparé les étudiants le week-end qui a précédé en les appelant en leur expliquant ce qu’on allait faire. Et puis surtout une première journée qui a été consacrée à les accueillir de la part de puéricultrices, de la part de l’encadrement. Chaque étudiant a reçu une formation spécifique. Il s’agissait de les préparer, d’une part, à ce que l’on allait attendre deux, mais également pour les informer de ce que l’on savait de ce virus et des précautions à prendre.
Ce que l’on attend d’ eux, c’est une adaptabilité importante, bien évidemment. Pour nos étudiants de première année, les missions qui leur ont été confiées sont des missions d’agent des services hospitaliers (ASH). Elles assurent le bio-nettoyage du hall et de certains services : des ascenseurs, des lieux de passage. Elles assurent l’accueil des familles. Elles doivent leur indiquer comment se laver les mains et pourquoi se laver les mains. Les deuxièmes années, elles ont été missionnées sur des tâches d’auxiliaire de puériculture. Et les troisièmes années, pour ne pas les mettre en difficulté, ont toutes été positionnées au niveau de la maternité en médecine néonatologie de façon à prendre en charge les enfants sans avoir à administrer des médicaments."

Evidemment que les étudiants seront différents au retour.
- Myriam Vin

Là, ils ont été confrontés à quelque chose auquel ils ne se préparaient absolument pas. Je crois qu’on va avoir deux sortes d’étudiants: ceux qu’on ne reverra pas car ils viennent de se rendre compte que ce métier pour lequel ils se destinaient, ne leur correspond pas, qu’ils n’arrivent pas à y faire face. Et puis nous aurons ceux, une grande majorité des étudiants, qui auront mûri beaucoup plus en quelques semaines que parfois en trois ans d’études. Ils ont compris déjà, dès maintenant ce qu’était le travail en équipe, le respect des uns et des autres et l’importance aussi de l’hygiène au niveau de nos soins infirmiers."
 
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