Entre malades, cas contacts et protocole sanitaire changeant à respecter, les professeurs ont de plus en plus de mal à faire cours depuis début 2022. Nombre d’entre eux seront en grève jeudi 13 janvier pour dénoncer la méthode Blanquer et le protocole sanitaire en vigueur.
Après quelques coups de fils, ce sont toujours les mêmes mots qui reviennent : "C'est la cata, c'est le feu à l'école".
Depuis la rentrée, les profs jonglent entre les cas covid, les cas contacts, les parents à prévenir, les documents à vérifier, le travail à assurer en classe et pour les élèves à la maison, le tout avec un protocole très contraignant à faire respecter. Trois enseignants ont accepté de témoigner malgré leur emploi du temps tendu.
L'école comme garderie
C'est la pire vague à gérer.
Tristan* est professeur des écoles en maternelle dans l'agglomération de Nancy, il a eu jusqu'à neuf élèves absents depuis la rentrée, mais en moyenne ce sont chaque jour trois ou quatre élèves qui manquent à l'appel.
"C'est très difficile de faire classe, la semaine dernière c'était de la folie, les gamins étaient toujours en train de faire des tests, je ne pouvais rien prévoir. En maternelle, les enfants n'expriment pas leurs symptômes et ils ont toujours le nez qui coule. Il faut faire avec, mais la gestion de la crise sanitaire a cette fois totalement pris le pas sur notre capacité à accueillir les enfants. On passe un temps fou le matin à vérifier les tests et les attestations.
L'école est devenue une garderie, on doit aussi gérer la frustration des parents qui nous font payer l'improvisation du gouvernement. C'est la pire vague à gérer car elle touche tout le monde", se désole l'enseignant.
Pour ce prof expérimenté, oui, il aurait fallu décaler la rentrée d'une semaine et établir un protocole sanitaire plus tôt, afin que tous, enseignants et parents aient le temps de le découvrir et de le comprendre.
"A la rentrée, les parents étaient complètement perdus, il m'est arrivé de devoir montrer comment fonctionne un autotest le matin devant l'école ! Les parents qui ne veulent pas que leurs enfants soient testés car ils sont petits prennent les sept jours d'arrêt mais les enfants reviennent sans être testés, ils peuvent donc être positifs, c'est assez insoluble."
Ce professeur qui travaille aux côtés d'enfants non masqués et non vaccinés fait un autotest tous les matins. "Ma position, c'est qu'il aurait fallu distribuer des autotests via les écoles et on aurait testé les enfants, une fois par semaine, le lundi, pour commencer la semaine. Ça aurait été plus cohérent et au final ça aurait sûrement couté moins cher que des PCR à tout va".
La communication avec les parents est elle aussi malmenée par la crise. "Le premier interlocuteur, c'est le maître pour les parents qui ne se privent pas de nous dire que ces tests à répétition c'est du grand n'importe quoi. Ça nous rajoute une bonne couche de galère dans une école qui ne tourne déjà pas très bien".
Des protocoles intenables
J'ai 10.000 choses à gérer et je suis déjà épuisée.
Sophie est professeure des écoles en décharge de direction dans l'agglomération de Nancy. Contrairement au secondaire, il n'y a pas de personnel administratif, les professeurs-directeurs doivent tout gérer de front.
"C'est le 50ème protocole sanitaire, on n'en peut plus. On nous demande déjà de mettre en oeuvre ce qu'a dit Jean Castex hier soir (lundi 10 janvier) dans le JT ! Je suis en train de refaire tous les documents en urgence pour les autotests et les déclarations sur l'honneur des parents qui ne doivent plus rien y comprendre, c'est la catastrophe. J'ai 10.000 choses à gérer et je suis déjà épuisée".
Comme de nombreux enseignants du primaire Sophie sera en grève jeudi 13 janvier 2022 pour demander à travailler dans de meilleures conditions. Dans son groupe scolaire, tous les enseignants de maternelle seront en grève et la moitié dans l'élémentaire.
Un difficile suivi pédagogique
Jeanne est professeure de français dans un collège de Nancy, un quart de sa classe est absente entre les cas positifs à la Covid et les cas contacts.
"C’est compliqué d’assurer un suivi pédagogique avec des élèves tantôt absents, tantôt présents et des activités annulées car on doit éviter de mener des actions vivantes à cause des contacts rapprochés. Les parents sont très inquiets, ils nous bombardent de messages, on essaie de les rassurer mais je n’ai aucune certitude sur la possibilité de boucler le programme à cette heure".
Inquiète pour le suivi du programme, Jeanne l’est aussi quant à la motivation de ses élèves : "ils sont lassés de cette situation et cela a un impact sur leur motivation. Ils sont éteints et participent moins, le masque est un obstacle terrible".
Dans cette situation complexe, Jeanne affirme travailler double entre le télétravail et le travail en présentiel : "il faut rester positifs pour nos élèves, mais on a besoin de la reconnaissance qui va avec et des protections nécessaires".
Toutes les fédérations de l'éducation Nationale appelent à la grève jeudi 13 décembre dans "une journée blanche", un appel unanime de toute la communauté éducative.
*Les prénoms ont été modifiés.
Les dernières modifications du protocole sanitaire
Les trois tests nécessaires pour rester à l'école si l'élève est cas contact sont désormais des autotests, plus besoin d'un antigénique ou d'un PCR pour le premier test.
Une seule attestation sur l'honneur des parents suffit.
Si votre enfant est cas contact, vous pouvez attendre la fin de la journée pour venir le chercher à l'école.
Des changements à la marge pour désengorger un peu les laboratoires pris d'assaut et alléger les écoles qui doivent vérifier et demander tous les documents chaque jour.